Le Trésor public va encore une fois devoir racheter les dettes des agriculteurs évaluées à 41 milliards de dinars. Le président de la République l'a annoncé hier à partir de Biskra, où il a procédé à l'ouverture de la conférence nationale du renouveau agricole et rural. « Dans le but d'encourager le monde agricole à fournir l'effort intense attendu de lui pour moderniser l'activité et augmenter ses diverses productions, j'annonce que l'Etat a décidé d'effacer la totalité de la dette des agriculteurs et des éleveurs, qui s'élève actuellement à 41 milliards de dinars », a-t-il déclaré devant une assistance composée, entre autres, d'agriculteurs et de représentants d'organisations professionnelles. L'initiative est en soi louable, l'agriculture étant un secteur trop sensible pour ne pas lui prêter toute l'attention qu'il mérite. Il y va de la sécurité alimentaire de toute une nation. Il convient cependant de s'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure. Une action similaire avait été entreprise en 2002, mais elle n'a pas solutionné le problème de l'endettement des agriculteurs, qui devient récurrent. Pour Mohamed Elyes Mesli, ancien ministre de l'Agriculture, le mal ne se résume pas uniquement à cette question, mais est beaucoup plus profond. « C'est le résultat de nos différentes politiques et de la situation réelle du monde agricole. C'est toujours la même chose. On efface les dettes et dans quelques années, le Trésor public va encore une fois devoir racheter d'autres dettes. Cela ne va rien changer fondamentalement. Le problème est ailleurs que dans le financement », souligne-t-il d'emblée. Selon lui, la configuration du paysage agricole algérien fait que la plupart des agriculteurs ne sont pas éligibles aux crédits qu'ils ne sont pas en mesure de rembourser. « Plus de 170 000 exploitations font moins d'un hectare et 500 000 moins de cinq hectares. La plupart d'entre elles sont situées dans des zones montagneuses. Ce sont des petits paysans qui ne peuvent pas régler leurs dettes », fait-il valoir. « L'Etat a toujours remboursé les créances impayées, mais qu'en sera-t-il quand il n'aura plus les moyens de le faire ? », a-t-il poursuivi, en précisant que les agriculteurs bénéficient pratiquement de prêts ne présentant aucune garantie. M. Mesli estime que les banques ne sont, dans ce contexte, pas à blâmer. « Il ne suffit pas de dire que c'est la faute à la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA) ou des banques. Il faut mettre en place des structures agraires adéquates. Les agriculteurs ont besoin d'aide, pas de prêts qu'ils ne peuvent pas rembourser », a-t-il noté. Il estime nécessaire de réfléchir à une politique d'accompagnement. Faute de quoi, on retombera dans les mêmes contraintes. « Il n'est pas possible de penser au développement du pays sans étendre le monde rural. Pourquoi a-t-on abandonné le projet de 1000 villages agricoles qui devaient assurer aux agriculteurs toutes les commodités ? », s'est interrogé encore notre interlocuteur. D'après lui, si on ne bâtit pas d'ici 15 à 20 ans une politique de développement agricole et rural, on assistera inexorablement au retour du phénomène de l'exode rural.