Arkab reçoit une délégation d'hommes d'affaires saoudiens    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Ooredoo, partenaire de la 4e édition de la caravane nationale ''Un jeune, une idée''    «Les échanges commerciaux entre l'Algérie et la Turquie connaissent une hausse significative»    L'entité sioniste occupe de nouveaux territoires palestiniens    L'UA approuve la démarche du leadership régional de l'Algérie    Une épreuve pas facile à supporter    Victoire historique de CASTEL Teniet El Abed    Sur les traces de l'architecture ottomane dans l'ancienne capitale du Beylik du Titteri    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    Archives de l'ombre : la face cachée de l'administration coloniale à Tébessa    L'Algérie, un vecteur de stabilité dans la région    Les acteurs de la société civile dénoncent les propos et les campagnes hostiles à l'Algérie    Rezig préside une réunion de coordination consacrée au lancement des instances nationales de l'importation et de l'exportation    Les meilleurs projets associatifs au service des personnes aux besoins spécifiques récompensés    Formation professionnelle: lancement des éliminatoires des "Olympiades des métiers" dans les wilayas du Sud    Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    Championnat d'Afrique de football scolaire 2025: les Algériens fixés sur leurs adversaires    Décès du membre du Conseil de la nation Walid Laggoune: Boughali présente ses condoléances    Ligue 1 Mobilis: JSS - USMA décalé au samedi 26 avril    Le 1er salon national de la photographie en mai à Béni-Abbès    Lutte contre la désinformation: l'UA salue l'engagement constant de l'Algérie en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique    Constantine : clôture de la 14e édition du Festival culturel national de la poésie féminine    Djamaâ El-Djazaïr : nouveaux horaires d'ouverture à partir de lundi    Palestine : des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade d'Al-Aqsa    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.240 martyrs et 116.931 blessés    L'étau se resserre !    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    Les bénéficiaires de la cité 280 logements de Kheraissia inquiets    Diolkos, le père du chemin de fer    Réunion d'urgence FAF: Présidents des clubs de la ligue professionnelle mardi    Formation professionnelle : lancement des qualifications pour les Olympiades des métiers dans les wilayas de l'Est du pays    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Je n'ai ni regret ni amertume»
Publié dans El Watan le 11 - 10 - 2005

Après avoir satisfait à toute la procédure judiciaire d'usage dans un tel cas et passé cinq nuits dans les geôles des commissariats de Tamanrasset et de Dar El Beïda, je fus présenté au procureur de Bir Mourad Raïs qui m'informa que j'étais condamné par défaut à un an de prison pour «rébellion et fraude fiscale», suite à une plainte remontant à 2001. N'ayant pas le choix et après avoir alerté mes avocats, je me suis plié à la «sacro-sainte loi du mandat d'arrêt» : passer la nuit en prison pour «vider le mandat d'arrêt», et être présenté à l'audience en détenu. C'est ainsi que j'ai passé deux nuits à la prison d'El Harrach avant d'être mis en liberté provisoire par le juge pour avoir connaissance du dossier et me présenter librement aux prochaines audiences.
Benchicou est très malade
J'ai donc profité de ce séjour pour voir Mohamed Benchicou. Durant toute la procédure réservée aux entrants, je me suis renseigné sur ses conditions de détention et son état de santé. Tous ceux que j'ai questionnés, gardiens et détenus, ont manifesté sympathie et respect pour le journaliste et détenu d'opinion qu'est Benchicou. J'ai trouvé Mohamed Benchicou dans un état physique lamentable. Souffrant d'une arthrose cervicale, la partie droite de son corps est quasiment paralysée. Il reste la plupart du temps allongé et a beaucoup de mal à marcher et à s'habiller. Il ne peut pas écrire ni ouvrir une bouteille d'eau. Il ne se sert que de sa main gauche. Ses compagnons de cellule s'occupent constamment de lui pour l'assister dans la vie quotidienne et soulager ses douleurs par des massages.
Lui ayant rappelé le droit de détenu à se faire soigner, il me fit savoir que lui-même, sa famille et ses avocats ont plusieurs fois alerté l'administration pénitentiaire et l'opinion publique sur la gravité de son état de santé, en vain. Certains ont même insinué que c'était du bluff. Choqué par les conditions de son dernier déplacement à l'hôpital digne des films d'actions américains entouré de plusieurs policiers, alors qu'il arrive à peine à marcher, il n'ose plus faire de demande d'hospitalisation.
Il prend son mal en patience et attend sa sortie, au risque de succomber à une paralysie complète. Son état nécessite une opération chirurgicale pour dégager un nerf coincé entre deux vertèbres. Moralement aussi, Benchicou est fatigué. Les quatorze mois passés en cellule l'ont désabusé. Les huit mois qui lui restent le stressent au point qu'il ne veut plus recevoir de visite de ses avocats pour éviter d'évoquer les problèmes de son affaire et du monde extérieur.
Il a découvert une nouvelle famille et s'est refait une nouvelle vie dans le monde carcéral rythmé par la discipline, les repas des «gourbis», les parties de «gouinche» et de dominos, les vicissitudes des entrants, la joie des sortants, etc.
Il s'est rendu compte, comme tous ceux qui ont séjourné en prison, que l'univers carcéral est humain et qu'il ne reste pas grand-chose à améliorer, si ce n'est d'éviter le surpeuplement. «Je n'ai aucun problème avec le personnel pénitentiaire et je ne me plains pas des conditions de détention. C'est la justice qu'il faut humaniser et non les prisons, en cessant de mettre sous mandat de dépôt ou en détention préventive des citoyens qui n'ont aucune intention de fuir la justice et dont les délits supposés ne requièrent aucune détention. C'est effarant le nombre de mères et d'épouses qui se ruinent, vendent leur bijoux et s'endettent pour payer les frais d'avocat et remplir le couffin hebdomadaire», dit Benchicou. Quand on a évoqué son affaire, Benchicou se montre souriant et serein. Il s'amuse en lisant les justifications gouvernementales sur la cabale judiciaire fabriquée pour l'emprisonner. «Tout le monde sait que je suis un détenu d'opinion. Je suis en prison à cause du livre que j'ai écris Bouteflika, une imposture algérienne. Mais je n'ai aucun regret. On m'a reproché d'avoir dévoilé certains aspects de sa vie privée. Et alors ? Le Président est un homme public. Il doit accepter que des biographies non autorisées soient publiées, comme partout dans le monde. Que le secret de Polichinelle circule dans radio-trottoir ou paraisse dans un livre, quelle différence ? Doit-on continuer à prendre des Algériens, qui ont accès à Internet et à la parabole, pour des demeurés. L'injustice dont je suis victime restera une tâche noire du régime de Bouteflika.» Concernant la lassitude et l'impuissance de la maison de la presse ou l'absence de soutien de tous ceux que lui-même a soutenus par ses écrits et son journal, il affirme : «Je n'ai aucune amertume vis-à-vis de qui que ce soit. J'assume seul mes choix, mes actes et mes écrits. Je n'ai rien écrit, ni soutenu sur ordre. Je n'en veux à personne, ni à ceux qui ne me soutiennent pas ni aux juges qui ont instruit mon affaire et m'ont condamné. Je sais trop bien dans quel système nous vivons. J'estime que j'ai été condamné par le pouvoir politique et non par la justice de mon pays.»
«Je ne serai plus directeur de publication»
Questionné sur sa rencontre avec Ali Benhadj, Benchicou tient à préciser qu'aucun des deux n'a demandé à voir l'autre. Ils se sont croisés et salués fortuitement à trois reprises au parloir des avocats, mais n'ont pas eu l'occasion de se parler. Benhadj est constamment et étroitement surveillé dans ses déplacements par deux gardiens et placé en isolement sans aucun contact avec les autres détenus. Quant à sa position sur la réconciliation nationale, Benchicou me répond : «J'en pense ce qu'en pensent les démocrates. Je reste un militant anti-islamiste.» La cause que vient de subir Benchicou dans son parcours professionnel de journaliste a laissé des traces indélébiles. «Ces quinze dernières années, notre génération a été usée par sa double lutte contre la répression du pouvoir et contre le terrorisme. Je ne peux plus continuer à travailler au rythme infernal qu'on nous a imposé. Notre presse a besoin d'une nouvelle génération de responsables. Personnellement, je ne serais plus directeur de publication.» Benchicou m'informe qu'en quatorze mois de détention, il s'est déplacé vingt-sept fois au tribunal concernant des caricatures et des chroniques parues sur son journal le Matin, et ce n'est pas fini.
Il n'en peut plus de ce harcèlement judiciaire qui, vu son état de santé, relève du traumatisme. A chaque audience, il s'étonne de la peur que manifestent certains de ses journalistes : «Dans notre métier, la liberté de la presse se paye d'une façon ou d'une autre. La prison fait partie des aléas de ce métier. Il ne faut pas en avoir peur. Toutes les professions sont représentées en prison, même les magistrats. Pourquoi le journaliste devrait-il échapper à cette règle d'un pouvoir répressif ? Les acquis de la presse privée, créée depuis 1990, ne doivent pas être perdus ou abandonnés parce qu'on a peur de la prison.»
Notre discussion s'est terminée sur les perspectives de notre profession de journaliste, maintenant que la page de la réconciliation nationale a été tournée.
«Le journaliste algérien ne doit plus être un instrument du jeu des appareils et du sérail. Le combat médiatique doit être mené sur le terrain des droits de l'homme et du citoyen. Le journalisme de proximité doit devenir dominant dans les rédactions.»


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.