Le bon peuple est tout à la dévotion dédiée au roi mouton. On le cajole, couve, dorlote et bichonne comme une jeune mariée. Et c'est le cas de le dire. L'animal fait la nouba partout et en grande pompe. Dans les rues, les avenues, les cours, les bas d'immeubles, les couloirs et les balcons. Un vrai feu d'artifice. Se sentant à l'aise, il gambade, flâne, folâtre et batifole à l'excès. Des ribambelles de gosses y trouvent leur plaisir. Fugace et enivrant. Une belle aubaine cousue de fil blanc. L'atmosphère ne fleure pas la rose. L'odeur des déjections et de la paille rassise embaume l'air. De quoi avoir plein les narines et la casquette aussi. Plus ça change, plus c'est la même chose. Chaque année, la collectivité remet sur le tapis ou sur l'enclume ce rituel ancestral. Je ne veux pas en faire des kilos, remuer la cendre, mais on se demande bien naïvement d'où provient tout cet argent. A croire que les gens deviennent subitement riches à millions, profitant d'une manne céleste. Crésus ressuscité, le temps d'une fête payée rubis sur l'ongle. Les voix de la providence sont impénétrables. Le ton fait la chanson et il ne me vient pas à l'esprit d'en démêler le mystère. Mieux vaut ne pas mettre son grain de sel en cette communion qui trouve grâce chez tout le monde. Un barbier rase l'autre et l'engouement se communique et s'enfle tel un torrent en hiver. La ville vomit ses ordures, ses tripes et ses boyaux en attendant le jour béni. Pour l'instant, c'est le compte à rebours. Passionné, enfievré qui précède la grosse bamboula et l'insigne bacchanale. Comme toujours.