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En prison, l'espoir fait vivre
Publié dans El Watan le 18 - 05 - 2005

C'est un texte résolument moderne, axé sur la réinsertion sociale des détenus, c'est-à-dire la protection de la société. Mais c'est aussi un texte qui ne vaudra que par la qualité des hommes chargés de le mettre en œuvre. Toujours est-il que les changements commencent déjà à se faire sentir.
En effet, la prison n'est plus comme avant cet univers clos, coupé du monde extérieur.
Désormais, télévision, radio, journaux, magazines, visites… investissent l'espace carcéral et le placent au diapason de la vie de tous les jours.
Même les détenus ont changé, leurs réclamations ne portent plus essentiellement sur la ration alimentaire, la santé, les parloirs ou l'application du règlement ; elles dépassent le cadre étroit de la prison pour mettre en cause le fonctionnement même de la justice pénale (lenteur des procédures, excès de la détention provisoire, atteintes aux droits de la défense, atteintes à la dignité humaine…).
Ce qui est frappant, c'est l'aspiration de tous à une plus grande dignité. Dans les pays socialement avancés, on a constaté depuis longtemps que la prison est à bout de souffle, que c'est une institution dépassée. Mais on ne sait pas encore par quoi la remplacer : éternel dilemme. Soyons raisonnable, la prison ne saurait être une garderie pour adultes dangereux. Le juge étant celui qui détermine la durée du temps de garde. On sait que le détenu est neutralisé durant sa détention. Mais après… Il doit sortir ! Nous allons être délibérément choquant : si la prison est un mouroir où on entre pour ne plus en sortir sinon les pieds devant. Les choses seraient plus simples. Il y aurait les méchants en prison et les honnêtes gens dehors en toute sécurité, et la société serait on ne peut mieux protégée. Mais les choses étant ce qu'elles sont, le détenu ayant purgé sa peine et payé sa dette envers la société recouvre sa liberté et débarque sans crier gare dans la rue pour se fondre dans la foule.
Si la prison ne remplit que sa fonction première d'enfermement, l'individu déviant qui y entre pour la première fois (encore récupérable et amendable) en sortira quelques mois ou quelques années plus tard plus agressif, plus antisocial, plus aguerri dans le crime. Parfois, c'est un véritable psychopathe qui en sort. En somme, une véritable bombe «criminogène».
En principe, la république doit offrir les mêmes chances à tous. Mais tout le monde sait (surtout les plus défavorisés) que nous partons tous à chances inégales. Au départ, s'incruste déjà un sentiment d'injustice qui va aller grandissant.
L'éclatement de la famille traditionnelle, la démission parentale, le défaillance de l'école, l'omnipotence de la rue avec ses valeurs propres, la crise sociale et morale sans précédent, la propagation épidémique de la consommation de drogues, les années du terrorisme… Tous ces facteurs convergent pour offrir aux cultures de l'avenir un terreau explosif ! Toutes les statistiques des différents services de sécurité le prouvent ; la délinquance prend des proportions alarmantes et les comportements déviants menacent la cohésion sociale. Et si, dans ce sombre tableau, la prison ne remplit que la fonction carcérale stricto sensu ? Alors, tous les établissements pénitentiaires seraient autant de volcans prêts à cracher du feu et à ensevelir la société sous les coulées de lave brûlante. La fonction de rééducation qui est aussi importante que l'éducation, sinon plus, doit accompagner et imprégner la fonction carcérale dans le but bien précis de préparer le retour du détenu au sein de la société dans les meilleures conditions possibles. Mission difficile mais pas impossible.
Dans ce schéma, le temps d'enfermement est mis à profit pour faire prendre conscience au détenu de sa condition humaine, qu'il est respectable, récupérable et surtout que la société a besoin de lui et qu'il a sa place en son sein.
Cela, à travers l'éducation, la formation professionnelle, le travail éducatif, la culture…
Le rappel et l'adhésion aux valeurs propres à tous les Algériens (solidarité, honneur, courage, abnégation…). Cette politique a besoin de moyens matériels mais surtout de compétences humaines. La réinsertion sociale des détenus ne saurait impliquer la seule institution judiciaire. C'est l'affaire de tous, société civile comprise. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, s'il y a un endroit au monde où l'espoir fait vivre, c'est bien la prison ! Le détenu espère toujours une mesure de grâce, un régime plus souple (semi-liberté, travail en chantier extérieur…), des aménagements à sa peine (permission de sortir, suspension temporaire de l'application de la peine, libération conditionnelle…).
L'intelligence de la réforme en cours a été de prendre en charge cet espoir, de le traduire en mesures concrètes et de préparer la réinsertion sociale des détenus. Les plus pessimistes s'interrogeront : «Comment réinsérer celui qui n'a jamais été inséré ?» Les optimistes répondront : «Essayons d'abord.»Le juge de l'application des peines, censé diriger la politique de rééducation et influer positivement sur le devenir des détenus, était le maillon faible du système. Car n'ayant aucun pouvoir de décision (tout se décidait à la chancellerie) et n'étant doté d'aucun moyen matériel, il ne pouvait être qu'un assistant social pour détenus n'ayant pour arme que sa bonne volonté et sa capacité d'écoute. Le nouveau code de l'organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus a été bâti autour d'un juge de l'application des peines fort et bien assis sur ses prérogatives. En effet, ce dernier se voit investi par la grâce de la loi d'un pouvoir décisionnel étendu, qui lui permet de jouer pleinement son rôle, c'est-à-dire veiller à humaniser les conditions de détention, concrétiser la politique de rééducation et de réinsertion sociale des détenus et être en outre la sentinelle du droit dans cet univers qu'on appelle carcéral.


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