L'ouverture, hier à Biskra, de la Conférence nationale sur le renouveau de l'économie agricole et le renouveau rural s'inscrit à l'évidence dans une réflexion globale sur l'après-pétrole. Il ne peut pas en être autrement face à un secteur dont le caractère hautement stratégique doit à peine être souligné. Au-delà des interventions des spécialistes conviés à cette rencontre, il reste que l'agriculture, à travers toutes ses filières, n'atteint pas le niveau de performance qui devrait permettre au pays d'échapper à toute forme de dépendance alimentaire. L'enjeu est certes colossal au regard de la superficie de l'Algérie et de son évolution démographique. Il s'agit d'abord de garantir une autosuffisance alimentaire qui est assurée par les recettes des hydrocarbures sans que se mette en place une transition susceptible de permettre un autofinancement de l'agriculture. Le constat, pour être récurrent, n'en pose pas moins la problématique d'un secteur très largement en deçà de ses capacités à créer des emplois et à participer à une politique induite de développement durable. En fait, l'agriculture est régie par les importations systématiques qui montrent l'absence d'alternative pour créer les conditions favorables à une autonomie de production. Il en résulte des surcoûts au niveau du marché et une pression inévitable sur l'Etat en matière de soutien des prix de produits de première nécessité. Les paramètres de l'économie de marché ne peuvent pas, seuls, justifier les pénuries ou les hausses de prix souvent décidées arbitrairement sans tenir compte des mécanismes de régulation mis en place par l'Etat. Les pratiques de surenchère, devenues habituelles, érodent en profondeur l'identité d'une agriculture algérienne réputée apporter la subsistance aux populations d'un si vaste territoire. La grande – et reculée dans le temps – tradition vivrière a certainement pâti du fait que les hydrocarbures ont pris le pas sur les ressources de la terre pour susciter une dynamique aléatoire de l'importation de tout ce qui est nécessaire aux campagnes pour vivre. Au nombre des effets pervers de cette dynamique figure l'exode rural qui a enlevé à la terre les bras qui la travaillent. C'est un tel tissu qui doit être aujourd'hui reconstitué à l'aune d'une économie agricole qui ne peut plus être liée aux fluctuations du baril de pétrole. D'autant moins que l'agriculture est en elle-même nourricière et pourvoyeuse d'emplois. La conférence Biskra est, à cet égard, le miroir d'une agriculture qui, pour l'avoir occultée, est en devoir de renouer avec sa vocation vivrière au sens physique du mot. C'est en cela que toute réflexion, qui intègre le danger de la dépendance alimentaire comme une entrave fatale, ne peut pas éviter de proposer des clés pour refonder une économie agricole tournée vers un avenir où le facteur humain est au centre des stratégies.