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L'article 7 bis en question
Publié dans El Watan le 27 - 12 - 2005

Au moment où l'on attend l'intervention d'un texte réglementaire définissant les conditions et les modalités d'application de l'article 7 bis de l'ordonnance n°05-02 du 27 février 2005 modifiant la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, l'on apprend par un article de Salima Tlemçani, intitulé «Humiliation quotidienne des futures mariées» (El Watan du 15 décembre 2005) que «pour signer le contrat de mariage, les officiers de l'état civil exigent des futures épouses un certificat de virginité». Le débat de société suscité par cette question est loin d'être récent. En ce domaine, beaucoup de discussions et polémiques ont entretenu des idées fausses et des caricatures.
Les grandes découvertes technologiques appliquées à la science médicale ont entraîné le défi d'avoir à analyser, sous une nouvelle perspective, les anciens problèmes de «la personne humaine». Cette réalité fait vraie la phrase de ma consœur Me Patricia Marcella Casal : «Après avoir conçu sa ‘'leçon d'anatomie”, Rembrant (peintre et graveur hollandais, 1606-1669) n'a jamais imaginé que la technologisation de la médecine provoquerait tant d'inquiétudes au
Droit (1).» Cela est une autre question…
Ainsi de nouvelles perspectives d'investigation et d'analyses scientifiques ont mis en cause certaines affirmations dans l'univers de la science médicale. Cela n'est pas sans conséquence sur l'univers juridique de la «condition humaine».
De même, le débat sur le pucelage de la future épouse a préoccupé les gens depuis l'aube des temps. On le retrouve dans toutes époques et dans toutes les sociétés ou communautés. Je rappelle, nous dit Mohamed Aboulola, professeur à la Faculté de médecine d'Alger, dans son article publié dans les colonnes d'El Watan du 11 janvier 2000, page 9, intitulé «Le certificat de virginité en question», que chez beaucoup de peuples, au lendemain du mariage, on étalait dehors et aux yeux de tous le linge sanglant qui prouvait la vertu de la mariée. Cela se passait en Italie, en Espagne. Cela se passe encore chez nous quelquefois.
N'est-ce pas contraire à la pudeur islamique ? De plus, dans l'article précité du professeur Mohamed Aboulola que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt, il révélait déjà la prétendue exigence par le notaire du certificat de virginité en matière de contrat de mariage selon «l'un des très respectables confrères» dudit professeur.
– 1) La nécessité de présenter le certificat de virginité au notaire n'est prévue par aucun texte législatif ou réglementaire
J'avoue que les propos rapportés par le professeur Mohamed Aboulola dans son article suscité, relatif à l'exigence du certificat de virginité par le notaire selon «l'un de ses très respectables confrères» avaient retenu particulièrement mon attention.
Réflexe de juriste et professionnel du droit, j'avais par curiosité intellectuelle cherché à vérifier au regard de la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, aujourd'hui modifiée par l'ordonnance n°05-02 du 27 février 2005, la véracité de l'allégation d'un des très respectables confrères de l'honoré professeur Aboulola, qui, pour faire passer la pilule, évoquait la nécessité de ce document pour le notaire.
Aujourd'hui, «De lege lata», c'est-à-dire en considérant la loi telle qu'elle existe, notamment la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, modifiée et complétée par l'ordonnance suscitée, la nécessité de présenter ledit certificat au notaire n'est prévue par aucun texte législatif ou réglementaire.
– 2) Une fausse sécurité imposée extra-legem générant un commerce florissant
Je communie largement avec le professeur Mohamed Aboulola lorsqu'il s'interroge : «Si le médecin a le droit de participer à cette fausse sécurité ? Ce certificat de la honte», nous dit le professeur Mohamed Aboulola, «a généré un commerce florissant de réfection de pucelage par différents procédés très lucratifs pour les charlatans qui les pratiquent et tellement trompeurs pour ceux qui croient en ce papier».
Je salue cette prise de position du professeur Mohamed Aboulola aussi courageuse sur un sujet d'une extrême incidence juridico-scientifique et sociale.
Dans ce contexte vicié par les faits accomplis et les fausses idées, on conviendra que l'exigence de ce certificat est imposée «extra-legem» par ceux qui le demandent et ceux qui l'établissent. Le notaire ne doit en aucun cas participer à une pratique surannée sans valeur scientifique probante et encore moins juridique. Quid du médecin et de l'officier de l'état civil ? Et c'est un truisme d'une extrême inanité que de l'affirmer !
On ne peut non plus résoudre le problème par l'axiome de l'hymne médiéval «quantum potes, tantum aude»… ose ce que tu peux. Toutefois, si «je peux», ai-je le droit ? Le droit implique l'existence d'une obligation correspondante, d'un devoir imposé à une autre personne ; en l'absence d'une telle obligation, on ne peut parler de «droit». De plus, n'est-ce pas aussi le devoir des hommes de science et de la science dans sa vraie grandeur d'instance de neutralité et de vérité et non de commandement d'arrêter notre progression vers la célébration de deux noces en une seule : «Celle de l'artifice et de la nature».
L'article, selon le professeur Mohamed Aboulola, est ce certificat de virginité réclamé par une certaine frange de la société et admis comme licite par certains médecins mais sans valeur scientifique et essentiellement nuisible à la dignité de la femme. Il est mal nommé car qui dit virginité dit état physique et surtout état moral (but recherché). Or, le médecin ne peut pas s'ériger en juge de la vertu. Il peut bien sûr établir après un examen gynécologique un examen descriptif ; ce sera alors un certificat de pucelage, terme beaucoup mieux approprié que certificat de virginité. Il est indiqué pour les jeunes filles ayant eu un traumatisme abdominopérincal ou une intervention chirurgicale ou ayant été victimes d'un viol ou présentant une malformation congénitale. Il a alors un but médico-légal d'innocenter une personne non responsable d'une blessure ou d'une anomalie. En dehors de ces cas, ce certificat dit de virginité n'a aucune valeur.
En effet, la science a démontré que cette preuve (la présence d'hymen) ne prouve rien du tout, que souvent elle ne pouvait être fournie par l'innocence la plus entière, tandis qu'elle pouvait être apportée par la corruption savante et raffinée. Cela nous rappelle l'habilité de certaines matrones dont l'expérience est venue souvent se substituer à la nature. Ceux qui connaissent l'anatomie vous diront qu'il y a plusieurs formes d'hymen, de la membrane fibreuse résistante à la membrane très élastique qui se laisse distendre, ou complètement effacée. Les partisans de l'avortement volontaire savent pratiquer des curetages en préservant l'intégrité de l'hymen. Quand donc cessera cette mode détestable qui consiste à exhiber ce certificat de la honte ?
– 3) Le notaire peut sceller un mariage mais ne peut prononcer de divorce… pas encore !
Contrairement à l'affirmation du professeur Mohamed Aboulola qu'«il n' y a aucune loi laïque ou religieuse qui laisse au notaire le soin de sceller un mariage ou de prononcer un divorce». Je dois dire que le notaire est légalement habilité à prêter son ministère pour recevoir les contrats de mariage conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi n°84-11 du 9 juin 1984 modifiée et complétée par l'ordonnance précitée. Par contre, et comme le souligne à juste titre le professeur Mohamed Aboulola, le notaire ne prononce pas de divorce, pas encore. Cette prérogative est un attribut du juge chargé du statut personnel et de lui seul (article 49 de la loi 84-11 précitée, modifiée et complétée, portant code de la famille).
Actuellement, le divorce extrajudiciaire n'est possible qu'au Danemark, en Estonie, aux Pays-Bas, en Norvège, au Portugal, en Islande et au Québec. Le notariat des Pays-Bas a appuyé le projet de loi pour rendre possible aussi la dissolution extrajudiciaire du mariage(2). Par ailleurs, les deux conjoints peuvent, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 84-11 du 9 juin 1984 modifiée et complétée par l'ordonnance précitée, «stipuler dans le contrat de mariage ou dans un contrat authentique ultérieur, toute clause qu'ils jugent utile, notamment en ce qui concerne la polygamie et le travail de l'épouse, à moins que les conditions ne soient contraires aux dispositions de la présente loi». Il peuvent également conformément aux dispositions de l'article 37 du code de la famille convenir dans l'acte de mariage ou un acte authentique ultérieur de la communauté des biens acquis durant le mariage et déterminé les proportions revenant à chacun d'eux pour opter pour la séparation des biens.
Le notaire doit mentionner, entre autres, dans le contrat de mariage, sur déclaration des parties, corroborées par des documents officiels, si le futur conjoint est célibataire, déjà marié et autorisé à se remarier par le juge sous certaines conditions, conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi n°84-11 du 9 juin 1984 modifiée et complétée par l'ordonnance précitée, divorcé, veuf ou n'ayant par la capacité légale de contracter mariage mais ayant une dispense d'âge accordée par le juge (19 ans selon l'article 7 de l'ordonnance n°05-02 du 27 février 2005 modifiant et complétant la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille). Il doit mentionner également si la future épouse est divorcée ou veuve ayant accompli la retraite légale (idda), ou n'ayant pas la capacité légale de se marier (19 ans), mais dispensée par le juge.
Il doit notamment, avant la rédaction du contrat de mariage, constater que les futurs époux se sont soumis aux examens médicaux et ont eu connaissance des maladies ou des facteurs de risques qu'ils pourraient révéler et qui contre-indiquent le mariage. Il en est fait mention dans l'acte de mariage. Sans plus ! Il faut certainement saluer cette mise en application du principe de précaution en ce domaine. Et le prudent ne tire-t-il pas son pouvoir du probable et non du certain ? La prudence est un effort de prévision, de gestion «en bon père de famille». Mais rien n'est plus dangereux que les précautions inefficaces.
La prudence n'imposerait-elle pas, au contraire, de prescrire dans le texte d'application de l'article 7 bis du code de la famille des examens biologiques pour l'homme et la femme (groupe sanguin, rhésus, recherche d'agglutinines irrégulières, sérologie de la toxoplasmose et sérologie de la rubéole, sérologie HIV, sérologie de la syphilis, sérologie des hépatites B et C). En cas de future mère rhésus négatif, il conviendra de prévenir sur le risque d'allommunisation materno-fœtale dans certaine situation à risques, et de la nécessité d'en informer son médecin pour qu'il puisse pratiquer une injection de gamma-globulines anti-D dans les 72 heures.
On conviendra que la vérité ne doit jamais devenir un tort ou un discrédit. Mais le «secret» peut être de la dynamite dans la vie du couple. Il y a certes des secrets qui étouffent, qui paralysent, mais il y a aussi de aveux, des confidences qui ont des effets dévastateurs. Le psychologue, le psychiatre ne diraient pas le contraire et le notaire encore moins.
La fonction notariale est mise en relief dans des moments si spéciaux de la vie humaine et nul n'est plus approprié que le notaire pour saisir, en toute tranquillité et confiance, le vrai désir de l'individu.
En ce sens, se justifie pleinement, l'axiome : «Malade qui a mandé le prêtre et le notaire» (Larousse du XXe siècle). Enfin, je souhaiterais terminer par un hadith du Prophète Mohamed que la Grâce et la Bénédiction d'Allah soient sur Lui qui est toute sagesse :«Takhayarou li notafikom fa ina al irka nazâ.». N'est-ce pas là la meilleure leçon d'hérédité sur les caractères dominants, récessifs et une orientation vers le bilan prénuptial ?
– Notes
– 1) Cf. Revue internationale du notarial, n° 109, premier trimestre 2005, p 97.
– 2) Ibid p. 136.
– 3) Cf. Revue international d'histoire du notariat. Le Gnomon n° 138, 2003/2.


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