Le combat dans l'arène de la com' est visiblement trop inégal entre les six candidats à la présidentielle. C'est le moins que l'on puisse dire. Le candidat « indépendant » Abdelaziz Bouteflika bénéficie, en effet, d'un traitement de faveur des médias lourds que sont les radios et la télévision. Mieux encore, le virtuel futur président ratisse également large, y compris au sein des journaux dits indépendants. De leur volonté… C'est dire que sur le terrain des mass media, Bouteflika est incontestablement le candidat qui ravit la vedette. Du haut de ses deux mandats mais surtout de ses 72 ans, Boutef est « peoplisé » par une presse sans doute sous pression. Et dans ce traitement quasi servile d'un candidat au détriment des autres, l'ENTV, financée par l'argent des Algériens détient la palme du parti pris frisant l'idolâtrie. Notre « unique » nationale a cru bon de troquer le fond vert de son écran contre le bleu choisi par le staff de Bouteflika depuis le 12 février dernier à la coupole. On l'aura compris, la nouvelle équipe dirigeante de la télévision veut repousser encore plus les limites de la soumission pour faire mieux que HHC. Il fallait donc oser une improbable similitude entre Bouteflika et Barack Obama. Il est de bon temps (et ton) de virer au bleu quitte à oublier le vert qui avait accompagné la marche historique de l'Algérie depuis 1962… Mais la comparaison s'arrête à la couleur. Entre les projets et les espoirs portés par Barack Obama et Bouteflika, il n'y a vraiment pas photo… Il est en revanche politiquement injuste et moralement inacceptable que le candidat président soit porté en triomphe avant l'heure par le seul écran du paysage télévisuel national, alors que les autres « lièvres » font juste des apparitions furtives. Déjà qu'il crève l'écran par son omniprésence, l'ENTV dispatche l'image de Bouteflika sur toute la fournée de partis et la foultitude d'associations et d'organisations gravitant autour de lui, tout au long de ses JT. Cette une façon très légère pour ce média lourd de faire du service public. Légers, ces médias lourds Un étranger croirait, à juste titre, qu'il est le seul candidat à la présidentielle du fait de cette overdose. Et on n'est pas encore en campagne ! De fait, tous ses discours et ses instructions sur la transparence et l'équité sonnent comme des barbarismes. Après tout, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent… Mais si l'on devait « accepter » ce péché originel de la télévision qui lui colle si durement à l'écran, il est par contre triste de voir tous ces journaux se mettre en ordre de série pour applaudir un homme qu'ils critiquent, sévèrement pour certains, sous cape. Des journalistes qui avaient enfilé en 2004 l'uniforme militaire pour tirer rageusement sur le candidat Bouteflika en viennent aujourd'hui, toute honte bue, à nous administrer des leçons de professionnalisme ! Pourtant, Bouteflika n'a pas changé ; eux si… Mais entre-temps, beaucoup parmi ces donneurs de leçons ont justement bien appris la leçon : il ne faut pas mordre la main qui donne. Autre temps, autre ton semble être le nouvelle devise en vogue chez certains repentis médiatiques. Le paysage médiatique national a été, en effet, parasité par une faune de journaux aux ordres qui ont démultiplié la pensée unique et dilué les préoccupations citoyennes. A l'image du pluralisme politique carnavalesque qui a produit des candidats comme Bouacha, Touati et autres Zaghdoud, l'ouverture à sens unique de l'espace médiatique a donné naissance à un journalisme à la sauce propagandiste professionnellement inclassable. Mais pour Bouteflika et son entourage, une presse multiple, mais pas plurielle, est la meilleure rampe de lancement d'une campagne mais surtout une redoutable arme de destruction massive des adversaires politiques. C'est ce qui a produit ce ton monocorde des médias algériens, à l'exception de quelques « poches » de résistance médiatique. En 1999, Bouteflika affublait les journalistes algériens du qualificatif peu glorieux de « tayabat El hammam » (commère des bains maures), dix ans plus tard, force est de constater qu'il n'a pas eu tout à fait tort à bien des égards.