Au pays où l'on maîtrise – statistiquement parlant – l'inflation et où l'on annonce avec exactitude le taux de chômage, on n'arrive toujours pas à déterminer le nombre d'inscrits sur la liste électorale ! Vingt jours après la clôture de l'opération de révision des listes électorales pour laquelle l'Etat avait mobilisé d'énormes moyens humains et matériels, le compte n'est toujours pas bon. Ni Noureddine Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, ni le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ne détiennent le nombre exact d'inscrits. Dans une déclaration reprise lundi dernier par la Radio nationale, M. Zerhouni parlait de « plus de 20 millions d'inscrits ». Une semaine auparavant, il avait indiqué à la presse que « le nombre d'inscrits se situe entre 18 et 19 millions ». Une variabilité d'un million puis de deux millions serait qualifiée par les mathématiciens et les statisticiens d'anormale. Le ministre de l'Intérieur détient cependant le nombre de nouveaux inscrits ayant bouclé leurs 18 ans cette année ; ils sont, selon lui, 300 000. Les chiffres de M. Zerhouni ont été corroborés par le Premier ministre lors de son passage, mercredi dernier, sur les ondes des trois chaînes de la Radio nationale. Pourtant connu pour son « argumentation arithmétique », Ahmed Ouyahia emboîte ainsi le pas à son ministre et verse, lui aussi, dans l'approximation en fixant le nombre d'inscrits à environ 20 millions. Un « seuil » qui peut être dépassé, selon lui, une fois l'examen des recours terminé. Un examen qui semble durer jusqu'au début de la campagne électorale, prévue le 19 mars. Si l'on tient compte des déclarations du Premier ministre et de son ministre de l'Intérieur, le corps électoral a enregistré « une forte croissance » en un temps record : il était 18 millions lors des dernières élections législatives et locales de 2007 ; il est estimé aujourd'hui à presque les deux tiers de la population, évaluée selon les derniers chiffres de l'Office national des statistiques (ONS) à 34,5 millions d'habitants. L'absence de chiffres exacts laisse la taille électorale extensible, à moins d'un mois du vote. On se demande ainsi comment, avec tous les moyens technologiques existant, on « patine » encore à actualiser une liste électorale mise à jour plusieurs fois ces dernières années...