Quarante ans d'une démocratie corrompue et inefficace n'ont pas réussi à faire du Venezuela un pays riche. Il est parmi les 5 premiers producteurs de pétrole du monde, mais 80% de sa population vit dans la pauvreté. Après les déceptions de cette période noire, le Venezuela a décidé de livrer son destin à Chavez, militaire, politicien charismatique, dont les diatribes enflammées sont redoutées par ses adversaires. Mais qui est donc ce président fantasque qui a «récupéré» le héros national Simon Bolivar, qui s'adonne avec maestria aux shows télévisés, qui parle le langage du peuple, qui ne s'offusque pas de son populisme, bref, qui ne ne recule devant rien pour assurer sa popularité. Fils de Hugo de Los Reyes et d'Elena Frias, tous deux enseignants, Chavez a eu 4 enfants. Il a été marié deux fois et est actuellement séparé de sa seconde épouse. Ses parents décidèrent de l'envoyer à l'Académie militaire du Venezuela qu'il quitta avec le diplôme de sciences et arts militaires. Il a également étudié les sciences politiques à Caracas où il obtint sa maîtrise en 1990. Le 24 juillet 1983, lors du 200e anniversaire de la naissance de Bolivar, libérateur du Venezuela et des autres pays sud-américains, Chavez crée le Mouvement révolutionnaire bolivarien d'orientation socialiste. Le 4 février, ce mouvement passa à l'action, avec à sa tête Hugo Chavez, en tentant un coup d'Etat contre le président Carlos Andres Perez. La tentative échoua lamentablement et Chavez fut arrêté et incarcéré pendant deux ans. Le 27 novembre de la même année, ses amis politiques décidèrent de remettre ça en rééditant le putsch qui échoua. Chavez ne dut son salut qu'à la faveur de l'élection du nouveau président du Venezuela, Rafael Caldera, qui ordonna sa libération. Une fois libéré, Chavez créa un parti politique nommé Mouvement pour la cinquième République. C'est ce parti qui le mènera au pouvoir en le présentant comme le «fléau de l'oligarchie et le héros des pauvres». Chavez sortit victorieux avec 56% de voix. La plus grande majorité aux élections depuis 40 ans au Venezuela. Les deux partis, Action démocratique et Coper, qui s'étaient partagés jusqu'alors le pouvoir, n'obtinrent ensemble que 9% des voix. Sauvé par le peuple Le 2 février 1999, Chavez prêta serment sur une Constitution qu'il qualifia de moribonde et promit un référendum afin de former une nouvelle Assemblée constituante. Il annula le défilé militaire qui accompagne habituellement cette cérémonie, voulant ainsi illustrer la soumission de l'armée aux autorités civiles. Le 7 août 1999 naissait la nouvelle assemblée constituante, qui se distingue par des changements : le nom du pays est désormais République bolivarienne du Venezuela ; le Sénat est aboli ; le mandat du président passe de 5 à 6 ans ; le président peut être réélu une fois au plus ; mise en vigueur du référendum révocatoire qui permet au peuple de destituer n'importe quel gouvernant, fonctionnaire ou administrateur, y compris le Président, et enfin, interdiction de la privatisation des ressources pétrolières. Le référendum du 15 décembre 1999 entérine la nouvelle Constitution, le oui l'emportant avec 71,4% des voix. Le 30 juillet 2000, Chavez fut réélu avec 59,5% des voix. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les cours du pétrole chutent et c'est la crise au Venezuela. Une partie de la population accuse les réformes de Chavez d'être à l'origine de cette situation. Une course d'obstacles Les grèves se succèdent et la crise connut son apogée lorsqu'en février 2002, trois hauts gradés de l'armée demandent la démission du président élu, qui répliqua, dans un discours à la nation, que «le Venezuela est engagé dans une lutte entre la vie et la mort, entre le passé et le futur». Aucune mesure ne fut prise contre ces officiers, Chavez prônant «une absolue liberté d'expression». Mais ce n'était que partie remise. Le 12 avril 2002, Chavez fut à son tour victime d'un coup d'Etat monté par les propriétaires des chaînes privées et les cadres de la compagnie pétrolière du Venezuela, que Chavez avait qualifiés de «corrompus». Ils demandèrent à Chavez de démissionner. Il refusa. Il fut arrêté et un gouvernement autoproclamé à la tête duquel se trouvait Pedro Carmona, président de la Chambre du commerce du Venezuela, fut mis en place. Quelques Etats, notamment les Etats-Unis et l'Espagne, s'empressèrent de reconnaître le nouveau régime. Le lendemain, suite à une manifestation massive de la population de Caracas, Carmona fut renversé et le vice-président Cabello assuma l'intérim de la présidence jusqu'à ce que Hugo Chavez soit localisé, puis libéré et rétabli à son poste. Le 15 août 2004, et devant la pression de l'oligarchie et du syndicat corrompu, Chavez est contraint d'organiser un référendum révocatoire. Près de 60% de la population refuse de voir Chavez partir, principalement les pauvres des favelas pour lesquels le président a créé des quartiers résidentiels qui remplacent les bidonvilles. Chavez nationalise les immenses terres non cultivées appartenant aux plus riches et les redistribue à des agriculteurs travaillant dans de petites coopératives. De même que le gouvernement favorise le système des microcrédits publics et fait appel aux médecins cubains pour réaliser le programme de santé pour les quartiers défavorisés. Il met en place des programmes d'alphabétisation. Toutes ces actions ont joué en faveur de Chavez, persuadé qu'il ne suffit pas à une minorité de se rebaptiser «société civile», pour pouvoir prétendre renverser un président démocratiquement élu. C'est ce qu'ont cru au Venezuela le patronat, un syndicat corrompu, l'Eglise, les classes moyennes et les médias. Pour narguer ses adversaires, Chavez n'a pas trouvé mieux que la télévision pour étaler ses immenses talents de… provocateur ! Il est l'animateur principal du show et fait s'esclaffer l'assistance en rappelant comment il a réussi à faire chanter faux son idole Fidel Castro, qu'il n'hésite pas à égratigner. «Il chante vraiment mal.» Chavez dialogue en duplex avec une modeste téléspectatrice dont il prend congé après un tendre «Holà ma vie, je t'envoie un baiser». Le coup d'état : pratique courante Pour la 100e émission dominicale «Alô Presidente», il se surpasse. Communication satellite avec les président guatelmaltèque, dominicain et cubain. «Bon Fidel, si on ne se voit pas ces jours-ci, on s'appelle. Hasta la victoria siempré !» expédie une volée de bois vert à la presse avant de terminer par un menaçant : «Et je donne un conseil à ceux qui veulent me déstabiliser : je sais combien ils sont et combien ils pèsent après le déjeuner.» Le président en fait sans doute trop. Six heures trente-cinq d'antenne, sans discontinuer. Mais il estime ces grands-messes nécessaires pour maintenir un contact direct avec les exclus, les pauvres et la gauche en général, qui constituent son électorat. La télé, Chavez ne peut s'en passer. Il en a même créé une avec l'aide des pays voisins pour tenter de contrecarrer la CNN. Alô Presidente «Alô Presidente» est l'émission dominicale la plus regardée au Venezuela. Et pour cause, Hugo Chavez, le président, 50 ans, répond aux appels téléphoniques des téléspectateurs et réagit aux récits des humbles gens avec une émotion non feinte. A la Saint-Valentin, il s'est livré à d'innombrables déclarations d'amour à sa femme. Il raconte ses voyages à l'étranger, soit près de 50 pays en moins de 2 ans, dans les termes les plus simples et profite de ces occasions pour traîner dans la boue ses adversaires en les traitant de «canailles» et de «bâtards». Chavez ne se limite pas à ces apparitions dominicales, il se permet d'interrompre les feuilletons en semaine, même lorsqu'il est en voyage, par d'interminables interventions radiophoniques et télévisées, en s'efforçant de ressembler chaque fois davantage à son idole Fidel Castro. Le grand public adore. «Bien qu'il y ait peu de changement, il parle comme nous. Bien sûr, il ne va pas changer le pays comme ça, après des décennies de corruption. Il a de bonnes intentions», confie l'un des habitants des bidonvilles qui encerclent Caracas. Pour les démunis, c'est sûr, le président est un nouveau Bolivar ou un Robin des Bois latino. La classe moyenne et la haute société ont découvert un populiste de plus, dont le discours se réfère au modèle du nationalisme de gauche des années 1950. «Ce type est un démagogue, un fou furieux. Mais il mène le pays à la ruine ! De toute façon, sa place n'est pas à la Présidence. Un militaire ne sait faire que deux choses : obéir ou commander !» Au sein de la caste oligarchique, on hait cet intrus. «Avec sa peau sombre et sa gouaille, il ressemble à un chauffeur de taxi, un portier d'hôtel, un déshérité des ranchos.» Seulement, c'est précisément parce qu'il ressemble au peuple qu'il occupe le Palais présidentiel. Accusé de collaboration avec les guérillas colombienne et salvadorienne, Chavez n'a pas été ménagé ces dernières années par les Américains qui l'ont gravement accusé. Chavez s'en est remis à l'ONU en traitant ses contempteurs yankees de terroristes… ! Sinon «El presidente» se moque de tous ses adversaires qu'il traite de tous les noms d'oiseaux. «Vamos bien (nous allons bien)», aime-t-il souvent à répéter. Il parle bien sûr de son pouvoir qu'il a consolidé avec une pensée pour le petit peuple qui l'adore malgré les conditions difficiles dans lesquelles il vivote. Chavez, «fils spirituel» de Lider Maximo, compte beaucoup sur celui-ci pour constituer, avec d'autres pays latinos, un front anti-impérialiste. Craignant un attentat contre son allié vénézuélien, Fidel Castro a mis l'expertise de ses services de renseignement au service de Chavez. Mais le mandat de l'atypique dirigeant de Caracas tire à sa fin. Que fera Chavez après 2006 ? Nul ne le sait, mais personne ne peut l'imaginer en dehors des sphères du pouvoir et près du petit peuple avec lequel il sait parfaitement communier. Parcours Hugo Chavez Frias est né le 28 juillet 1954 à Sabaneta. Arrivé au pouvoir en 1998 et réélu en 2000, Chavez verra son mandat expirer en 2006. Après des études militaires, Chavez qui est parachutiste a accédé au grade de colonel. Parallèlement, il a fait des études en sciences politiques. Durant son règne, Chavez n'a pas été épargné par ses adversaires, à leur tête les Etats-Unis, qui ont tenté à plusieurs reprises de le destituer à travers une opposition qui n'hésite pas à descendre dans la rue pour créer le désordre. Chavez a survécu aux crises grâce à l'apport du petit peuple qui l'a élu. Son modèle, c'est Fidel Castro dont il est devenu l'ami fidèle. Cette amitié s'est matérialisée par une coopération tous azimuts, notamment au plan économique et des échanges. Cuba profite largement du pétrole vénézuélien.