Qui pourrait bien croire qu'en plein mois d'août il pleuve sans discontinuer, et que le mercure joue à la barre des 10°C ? Oui, nous sommes à l'extrême sud de l'Allemagne, exactement dans la région de Berchtesgaden, ville trônant majestueusement dans le massif des Alpes allemandes (elle n'y est pas lovée, loin s'en faut), étirant ses tentacules le long des vallées, dont certains, voire plusieurs, vont carrément hardiment à l'assaut des montagnes alentours. Dorlotée par le bruissement de la rivière Ache, cette petite ville se trouve à 180 km de Munich, capitale de l'Etat libre de Bavière, et à 25 km de Salzbourg, de l'autre côté de la frontière, en Autriche. Dans cette région, en pareille période, généralement, il y a un doux soleil, et la température se ballade entre 10 et 20°, mais cette année, c'est exceptionnel, selon un habitant de cette région. Implacablement, un crachin fouette votre visage deux ou trois jours de suite si, comme les habitants ou les touristes avertis, vous n'êtes pas munis d'un parapluie ; les premiers ne se séparent pas du leur. D'ailleurs, presque toutes les boutiques et les grandes surfaces vous en proposent un à partir de 3 euros ! Il pleut, mais il ne faut pas se plaindre, car on ne peut pas ne pas être d'accord avec ce que dit la publicité, comme quoi, il n'y a pas, pour supporter la canicule, mieux que la montagne au mois d'août. Les Alpes allemandes ont été aménagées pour le tourisme depuis belle lurette. Ce dernier doit fonctionner à son point optimal. Les hôtels, les pensions, les auberges de jeunesse et bien d'autres opportunités pour loger les touristes sont légion. C'est qu'en plus de l'agriculture, ou plutôt de l'élevage, tous les habitants profitent du tourisme ; tous ont droit aux dividendes de ce secteur. Des maisons-pensions et des enclos où paissent quelques moutons et/ou des vaches, voilà ce qu'on voit de chaque côté où l'on regarde. Le centre-ville de Berchtesgaden y échappe de justesse. On peut dire qu'en Allemagne, on est arrivé à éliminer parfaitement l'antagonisme entre la ville et la campagne, point si cher à Karl Marx. D'autant plus que le transport y joue un rôle prépondérant. Outre les belles voitures personnelles qu'on voit circuler dans la campagne ou garées près des « haus », le transport collectif, urbain et interurbain, sa disponibilité, sa ponctualité à la minute près, fonctionnant comme une horloge suisse, y contribue grandement ; trains, bus, omnibus, taxis (travaillant H24) se trouvent tous à Bahnhof (gare, mot et repère importants à retenir). Les bus ont des arrêts un peu partout et font une rotation impeccable, de sorte qu'on peut les prendre à tout moment et pour n'importe quelle direction. Pour avoir une chambre, rien n'est plus facile, il faut seulement apprendre, si vous ne connaissez pas l'allemand, ces mots utiles : « Zimmer frei » (chambre libre), « Zimmer belegt » (chambre occupée), inscriptions portées sur des pancartes accrochées aux portes des maisons, et mises à jour quotidiennement. Ou mieux, vous pouvez avoir une chambre selon votre bourse sans coup férir, à partir de 17 euros la nuitée avec au matin un bon « frühstück » en allant à l'office du tourisme, dans quelque ville que vous soyez en Allemagne. Et c'est gratuit (la prestation s'entend). Dans les grandes villes, pour les francophones, il y a toujours quelqu'un qui parle français « a little bit ». Mais attention, quand vous demandez à un Allemand si « he speak english » et qu'il vous réponde modestement « a little bit », attendez-vous à ce qu'il le parle bien, voire parfaitement. Sinon, il vous répondra « nein » en fouettant l'air avec ses deux mains. L'apogée du tourisme de montagne Oui, le tourisme de montagne est si développé, les moindres richesses naturelles et historiques sont si valorisées que le visiteur entre dans le circuit sans se rendre compte, déboursant sans compter jusqu'au dernier centime. Pas un coin ni un recoin qui n'ait pas été fouillé, arrangé et qu'on n'exploite pas. A Berchtesgaden, nous en avons eu plein les yeux. D'abord, la verdure ! La végétation ! Les forêts ! Si bien que vous vous surprenez à languir après une pierre, un caillou, un peu de poussière ! La nature est verdoyante, mais triste, le ciel étant constamment couvert ; d'autant plus triste que les corbeaux font leur concert de croassements à longueur de journée. Aussi n'est-il pas étonnant d'entendre un habitant nous avouer de quitter ces montagnes et de tenter l'« american dream » ! Cependant, au moindre rayon de soleil, la nature semble reprendre vie. Les Allemands ouvrent toutes les fenêtres de la « haus », tellement il y fait sombre, du moment qu'il en fait presque autant à l'extérieur. Toujours collés à la façade, ouverts, les volets sont juste là pour la décoration. Des balcons des maisons, qui (les balcons) sont généralement en bois, pendent des fleurs épanouies à longueur d'année. Dans cette contrée et dans bien d'autres encore, la maison allemande, la plupart du temps à un étage, montre l'art d'allier, de marier le ciment et le plâtre avec le bois, matière disponible à profusion. Rose, rouge, verdâtre, et de bien d'autres nuances, le toit est soit en tuiles, soit en morceaux de bois, soit en tôle plate. Que de montagnes ! Des montagnes pour le ski, pour l'alpinisme, pour les randonnées pédestres et l'admiration du paysage : le mont Watzmann, symbole de Berchtesgaden Land, avec ses 2713 m et sa légende du roi Waze et de la bergère, le Hochkalter 2607 m, le Hoher Göll 2522 m, le Hohes Brett 2340 m, le Jenner 1874 m avec son téléphérique et ses deltaplanistes, le Kehlstein 1834 m... Maisons-pensions, hôtels et alpages, le tout escaladant des pentes, entouré de forêts de conifères et d'autres arbres sylvestres et si hauts. Les nuages y circulent. De loin, on croit avoir affaire à un incendie de forêt. Les nuages passent silencieusement si bas, que, comme dirait l'autre, un homme de grande taille peut facilement en être enveloppé pour un moment, le temps de leur doux passage. Les gens de la montagne progressent dans leur ballade pédestre en s'aidant de deux cannes spéciales. De loin, on a l'impression de les voir skier dans la verdure. Les pistes, pardon, les routes filiformes dans la campagne sont excellemment bitumées, sinon non moins excellemment caillassées.On marche toute la journée sous la pluie, et pas une once de boue ! C'est que tous les terrains sont herbus et toutes les eaux sont remarquablement canalisées.D'ailleurs, on n'oublie jamais le passage des piétons, même le long des routes montagneuses carrossables.On n'oublie jamais la place du vélo, sa propre route, son parking, son wagon... La liberté individuelle est si respectée même concernant les fumeurs et les non-fumeurs, les premiers ont partout leur sacro-sainte zone, dans les lieux publics, dans le train... Les curiosités à Berchtesgaden ? D'abord, les thermes de Watsmann, fréquentés par beaucoup d'Allemands et d'étrangers pour la cure ; le lac de Königsee pour la détente et la randonnée à bord d'un bateau électrique ; le parc national de 210 km2, terre de l'Aigle royal, créé en 1978 dans le but de préserver la nature, et partant, créer les conditions favorables à la détente et à la recherche ; la mine de sel dont l'exploitation remonte à 500 ans, à l'époque des princes-prévôts ; les paisibles hameaux alentour, disséminés parmi les massifs (Ramsau, Maria Gern, Schönau, etc.), le Nid d'Aigle d'Adolf Hitler... Le travail et le civisme ou l'engagement du citoyen, telles sont les clés de la réussite dans le développement du tourisme, dans la vie tout court en somme.Sites naturels revalorisés et donc préservés, monuments, bâtisses, chapelles et crucifix en tous lieux et églises du style baroque primitif d'un prieuré archevêché datant de 1102, qui deviendra plus tard Berchtesgaden... De tout cela, on en a fait un lieu touristique avantageusement fructueux, rentable.On peut en dire tout autant de Salzbourg et de Vienne. Et l'on se prend malgré soi à penser à Souk Ahras (Taghaste), terre de Saint-Augustin, à M'Daourocuh (Madurus), pénates d'Apulée de Madaure, au Sahara, le plus grand désert du monde...