Situés à équidistance des différents acteurs impliqués dans la dynamique de la conquête et de l'exercice du pouvoir politique, les médias ont toujours joué un rôle incontournable dans l'élection présidentielle. Censés informer l'opinion publique des tenants et aboutissants de la campagne électorale et des promesses des différents candidats à la présidentielle, les organes de presse peuvent aussi orienter cette opinion et la diriger en faveur d'un candidat particulier. Il s'agit là d'un constat prouvé à maintes reprises au cours de plusieurs suffrages universels organisés un peu partout dans le monde. Il faut dire qu'une campagne électorale pour une élection présidentielle ne prend fin qu'à la veille du jour du scrutin. C'est donc une période d'intense communion politique entre les électeurs et les candidats qui sollicitent leurs voix. En raison de sa sensibilité, des dispositions spéciales sont à chaque fois adoptées en vue de mieux garantir le respect du principe de l'égalité des électeurs devant le suffrage. C'est dans ce sens qu'une instruction présidentielle, publiée au Journal officiel le 8 février dernier, insiste pour qu'«un traitement équitable soit réservé à l'ensemble des candidats par les médias publics, aussi bien durant la campagne électorale que durant la période précédant celle-ci». L'administration est appelée, d'autre part, selon l'instruction présidentielle, à «réunir les conditions nécessaires à l'organisation et au bon déroulement de la campagne électorale, particulièrement celles relatives aux meetings, réunions et manifestations publiques et assurer, dans ce cadre, un même traitement à tous les candidats». Mais est-ce vraiment le cas sur le terrain ? Autrement dit, la machine médiatique algérienne est-elle suffisamment mûre pour offrir à chaque candidat une couverture médiatique en bonne et due au forme ? Ces interrogations ont de quoi nourrir une profonde réflexion. Néanmoins, force est de constater qu'il y a peu d'événements marquants en dehors de ceux de la campagne. Finalement, malgré toutes les manchettes que des journaux ont réservées au présupposé désintérêt porté par nos citoyens à cette élection présidentielle, prétextant que les dés sont pipés d'avance, il n'en demeure pas moins que la campagne occupe largement l'espace médiatique. Pour preuve, sur l'ensemble des événements les plus médiatisés à la Une de la presse nationale durant ces derniers jours, aucun journal n'omet de traiter de l'élection présidentielle. Cependant, ce traitement médiatique ne fait pas l'unanimité. Le récent coup de colère du coordinateur de la Commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle le démontre aisément. En effet, Mohamed Teguia trouve «inacceptable que des quotidiens nationaux affublent certains candidats à la présidentielle du sobriquet de ‘lièvres' alors que le Conseil constitutionnel a dûment validé leurs candidatures». Mohamed Teguia est allé même jusqu'à brandir la menace de la poursuite judiciaire contre les journaux qui useraient encore de cette terminologie ! Même les candidats en course sont avertis. Ces derniers ne doivent pas également «recourir aux médias pour exprimer leurs griefs que lorsque la commission n'intervient pas pour régler le problème rencontré», a-t-il estimé encore, citant dans ce cadre la plainte du candidat Mohamed Saïd dont ont fait écho certains journaux nationaux avant que la commission n'en prenne connaissance. Le premier responsable de la commission de surveillance cherche visiblement à réguler ou même à contrer l'influence des médias sur le cours de cette élection présidentielle. Une influence qui ne sied pas également à certains candidats. A ce propos, le candidat Mohamed Saïd n'est pas allé par quatre chemins pour dénoncer une médiatisation au service d'un seul candidat. «Les moyens médiatiques sont mobilisés dans une seule direction : la commission nationale des élections est composée de gens qui sont passés maîtres dans la fraude ; la commission politique de surveillance des élections a été constituée selon la volonté d'un seul candidat. Sans oublier les affiches et exhibitions en tout genre qui sont apparues des semaines avant le début de la campagne, alors que l'aide financière dont devaient bénéficier les autres candidats n'a été attribuée qu'à la veille de la campagne», a-t-il déclaré lors d'un meeting à la salle Atlas de Bab El Oued. Les autres candidats ont reconnu, mais plus subrepticement, que la couverture médiatique, notamment celle de l'ENTV, ne bénéficie qu'à la candidature d'Abdelaziz Bouteflika. A les entendre, l'espace médiatique est outrancièrement dominé par le candidat Abdelaziz Bouteflika. Ils en veulent pour preuve que même les représentants de l'Alliance présidentielle, Ouyahia, Belkhadem et Soltani, lesquels soutiennent sans équivoque la candidature du président de la République pour un troisième mandat, une candidature indépendante, rappelons-le, accaparent, eux aussi, un temps parole important à la télévision nationale au cours duquel ils ne cessent de louer les réalisations des deux mandats précédents. Les Algériens sont-ils conditionnés édiatiquement ? Subissent-ils une si importante pression médiatique pour les amener reconduire Abdelaziz Bouteflika ? Pas si sûr puisque les candidats ont également leurs tranches d'horaires à la télévision et à la radio. Malheureusement, les citoyens ont constaté que, souvent, ces candidats ne délèguent même pas leurs représentants pour exploiter ces espaces médiatiques. Des passages à vide qui en disent long sur le sérieux et la consistance de certains candidats. Sur le net, assurément, le média le plus populaire pour les jeunes Algériens, des militants se mobilisent à l'instar de l'appel au boycott général des élections. Une bannière circule sur le net appelant au boycott comme moyen d'expression du mécontentement «d'un régime qui ressemble de plus en plus à son voisin tunisien ou à son homologue égyptien», signalent-ils. Certains n'hésitent pas à utiliser YouTube et DaylyMotion pour avoir le plus d'abstention. En revanche, les candidats à la présidentielle ne se sont guère montrés habiles dans leur exploitation du support internet. La plupart ne disposent même pas d'un site web digne de ce nom. Leurs discours et leurs programmes ne sont même pas disponibles sur la toile. Comme quoi, la communication n'est pas l'une de leur priorité. Dans ce contexte, les électeurs algériens reçoivent des informations sur les candidats à travers des supports, télévisions et presse écrite, qui demeurent en total déphasage avec leurs attentes, plus de 55% des Algériens ne lisent pas les journaux, selon un sondage réalisé récemment par un organisme mondial. Et c'est ce qui explique, en dernier lieu, que cette élection présidentielle manque cruellement d'une lecture médiatique approfondie, réfléchie et intelligible. Malheureusement, ceci nuit beaucoup à la légitimité et à la crédibilité de ce rendez-vous électoral, important pour l'avenir du pays. A. S.