Loin des versions officielles dans lesquelles il est dit que cette guerre est utile pour la nation américaine, «on se sent valorisé en venant à Visa pour l'image», dira-t-il. Il précisera ensuite que le texte de la présentation de son expo a été faite par un ancien du Vietnam. Le reportage sur ces enterrements a débuté en novembre 2003. Paul Fusco lisait les journaux et écoutait les infos. Dès qu'il apprenait qu'un soldat allait être enterré, il y allait. Le photographe a assisté à des enterrements dans 27 villes différentes et était toujours empêché de parler aux familles. «Je ne voulais pas les déranger, elles étaient en deuil. Je respectais leur douleur. Mais en plus, les militaires contrôlaient et cadraient l'enterrement. C'est ce que j'appelle du journalisme contrôlé, ils s'occupent de tout au niveau des funérailles (cimetières, tombes, etc.)», a-t-il mentionné. «'Over there”, criaient-ils dès qu'ils me voyaient», a indiqué M. Fusco. Et d'ajouter : «Je sais que je suis subjectif, mais je n'aime pas ce qui se passe chez moi. Personne n'a voulu publier mon travail. Pourtant les photos parlent d'elles-mêmes, mon reportage montre le coût réel de cette guerre, les horreurs commises par les gouvernements US, le comportement de mon pays est honteux. C'est pour cette raison, poursuit-il, que Mme Shehan, dont le fils a été tué en Irak, campe devant la Maison-Blanche puis devant le ranch du Président, elle veut la vérité sur la mort de son fils et Bush dit qu'il faut continuer la guerre, pour que nos gamins ne soient morts pour rien, alors que lui va faire du vélo avec le cycliste Lance Armstrong.» Paul Fusco enchaîne en disant que ce qui l'exacerbe particulièrement c'est «l'ignorance des gens». «Tout le monde doit savoir ce que vivent nos victimes. On nous ment sur ce qui se passe en Irak, le mythe de l'Américain est toujours présent. Ce sont toujours les méchants qui meurent, jamais nos soldats américains», regrette-t-il. Donc, du coup, ajoute-t-il, nos morts sont ignorés. «J'en suis révolté», lâche-t-il encore. Il rappellera que certains magazines sont même allés jusqu'à publier un mea culpa pour avoir critiqué la guerre. «Dans tous les pays du monde, les morts sont des victimes, aux Etats-Unis, ce sont des braves», ironise-t-il. Il finira par rappeler une évidence qui fait mal : «Je sais que je ne peux pas faire grand-chose, je sais qu'avec mes photos je ne peux changer le cours de l'histoire. Je suis comme Capa en 1939 avec sa fameuse photo du milicien espagnol qui tombe, tué d'une balle. Cette image qui a fait le tour du monde n'a pas empêché l'arrivée de la dictature en Espagne, ou encore la photo du jeune Chinois face à un char sur la place de Tien An Man qui n'empêche pas le commerce à grande échelle avec la Chine». Il conclut en soulignant le fait qu'une fois avoir fait une photo, celle-ci ne m'appartient plus. C'est, dit-il, «à vous de la traduire». Mais, selon lui, le pouvoir de l'image doit être limité. Pour M. Fusco, le droit nous revient d'interpréter l'image et de ne pas laisser le pouvoir à l'image.