L'effacement des dettes des agriculteurs et des éleveurs auprès des banques annoncé par Abdelaziz Bouteflika depuis Biskra doit-il être pris pour ce qu'il est, sans doute : un simple effet d'annonce. En effet, faut-il pour autant s'enthousiasmer et croire qu'enfin l'agriculture et son développement sont revenus comme centres d'intérêt des pouvoirs publics ? Trop tôt pour le dire et pas suffisant pour le croire, car au-delà du montant considérable – 41 milliards de dinars – que représente la dette concernée, une telle mesure n'aura aucun effet sur la majorité des petits agriculteurs qui, de toutes les manières, sont depuis longtemps exclus des prêts bancaires parce que jugés non solvables. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que l'effacement de l'ardoise va d'abord profiter aux « gros exploitants » dont on sait que beaucoup d'entre eux ont carrément détourné les crédits et prêts bancaires de leur destination agricole ou de la mise en valeur de nouvelles terres pour « investir » dans l'immobilier spéculatif ou dans « l'import-import » tout aussi « juteux ». Quant aux petits fellahs qui possèdent moins de 5 ha et qui constituent la majorité du monde agricole, l'embellie n'est sans doute pas pour demain. Ce « geste généreux » profitera davantage à ceux qui ont bénéficié de milliards de crédits et qui n'ont pas investi le moindre dinar dans l'agriculture. Le caractère spectaculaire de la mesure annoncée dans le cadre de la préparation de l'opinion à l'élection présidentielle ne cache pas moins la portée limitée et le bénéfice immense à qui elle va surtout profiter. L'agriculture a certes besoin de mesures énergiques d'incitation pour de vrais investissements dans l'accroissement des rendements, des surfaces cultivables et de la productivité, des mesures plus ciblées dont la portée se traduirait à terme par des résultats tangibles. Le monde rural aurait sans doute mieux accueilli des décisions liées à des abattements de taxes sur les intrants agricoles, des baisses remarquables des taux d'intérêt de prêts à long terme, une revalorisation des prix à la production de la céréaliculture, du lait, etc. Bref, des mesures qui contribueraient à éloigner le spectre de l'insécurité alimentaire, mais dont l'effet d'annonce à court terme, c'est-à-dire pour l'échéance du 9 avril prochain, serait nettement moindre. Mais le candidat-président ne pouvait laisser de côté le monde rural, surtout après l'annonce faite à Oran de revoir à la hausse le salaire minimum à partir de janvier prochain. La conjoncture électorale se prête, il est vrai, à toutes les mises en scène. Après les projets inaugurés plus d'une fois, les mesures qui n'en sont pas comme ce fut le cas de l'annonce, il y a quelques semaines à peine par l'UGTA, du paiement des salaires impayés au profit de 21 000 salariés, voilà une mesure qui n'a certes pas eu l'effet escompté d'autant qu'en 2007, l'ex-chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, avait solennellement annoncé devant les députés que le dossier des salaires impayés, concernant plus de 52 000 travailleurs, était définitivement réglé. Deux ans plus tard, à l'approche du 9 avril, on découvre qu'il ne l'était pas totalement et que 21 000 salariés étaient encore sur le carreau. Alors qui dit vrai, qui dit faux ?