15 ans, 9 ans, comme si s'était hier, le vide qu'ils ont laissé est à la mesure de la place qu'ils occupaient dans nos vies. Ahmed est cet homme doté d'une culture universelle, habité par la musique et la peinture, économe de ses mots, car il accordait aux mots leur plus haute valeur. Une autre force de sa lucidité : sa connaissance minutieuse de l'histoire de l'art et sa connaissance profonde des motivations, des rêves, des ambitions avec le poids et le prix du passé comme références. Un adolescent qui a connu la déchirure de la guerre et qui est sorti grandi et trempé de l'épreuve. Un homme du vécu. Je ne saurais, quant à moi, distinguer son amour de la peinture et son amour de la musique, son amour des couleurs et son amour des sons. De toutes les musiques à condition qu'elles soient grandes et belles, Mozart, comme les complaintes des paysans d'Arris ou d'Ighil Imoula. Anissa, une vie qui n'est pas réductible à son parcours de femme et de mère. Femme courageuse qui a affronté et résisté face à l'adversité pendant les années de violence en l'absence au quotidien de ceux qui ont été tout son univers, en se faisant la porte-parole infatigable des jeunes artistes algériens, en multipliant les rencontres et en brisant du même coup l'embargo culturel et les préjugés contre l'Algérie, en faisant entendre une autre voix de l'Algérie : celle de la vie, de la culture. Et Boubah, cette rayonnante jeunesse, crut-on éternelle, et tous ses rêves et ses espoirs brisés en plein élan. Une famille qui symbolisait cette Algérie fidèle à ses traditions culturelles et familiales et en même temps ouverte sur l'avenir. Anissa, ton souvenir, celui d'Ahmed et de Rabah restera vivant dans nos cœurs, parce que, quelque part enfouis, il y a des fragments de vie et de mémoire que nous ne pouvons oublier ou renier à jamais.