Historique Le droit obligatoire au congé annuel payé compte au nombre des avantages – comme les conventions collectives de travail et la semaine de quarante heures – obtenus par la classe ouvrière française après le mémorable mouvement revendicatif qui a marqué la crise économique et social de juin 1936. Ainsi naquit la célèbre loi du 20 juin 1936 instituant un congé annuel payé dans l'industrie, le commerce, les professions libérales, les services domestiques et l'agriculture «au profit» de toute personne qui, du fait d'un contrat de travail écrit ou tacite, se trouvait dans un état de subordination vis-à-vis de son employeur. Sous le régime colonial, les textes législatifs et réglementaires de la République ne s'appliquaient de plein droit à l'Algérie (bien que retenue comme «trois département français») que si une clause spéciale de style «la présente loi – ou le présent décret – est applicable à l'Algérie» y était insérée. Dans le cas particulier de la loi du 20 juin 1936, celle-ci était étendue à l'Algérie en vertu de son article 3. Ce premier régime obligatoire des congés payés reconnaissait : – le droit au congé payé au travailleur comptant à l'intérieur de la période ordinaire des vacances, un minimum de six mois de services continus dans le même établissement ; – le bénéfice d'une semaine ou de quinze jours de repos comportant respectivement six jours ou douze jours ouvrables suivant que le travailleur comptait six mois ou un an de services continus ; – l'octroi d'une indemnité de congé calculée sur la base du salaire que l'intéressé aurait perçu pendant la période de congé. Plusieurs fois modifiée et complétée, la loi promotrice du 20 juin 1936 a été introduire dans le «code algérien du travail» (1) composé de tous les textes législatifs et réglementaires «métropolitains» étendus à l'Algérie, des lois votées par l'Assemblée algérienne et des arrêtés gouvernatoriaux (2). Notre droit du travail a été régi, du fait de la reconduction des textes en vigueur à l'indépendance nationale (3), par ce code jusqu'à la promulgation des premiers grands textes législatifs en la matière qui ont suivi l'avènement de la «gestion socialiste des entreprises» (4). C'était la «belle époque» et l'apogée de l'opinion irréversible pour le socialisme spécifique, ses révolutions sectorielles et la Charte nationale qui proscrivait «la propriété privée exploiteuse» et bien entendu l'émergence d'un ensemble de textes législatifs et réglementaires ségrégationnistes introduisant la dichotomie entre secteur public et secteur privé, comme par exemple l'ordonnance n°75-31 du 29 avril 1975 relative aux conditions générales de travail dans le secteur privé. Les congés annuels payés dans la loi algérienne Dans son article 213 rédigé en termes d'exposé des motifs, l'ordonnance sus-visée affirme que «le congé annuel est destiné à permettre au travailleur de se reposer en vue d'assurer la conservation et la reconstitution de sa santé et de sa capacité de travail». Selon ce texte, «tout travailleur ou apprenti qui, au cours de l'année civile, aura justifié d'un mois de travail effectif chez le même employeur, dans la même unité ou entreprise, a droit à un congé déterminé à raison de deux jours ouvrables par moi de travail, sans que la durée totale du congé principal puisse excéder vingt-six jours ouvrables par an». Etant en outre précisé que «tout travailleur ayant accompli une année de travail a droit à un congé équivalant à trente jours calendaires ou à vingt-six jours ouvrables». Il y a eu ensuite l'ordonnance n° 78-12 du 5 août 1978 (5) relative au «statut général du travailleur» présentée alors comme «une arme efficace pour les masses laborieuses à qui incombent a priori les tâches de développement national et de l'édification du socialisme». «Grâce à cette puissante arme, les travailleurs au service de la Révolution et de la patrie pourront désormais faire face et affronter les éléments opportunistes et bureaucrates qui ont naguère entravé et ralenti le développement national de nos activités nationales» (6). Ah que nous sommes loin de ce genre de discours ! En matière de congé annuel payé, le SGT n'a fait que poser le principe du droit des travailleurs au bénéfice du même régime, renvoyant les modalités de l'application de celui-ci, notamment pour ce qui est de la durée et du calcul des droits et de la rémunération, à une loi à venir. Puis est intervenue la loi spécifique aux congés annuels n° 81-08 du 27 juin 1981 (7) applicable à tous les secteurs d'activité, de laquelle il résulte que : – le congé rémunéré est calculé à raison de deux jours et demi par mois de travail dans la limite de trente jours calendaires par année de travail ; – lorsque le nombre de mois travaillés n'est pas entier, les tranches comprises entre huit et quinze jours donnent droit à un jour de congé et celles qui sont supérieures à quinze jours sont considérées comme moi entier ; – les périodes égales à quatre semaines ou vingt-quatre jours ouvrables sont équivalentes à un mois de travail effectif lorsqu'il s'agit de fixer la durée du congé annuel rémunéré ; – le congé est octroyé sur la base du travail effectué au cours de la période de référence qui s'étend du 1er juillet de l'année précédant le congé au 30 juin de l'année du congé. Aux textes épars subséquents du statut général du travail d'inspiration socialiste a succédé la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 (8) relative aux relations individuelles de travail ainsi que d'autres textes sociaux promulgués à la même époque, l'ensemble constituant l'essentiel de notre actuel droit du travail. Le droit aux congés payés bénéficiaires L'article 38 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 stipule que «tout travailleur a droit à un congé annuel rémunéré par l'employeur». Il précise également que le travailleur ne peut renoncer à tout ou partie de son congé et tout accord dans ce sens est nul et de nul effet. Les travailleurs s'entendent De toutes personnes qui fournissent un travail manuel ou intellectuel moyennant rémunération salariale dans le cadre de l'organisation et pour le compte d'une autre personne physique ou morale, publique ou privée, communément dénommée un «employeur». Autrement dit, le droit au congé annuel payé est déterminé par l'existence d'un contrat de travail écrit ou verbal liant le travailleur salarié à un employeur. Différents régimes de congés payés Dans l'esprit de la loi, on distingue d'une façon générale plusieurs catégories de travailleurs en matière de congés annuels payés : – ceux qui relèvent du régime général tel que régi par la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, c'est-à-dire les travailleurs salariés au service des entreprises commerciales, industrielles, sociétés civiles, professions libérales, associations sans but lucratif, groupements divers… ; – les personnels civils et militaires de la défense nationale, les magistrats, les fonctionnaires et agents contractuels des institutions et administrations publiques de l'Etat, des wilayas et des communes ainsi que les personnels des établissements publics à caractère administratif qui sont soumis à des statuts distincts fixés par des dispositifs réglementaires particulières ; – les dirigeants d'entreprises, les personnels navigants des transports aériens et maritimes, les personnels des navires de commerce et de pêche, les travailleurs à domicile, les journalistes, les artistes et comédiens, les représentants de commerce, les athlètes d'élite et de performance et les personnels de maison pour lesquels il peut être prévu des dispositions réglementaires fixant un régime spécifique des relations de travail… Dans le présent exposé, il ne sera question que du régime général. Durée du congé Aux termes de l'article 41 de la loi n° 90-11, la durée du congé annuel payé est calculée à raison de deux jours et demi par mois de travail effectif accompli, sans que la durée totale du congé puisse excéder trente jours ouvrables. Les salariés travaillant dans certaine régions du Sud bénéficient d'un congé supplémentaire qui ne saurait être inférieur à dix jours. Il est également prévu que les travailleurs occupés à des tâches particulièrement pénibles ou à des travaux dangereux impliquant des contraintes hors du commun peuvent profiter d'une augmentation de la durée légale du congé principal. La loi renvoie aux conventions ou accords collectifs les modalités d'application de ces avantages complémentaires. Pour fixer la durée du congé annuel payé, la notion de mois de travail s'entend de toute période égale à 24 jours ouvrables ou quatre semaines de travail. S'agissant des salariés saisonniers ou occupés à temps partiel, cette période est égale à 180 heures ouvrables. Enfin, toute période dépassant les quinze jours ouvrables est équivalente à un mois de travail, pour les travailleurs nouvellement recrutés. Période de travail La période de travail à retenir pour le calcul de la durée du congé annuel payé comprend toutes celles de travail effectif chez un même employeur, c'est-à-dire celles au cours desquelles le travailleur a effectivement fourni son travail à l'entreprise, même s'il s'agit de période d'essai ou de préavis effectué. Sont assimilées à des périodes de travail celles relatives aux : – congé annuel ; – absences spéciales payées ou autorisées par l'employeur ; – repos légal prévu par les articles 54 et suivants de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 ; – maintien ou rappel sous les drapeaux. Signalons que le travailleur en congé de maladie de longue durée ne peut en aucun cas bénéficier d'un congé d'une durée supérieure à un mois par an et ce, quelle que soit la durée du congé de maladie. Ordre des départs en congé Le programme de départ en congé annuel est fixé par l'employeur après avis du comité de participation lorsque celui-ci existe. Le congé peut être fractionné et octroyé de façon échelonnée par roulement ou encore attribué simultanément à l'occasion de la fermeture de l'entreprise. Lorsque des nécessités impérieuses de service l'exigent, le travailleur en congé peut être rappelé. En cas de maladie durant la période de congé, le travailleur est autorisé à interrompre ses vacances pour bénéficier du congé de maladie réglementaire et des droits qui en découlent. Période de référence La durée du congé annuel n'est pas déterminée en considération de la période de travail accomplie au cours de l'année civile. Selon l'article 40 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, «le droit au congé annuel repose sur le travail effectué au cours d'une période de référence qui s'étend du 1er juillet de l'année précédant le congé au 30 juin de l'année du congé». Cette disposition s'applique quelle que soit la date à laquelle le congé est octroyé. «Au titre de l'année en cours, chaque travailleur doit donc bénéficier des congés payés au prorata de son temps de présence dans l'établissement arrêté au 30 juin et calculé à partir du 1er juillet de l'année précédente». Indemnité de congé annuel L'indemnité afférente au congé annuel est égale au douzième de la rémunération totale perçue par le travailleur au cours de l'année de référence du congé ou au titre de l'année précédant celui-ci. La rémunération totale à prendre en considération comprend l'ensemble des salaires bruts, y compris toutes les primes ayant le caractère de complément de la rémunération de base et l'indemnité de congé annuel payé de l'année précédente, avant toute retenue au titre de la sécurité sociale réellement perçue entre le 1er juillet de l'année précédente et le 30 juin de l'année du congé. Qu'il s'agisse d'un congé annuel effectivement pris par le travailleur ou d'une indemnité compensatrice versée à l'occasion d'une rupture de la relation de travail, la somme allouée doit nécessairement figurer distinctement des autres éléments de rémunération de la période sur le bulletin de paye, pour être payée en même temps que le salaire de la période. Notes : 1- «Code algérien du travail» présenté par P. A. Mathieu. Editions La Maison des livres. Edition de 1955 suivie de mises à jour. 2- Arrêtés du gouverneur général de l'Algérie. 3- Loi n° 162-157 du 31 décembre 1962 reconduisant la législation en vigueur à cette date. 4- Ordonnance n° 71-74 du 16 novembre 1971. «Journal officiel» du 13 décembre 1971. 5- «JO» n° 32 du 8 août 1978. 6- Journal «El Moudjahid» du 23 août 1978. 7- «JO» n° 26 du 30 juin 1981 8- «JO» n° 17 du 25 avril 1990.