L'appréhension de la reprise des protestations à l'occasion de l'enterrement du jeune Abkichi Fayçal, qui a trouvé la mort dans les locaux de la Sûreté de daïra de Zéralda le 5 mars, vers 4h du matin, planait dans l'air. Le corps de la victime n'a été déposé au domicile familial que vers 15h. Une assistance très nombreuse a accueilli la dépouille de la victime en scandant : «Allah akbar» et «Chorta irhabia (police terroriste, ndlr)». Beaucoup parmi les jeunes présents voulaient en découdre avec les policiers accusés de ne s'occuper que «des fils des zaoualia (pauvres, ndlr)». L'imam de la ville a été désigné pour intercéder auprès de la Sûreté de daïra de la ville pour faire libérer tous les jeunes arrêtés depuis dimanche. L'oraison funèbre a été prononcée à quelques pas de l'entrée de la résidence d'Etat de Club des pins. Des policiers, à bord de cinq véhicules de type Nissan, se sont contentés d'une présence symbolique tandis qu'un gendarme se promenait au milieu de la foule. La mosquée du centre-ville diffusait d'interminables versets coraniques audibles dans toute la ville. L'enterrement a eu lieu sans incident au cimetière Si Lahbib, situé à proximité de la résidence d'Etat. Après les funérailles, la foule s'est dirigée vers le centre-ville afin de réclamer la libération des personnes arrêtées. Aux alentours du centre commercial, l'arsenal répressif de la police était déjà en place : des agents avec des matraques, des renforts et un camion chasse-neige. Des jeunes ainsi que des enfants et même des femmes, qui résident dans les bidonvilles faisant face au centre des affaires, se sont rassemblés sur les lieux-mêmes. Quelques pierres lancées ont failli rallumer les scènes de violence. Des négociations ont été engagées afin d'amener les protestataires à se disperser en échange de la libération des personnes arrêtées. Selon un proche de la victime, la remise en liberté de ces dernières devait intervenir durant la même journée. Mais jusqu'à hier soir, cette libération n'avait toujours pas eu lieu. La disparition tragique du jeune Fayçal a fait réagir le tribunal de Chéraga, le cabinet du wali d'Alger et la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). «Suite au décès du nommé Abkichi Fayçal à l'intérieur du siège de la Sûreté de daïra de Zéralda, dimanche dernier, le procureur de la République près le tribunal de Chéraga, qui s'est déplacé sur les lieux juste après avoir été informé de l'incident, a ordonné la pratique d'une autopsie et l'ouverture d'une enquête approfondie pour déterminer les circonstances et les causes de cet incident», a indiqué un communiqué du tribunal répercuté par l'APS. Un autre communiqué de la DGSN, également repris par l'agence de presse officielle, a précisé qu'«une enquête a été ouverte par les services de la Police judiciaire d'Alger pour déterminer les circonstance exactes du décès de ce citoyen». «(…) Le nommé A. F. a fait irruption au siège de la Sûreté de daïra de Zéralda muni d'une hache pour s'attaquer et blesser trois policiers de permanence, dont deux grièvement», a ajouté le communiqué de la Sûreté nationale. Le même document ajoute que Fayçal a «succombé des suites de ses blessures après son admission à l'hôpital de Zéralda». Les trois policiers blessés lors des affrontements de dimanche ont, mentionne-t-on, été admis dans le même hôpital avant d'être transférés vers l'hôpital central de la Sûreté nationale. Le cabinet du wali d'Alger a déclaré, pour sa part, que la victime «a agressé et blessé grièvement deux agents dans l'exercice de leur fonction». «Face à l'acharnement de l'agresseur, un agent en état de légitime défense a riposté, le blessant mortellement». «Ce regrettable incident», note le communiqué du cabinet du wali, a entraîné le décès de «l'agresseur» et l'hospitalisation de «deux agents» pour «blessures graves». Le communiqué ajoute que l'incident a été «exploité par des manipulateurs qui ont incité des jeunes inconscients à commettre des actes de destruction, de pillage et de vandalisme de biens publics et privés que les autorité déplorent et condamnent». Si le cabinet de M. Addou et l'institution dirigée par M. Tounsi rappellent que le jeune Fayçal avait fait irruption dans le siège de la Sûreté de daïra de Zéralda muni d'une hache à 4h du matin, cependant, ils n'ont pas indiqué pourquoi la victime s'est rendue à cet endroit. Des sources locales évoquent, toutefois, l'existence d'un différend entre la victime et un des policiers du commissariat de cette ville. En attendant, les résultats de «l'enquête approfondie», la version officielle des faits a été complètement récusée par la famille de la victime.