Pas de victimes. Les occupants étaient provisoirement relogés lors du sinistre dans des baraquements non loin de la l'ancienne synagogue, racontent des voisins qui s'inquiètent pour leur demeure. Trois familles habitent le n°3 adjacent qui partage avec la maison effondrée un mur et plusieurs siècles d'histoire. «Pour nous, cela peut aller. C'est juste que nous attendons qu'on renforce le mur qu'on partageait avec nos voisins… Il y a quelque temps, la wilaya nous a proposés de faire des travaux, mais nous n'avons pas où aller», dit un homme, la quarantaine, observant le travail de fourmi de l'équipe de la Cellule Casbah. «Nous sommes mobilisables 24h/24, depuis cinq ans. Nous enregistrons de 3 à 4 effondrements par an. Notre travail consiste à dégager les ruelles, transporter les affaires des familles… Et on a du boulot. Regardez les fissures sur ces façades», dit l'un des employés. A l'angle des rues Kadi Saïd et Amokrane Mohamed, une ancienne boulangerie, dont il ne subsiste qu'une parcelle, croule sous les décombres en cascade du n°1 de la rue Amokrane. Les fils électriques tiennent à peine. Les canalisations d'eau sont déterrées. Difficile de circuler. Il n'y a dans cet îlot plus d'eau depuis des semaines. Un homme slalome entre les débris et les fosses chargé de jerricanes. «C'est risqué de travailler ainsi. Ca va s'écrouler d'un moment à l'autre», dit un employé de la Cellule Casbah, debout devant une excavation qui bloque la ruelle. Au coin de la rue Boudris père et fils et de l'impasse de Thèbes, la façade d'une anciennement magnifique demeure a abandonné les 90° de sa prestance d'antan. Les trois étages risquent de vous écraser au passage à n'importe quel moment. «Quand les gens le peuvent, ils s'installent ailleurs. Mais certains profitent en acceptant d'être relogés tout en plaçant dans leurs demeures menacées des cousins ou des locataires», indique un jeune habitant de la rue Amokrane. Rue Boudris, un chantier s'étale sur la façade à l'intérieur d'une bâtisse de trois étages. Un escalier en colimaçon mène vers les étages supérieurs où des ouvriers posent des madriers comme supports de toit. «A l'ancienne, dit le représentant du maître de l'ouvrage, l'Ofares, entreprise dépendante de la wilaya d'Alger. Nous avons fait une étude pour ne pas agresser les structures d'origine.» Selon lui, trente bâtisses sur les quatre-vingt-dix inscrites au programme de restauration ont été réceptionnées. De la terrasse, la baie d'Alger se découpe en rectangles exigus à travers les autres terrasses serrées les unes contre les autres. En contrebas, les constructions mauresques et turques montrent leurs entrailles. «La Casbah a tenu plus de 500 ans. On peut faire confiance aux fondations, mais les murs ne tiennent plus. Si l'on ne fait pas vite, dans dix ans, il ne restera rien», dit le représentant de l'Ofares. A côté, une demeure bourgeoise semble avoir été coupée en deux par une hache géante. Des poutres en bois soutiennent le squelette restant : arcs décorés en faïence bleue, cours carrée, galerie intérieure. Des enfants s'amusent sur des placettes tapissées de carrelage avec quelques bancs en dur. «C'est ainsi que les autorités occupent l'espace des maisons effondrées», indique un habitant. Sur des murs encore debout, des plaques en marbre commémorent les grandes dates de la Bataille d'Alger, rappellent les bombes des extrémistes pieds-noirs, etc. Sous des escaliers éclatés, apparaissent les canalisations et rendent l'escalade vers la citadelle plus ardue. Un promeneur n'arrive plus à se repérer : «Il y a quelques années que je ne suis pas venu, je n'arrive plus à retrouver mon chemin. Tellement de destruction en si peu de temps.» La Casbah d'Alger a été classée patrimoine universel par l'Unesco en décembre 1992.