Les directeurs des 127 centres de détention d'Algérie se sont réunis, hier, au siège du ministère de la Justice, avec les juges d'application des peines et des cadresdu ministère, pour procéder à “l'évaluation” de la situation des établissements pénitentiaires et arrêter des “perspectives” communes. C'est en fait la première fois, depuis la promulgation de la loi 05-04 du 6 février 2005 relative à la réforme pénitentiaire, qu'une telle rencontre (de deux jours) a été initiée, visant à mesurer l'impact de la nouvelle loi sur le terrain, situer les points forts et repérer les défaillances en vue de les corriger. Le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, a d'ailleurs déclaré, dans son “discours d'orientation”, que la rencontre “devra faire le point sur les réalisations”, mais aussi “susciter une réflexion sur ce qui devra être fait”, à l'avenir, afin d'“humaniser davantage les prisons algériennes. Dans le cadre de l'humanisation des établissements carcéraux et de la politique de défense sociale, plusieurs décisions ont été prises ou renforcées par le secteur de la justice, avec l'objectif de réinsertion des prisonniers dans la société. Parmi ces mesures, figure notamment l'émergence de la fonction de juge d'application des peines, appelé à veiller sur l'exercice des droits des détenus en milieu carcéral. Hier, dans leurs bilans, des directeurs de centres pénitentiaires et des juges d'application des peines ont relevé “la faiblesse” du nombre de personnels de pénitenciers et le problème de locaux d'hébergement pour les surveillants. D'aucuns ont fait part du “refus” des personnes incarcérées, souvent analphabètes, d'étudier. Certains juges d'application des peines ont fait savoir que la loi de février 2005 “a de grandes ambitions”, en soutenant plus loin que les centres pénitentiaires “doivent être adaptés (aux objectifs fixés par la loi, ndlr) et dotés de tous les équipements”. D'autres ont parlé de plaintes de détenus, en matière de “santé” et de “transfert”. Pour un juge exerçant à Annaba, il existe encore des “insuffisances”. “Le nom de juge d'application des peines ne correspond pas à la fonction”, a-t-il affirmé, en citant “les prérogatives” du juge dans le domaine de la réinsertion et en plaidant pour “l'élargissement des missions du juge d'application des peines pour mener à bien leur mission de réinsertion et de suivi”. D'autres juges ont attiré l'attention de la tutelle sur le “regard porté sur le détenu” au niveau des prisons, où le prisonnier “est toujours vu comme un criminel”. Sinon sur le danger d'“associer les grands criminels récidivistes avec leurs collègues”, c'est-à-dire les autres prisonniers. Un autre point, venu souvent dans la bouche des juges d'application des peines, est celui des notaires qui “se désintéressent” de la population carcérale. Dans ses réponses, le ministre de la Justice a invité l'assistance à “une vision commune”, dans la gestion des problèmes au sein des prisons, conformément à la nouvelle loi. Pour M. Belaïz, la campagne d'explication de ce texte doit se poursuivre en direction des détenus. Y compris sur les risques de récidive. Concernant les notaires qui refusent de travailler avec les prisons, le ministre a qualifié leur comportement d'“arbitraire”, en promettant de les sanctionner à l'avenir. Quant à la question du transfert du prisonnier, il a indiqué à l'adresse des juges d'application des peines : “Le transfert est l'affaire de l'Etat. Vous, vous êtes responsables du suivi à l'intérieur du pénitencier”. Tayeb Belaïz a, également, été explicite sur le suivi du détenu, après sa sortie de prison, rappelant que cette mission revient à la commission interministérielle. Une manière de confirmer que la réforme pénitentiaire est encore à ses premiers pas… H. Ameyar