Petit consensus lundi après-midi à l'Espace Noûn, 9, rue Chaâbani, à Alger, sur le dernier ouvrage de Saâdane Benbabaâli et Beihdja Rahal La plume, la voix et le plectre : poèmes et chants d'Andalousie, paru aux éditions Barzakh. « Ce livre est destiné à des gens comme moi. Il m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur la musique andalouse », avoue Nacéra, gérante de la librairie galerie Espace Noûn. Sofiane Hadjadj, responsable des éditions Barzakh, n'est pas en reste. Le livre a, selon lui, rendu accessible la musique et les poèmes arabo-andalous. « Jusque-là, on gardait l'idée de patrimoine fermé, réservé à un public restreint et de concerts où l'on ne résiste pas au sommeil. Ce livre nous permet de mieux comprendre les textes chantés de l'andalou », dit-il. Il souligne l'importance de laisser des traces et des supports écrits sur le patrimoine arabo-andalou pour les jeunes générations. Sofiane Hadjadj rappelle aussi les travaux faits par Sid Ahmed Serri, lequel a enregistré 45 CD, soit l'intégralité de son répertoire chanté. Sid Ahmed Serri a également écrit Chants Andalous. Recueil de poèmes des noubate de la musique sanaâ, publié en 1997, par les éditions Ibda, dans lequel le son est ajouté à l'écrit. A l'époque, cela constituait une première. « La plume, la voix et le plectre est un livre qui m'a volé le titre. Ces trois éléments résument tout l'art andalou, explique Saâdane Benbabaâli, spécialiste de la littérature arabo-andalouse et maître de conférences à la Sorbonne (Paris). Avec des mots simples, il évoque l'invention par les andalous, vers le Xe siècle, du muwashah et des noubate qui font l'ensemble poésie-musique. Double invention qui soulignait une rupture avec le Moyen-Orient qui était sous domination abbaside. Saâdane Benbabaâli relève dans le livre la manière avec laquelle Ziryâb, venu de Baghdad, avait influencé l'art andalou avec la création de la nouba andalousia. Beihdja Rahal avoue, de son côté, que la rencontre avec Saâdane Benbabaâli lui a permis de comprendre enfin les poèmes qu'elle chantait depuis 1974. « J'avais enfin des réponses à mes questions », dit-elle. L'artiste nous confie qu'elle reçoit beaucoup de messages de jeunes entre 15 et 25 ans qui posent des questions à travers son site internet (www.beihdjarahal.com). « J'ai eu l'idée d'élaborer ce livre pour donner des réponses. Dans mes précédents albums, j'ai accompagné les CD par des livrets dans lequels les poèmes en arabe étaient traduits en français. Traduction assurée par Saâdane Benbabaâli qui est un spécialiste. Auparavant, c'était de la musique accompagnée d'un peu de textes. Cette fois-ci, on a fait l'inverse. C'est un ouvrage didactique », dit-elle. La chanteuse, qui n'est plus à présenter et qui a un public fidèle et connaisseur, estime qu'il fallait entrer l'art andalou dans les librairies, conquérir un autre milieu. « Le livre peut être dans les écoles et dans les bibliothèques, les jeunes peuvent le lire, découvrir leur patrimoine et leur culture. Certains me disent que cette musique est citadine, d'Alger, de Blida et de Miliana. Je refuse cela. Moi, je revendique les musiques chaouie, kabyle, saharienne. C'est mon patrimoine. La musique andalouse est un patrimoine national, propriété de tous les algériens », déclare-t-elle. A l'occasion de la sortie de son nouvel album en mode sika (édité par Belda), Beihdja Rahal vient d'achever une tournée dans plusieurs villes : Oum El Bouaghi, Bordj Bou Arréridj, Cherchell, Boumerdès. Tournée organisée par l'ONCI. « Je l'ai fait par défi. Alger n'est pas l'Algérie. J'ai appris qu'à Oum El Bouaghi et à Bordj Bou Arréridj, des écoles de formation de musique andalouse ont été créées ces derniers mois. A Oum El Bouaghi, des petites filles sont venues assister au concert avec des instruments de musique. Elles ont écouté et sont venues me rencontrer et me poser plein de questions. J'ai dit à ces jeunes que la musique andalouse leur appartient, elle n'est pas l'apanage d'une élite », ajoute-t-elle. L'artiste promet de revenir à Oum El Bouaghi pour enseigner son art dans les écoles pendant une semaine. « Je voulais le faire depuis longtemps dans ces petites villes de l'intérieur du pays. Je crois qu'il faut sortir des grandes villes et ne plus dire que l'andalou est une musique citadine. C'est une musique classique, propriété de tous les algériens », estime Beihdja Rahal qui relève qu'il existe une demande sur la musique andalouse.