Ce chiffre est gonflé. Unanimes, les partis interrogés, hier, sur la récente déclaration du ministre de l'intérieur concernant le nombre d'électeurs l'affirment. Excepté le parti de Ahmed Ouyahia qui déclare ne pas avoir de doutes sur la crédibilité du fichier électoral pour les raisons que l'on connaît, les autres organisations politiques considèrent que le chiffre avancé par M. Zerhouni donne un avant-goût de ce que pourrait être les résultats de la prochaine consultation. D'autant que l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire dans l'opération d'assainissement du fichier électoral. Une opération qui intervient logiquement à la veille de chaque scrutin, mais qui échappait jusque-là au regard des partis. La nouvelle loi qui est en préparation le permettra à condition, bien sûr, qu'elle rentre en vigueur avant la présidentielle de 2004. Hormis le RND qui affirme que Zerhouni détient le vrai chiffre, les autres partis politiques sont plutôt méfiants. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nourredine Yazid Zerhouni, a évalué, avant-hier, le corps électoral à quelque 17,5 millions de personnes. Les partis politiques considèrent, à la quasi-unanimité, ce chiffre démesurément gonflé. “Sincèrement, nous nous attendions à ce que le nombre d'électeurs soit revu à la baisse”, nous a affirmé M. Benkhalef, député d'El-Islah et l'un des neuf vice-présidents de l'APN. Il a rapporté que le ministre de l'Intérieur a énuméré devant les membres de la commission juridique de la première Chambre, lors des auditions sur la proposition de révision de la loi électorale, les anomalies constatées durant l'opération d'assainissement du fichier électoral, à savoir l'inscription d'un électeur dans plus d'une circonscription électorale, la non-élimination systématique des personnes décédées, le changement de résidence sans radiation des concernés des listes… “Le corps électoral a augmenté au lieu de baisser, ce n'est pas normal. Le ministre de l'Intérieur n'a pas tenu son engagement d'assainir les listes électorales”, a souligné notre interlocuteur avant d'ajouter : “Considérant la population, la proportion des électeurs ne devrait pas dépasser le seuil des 14 millions de personnes.” Il a indiqué que le madjliss echoura de son parti se réunira, jeudi 1er janvier, pour statuer sur sa participation à l'élection présidentielle et annoncer officiellement la candidature de Abdallah Djaballah. “Nous profiterons de l'occasion pour discuter sérieusement de cette problématique.” Abderrezak Mokri, président du groupe parlementaire du MSP, nous a déclaré que son parti a attiré l'attention, à chaque échéance électorale, sur ce “gros problème”. Selon lui, le chiffre avancé par le membre du gouvernement est assurément surestimé. “Pour nous, c'est là une des méthodes utilisées pour la fraude.” Djamel Ferdjallah, vice-président du RCD, a déclaré que “le régime a toujours gardé sous la manche un gisement électoral de près de deux millions de voix fictives qu'il affecte, le moment venu, au candidat de son choix”. Il a rappelé que c'était le cas lors de l'élection présidentielle de 1995, “où l'on est passé du jour au lendemain de 14 à 17 millions d'électeurs”. Karim Tabou, porte-parole du FFS, a soutenu que son parti “ne se focalise pas sur les aspects techniques de la prochaine élection présidentielle, même s'ils sont importants. Nous rendrons publique, dans les prochains jours, une proposition politique dans laquelle nous définirons le cadre politique et institutionnel dans lequel devra se dérouler le scrutin présidentiel”. Il nous a ramenés, lui aussi, à la présidentielle de 1995, pour dire qu'il n'est pas étonnant du tout que le corps électoral soit gonflé. “Nous pouvons supposer par anticipation que si cette allure est maintenue, il sera imposé, encore une fois, aux Algériens le candidat du pouvoir.” Djelloul Djoudi, plus circonspect, a estimé que le ministre de l'Intérieur doit justifier la statistique qu'il a donnée à la presse. “Ce chiffre peut paraître logique si l'on prend en compte le fait que la population est jeune et si toutes les anomalies du fichier électoral ont été corrigées.” Un membre de la direction du RND a soutenu que le Rassemblement “n'a aucune raison de douter de la déclaration du ministre de l'Intérieur. Il détient le vrai chiffre”. Nos multiples tentatives de joindre Abbas Mikhalif ou Abdesslem Medjahed, respectivement président du groupe parlementaire et porte-parole du FLN, sont restées vaines. S. H. Révision de la taille du corps électoral Un candidat en parle Le ministre de l'intérieur et des collectivités locales, Yazid Zerhouni, a estimé, lors d'une conférence de presse animée, samedi, en marge de la visite de Bouteflika, dans la wilaya d'Alger, à 17,5 millions le nombre d'inscrits sur le fichier électoral. Soit 1,5 million d'inscrits de plus, par rapport aux dernières élections locales d'octobre 2002. Contacté, le général à la retraite Rachid Benyellès affirme : “Je n'ai pas de données statistiques fiables pour me prononcer. Si commentaire à faire il y a, c'est que ces changements systématiques de chiffres ne sont pas une chose normale quoique habituels. Le pouvoir n'est pas à une incohérence près. Il n'est pas exclu que demain on ramène ce chiffre à 16 ou 15 millions d'inscrits. Il n'y a rien à attendre de ce ministre”. Avant d'enchaîner : “Pour ce qui est des appréhensions, elles ne peuvent qu'être de mise au vu de la liberté avec laquelle M. Bouteflika et sa clique utilisent les moyens de l'Etat, tout en se donnant un gouvernement aux ordres, le climat de maccarthysme qu'ils ont instauré. Tout cela fait peur. Mais on est toujours dans la même ligne”. A. C.