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Edgar Rice Burroughs, un fantasme américain
Publié dans El Watan le 23 - 06 - 2005

Né en Amérique, en 1912, sous la plume d'Edgar Rice Burroughs, son nom raisonnera partout dans le monde, avec la même ferveur, dans le cœur de millions de lecteurs puis rapidement de spectateurs. En Algérie, c'est sous les traits de Johnny Weissmuller, le bel acteur champion du 100 m crawl, que Tarzan conquit les cœurs et les esprits de milliers de jeunes. A Constantine, par exemple, Tarzan est né sous les yeux encore émerveillés par la magie des frères Lumière, aux salles d'antan Nunez et Cirta. Deux salles de cinéma «indigènes», dont on se souviendra que la seconde accueillit Farid El Atrache, pris à partie par des militants du PPA, pour le «saut périlleux» qu'avait fait son «tapis volant» musical par-dessus l'Algérie et sa revendication identitaire. Rapidement, aux piscines de Sidi M'cid et à la Cuvette, il y eut des Tarzan et un djebel Tarzan. Du côté de Sidi M'cid, c'était le culte du beau corps, on nageait, on faisait du vélo sur la route de Mila, on était sociétaire du CSC, né en 1898, s'il vous plaît (pour alimenter la traditionnelle polémique avec le MCA), on faisait partie des scouts, on se gominait les cheveux, on écoutait Abdelouahab, on portait parfois un Osmanli (Fez) et… on aimait Hollywood. Deux figures en particulier frapperont les jeunes esprits d'alors, «Ralph Scambot» pour Randolph Scoot et Johnny Weissmuller. Nul hasard s'il s'agit là des acteurs représentatifs des deux grands genres qui firent le succès du cinéma populaire américain, le western et le film d'aventures. Auxquels il faut ajouter le comique avec Bétabot et Locstello, pour Bud Abbot et Lou Costello, dont on a longtemps inversé les noms, au gré des consonances : Bétabot «faisant» gros et Locstello plutôt maigre. Tarzan était pour les gamins qui allaient jouer au ballon à la Cuvette, du côté du Chalet des Pins, un modèle. Qu'ils suivaient déjà de la manière la plus élémentaire, en s'accrochant à de longues cordes nouées aux branches des arbres, comme autant de lianes pendantes, sur un monticule baptisé depuis lors Djebel Tarzan, en imitant le célèbre cri de la jungle (en fait du Tyrol natal du père de Johnny Weissmuller). Il y eut une tentative d'imposture, qui révolta les enfants de Sidi Rached, de Sidi Mimoun et de Sidi Eldjellis, qui dénoncèrent à grands coups de boycott, l'apparition d'un «faux» Tarzan à l'écran, le pauvre Buster Crabbe reparti, illico presto et sans demander son reste, en Pathé métropolitaine. Tarzan était ce personnage mythique, sauvage comme le colonisé, héritier déchu d'une grande lignée, comme les Arabes, mais capable de réussir et de dominer le monde malgré son dénuement, comme les indigènes, jusqu'à prendre sa revanche sur l'histoire, qu'on se rappelle Tarzan en smoking dans Les Aventures à New York, comme les Algériens. C'est pourquoi le cinéma fut un formidable outil d'ouverture sur le monde, une projection des aspirations à une vie meilleure et donc de promotion des idées et des valeurs universelles. Comme il développera le sens esthétique et constituera un puissant levier à la réflexion. Les studios d'Hollywood et de Misr furent, malgré eux, les instigateurs d'une nouvelle vision du monde et de soi chez les jeunes Algériens nés dans les années 1930. C'est le film Tarzan, l'homme singe, réalisé en 1932, douze ans après le premier Tarzan du cinéma, qui rend le personnage d'Edgar Rice Burroughs célèbre et consacre, plus que le roman et la bande dessinée, le mythe. Un mythe particulier, populaire mais aussi profondément philosophique, qui relève tant de l'aventure que de l'humanisme. Une allégorie qui consacre l'espoir d'un retour à la nature, à un monde certes primitif et hostile, mais dominé par l'homme, libéré des aliénations de la société mercantile et mécaniste. A l'inverse des Superman et Batman, c'est un héros sans costume, à mains nues, libre et heureux, qui trouve sa force en lui-même, dans un arc-boutement de la volonté, dans un prodigieux dépassement de soi, que symbolisent admirablement les illustrations de Burne Hogarth, ou l'image de Tarzan atteint parfois au sublime de l'expression humaine. Que reste-il de Tarzan aujourd'hui ? Au cinéma, Greystoke date déjà de 1983, et depuis Lambert est plus connu pour l'extraterrestre Highlander et ses pouvoirs surnaturels, que pour son rôle d'un Tarzan en butte à la société bien-pensante. Que reste-il des héros aujourd'hui ? Depuis les années 1980, ils sont au rebut.
Si peu de jeunes lisent cette belle littérature universelle, qui de Kipling, Dickens, Stevenson, Fenimore Copper, Landon, Dumas et Verne. Si peu apprécient la bande dessinée, Tintin, Ali Hodja, Rahan, Kiwi, Blek, Michel Vaillant, Alix et Corto Maltese, autant de modèles et de diversité. Qu'on se souvienne, par exemple, de cette belle série livresque des années 1970, intitulée 15, ou en quinze histoires romanesques autour du même thème, ou l'on apprenait que la vie ne s'arrêtait jamais à notre petite personne et à son quotidien et qu'il fallait à chaque fois s'élever pour mériter de l'existence. Qu'on se souvienne avec quel regret, on se rendait compte qu'on avait lu toute l'œuvre, pourtant prolifique, de Michel Zevaco et qu'il ne restait plus le moindre Pardaillan pour nous enthousiasmer. Qu'on se souvienne avec quel ferveur, on relisait des dizaines de fois le passage où d'Artagnan provoquait en duel les trois mousquetaires avant de les rejoindre. Et combien étaient exaltantes ces scènes de Victor Hugo dans Les Misérables ou Quatrevingt treize. Qu'on se souvienne de Henri de Monfreid, véritablement le dernier des aventuriers, de La Traversée du Kon Tiki et du Naufragé volontaire. Qu'on se souvienne de l'odeur des livres, de la typographie de Brodart et Taupin et des illustrations de Gustave Doré ou Edmond About. C'était l'univers de ceux que fascinait l'archétype de Tarzan, dont débouchait toute une vision du monde avec l'adhésion aux valeurs pérennes du dépassement de soi. Brithney Spears, Tomb Raider, la «remakeisation» à tout-va, des anciens films et chansons, quelques acteurs «box-officesant», quelques sportifs à gros cachets, des «médias philosophies» manichéistes, Nike, GAP, Universal, des politiques de fortune, des méchants ex nihilo et des «bons» autoproclamés, voilà l'univers héroïque de la société contemporaine. Les plus jeunes sans repères, ni mémoire se nourrissent de clichés, de violence, de concupiscence et d'indigence morale et intellectuelle ou de défaitisme. Les plus âgés se perdent, blasés, désespérés ou complices, dans un monde fait de résignation, de frustration ou de compromission. Dans cet univers sombre et sans perspectives, à la Enki Bilal, où est le meilleur de l'homme ? Bonté naturelle, volonté agissante et action transcendante, voilà la parabole à portée du plus grand nombre, qu'offrait le mythe de Tarzan. Celui-ci dénonçait déjà en termes simples, dans Le Lion d'or, un monde déshumanisé : «Vous ne trouverez aucun ami à cet endroit. Vous trouverez la duplicité, l'hypocrisie, la cupidité, l'avarice et la cruauté. Vous ne trouverez personne pour s'intéresser à vous et vous ne vous intéresserez à personne. Moi Tarzan des singes, j'ai quitté ma jungle pour aller dans des villes, mais toujours j'ai été dégoûté et heureux de revenir à ma jungle, aux nobles animaux qui sont sincères dans leurs amours et leurs haines, à la liberté et à la pureté de la nature.» Moulin, Ben Boulaïd, Ben M'hidi, Guevara, Lumumba, Allende, Nasser, Mandela, Arafat sont tous des Tarzan, aux yeux de ceux qui ont été subjugués par le mythe, par cette possibilité de dépassement de soi et des contingences, que porte en lui chaque individu, toujours et partout, malgré sa solitude et sa précarité et qui font qu'aujourd'hui, chacun de nous peut être un Tarzan à sa manière, à l'aune de sa seule volonté.

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