Dans «Urban Islam. Entre le portable et le Coran», on est loin de broyer du noir comme avec l'affaire des caricatures du Prophète, qui secoue actuellement le Danemark. Rien ne rappelle non plus le vert menaçant du Hamas palestinien. Pas une image de la barbe poivre et sel d'Oussama Ben Laden… Dans un monde où chaque jour, l'Islam radical fait parler de lui, le Musée des cultures va à contre-courant en chassant les clichés. «L'Islam fait peur, c'est un sujet lourd», affirme Bernhard Gardi, responsable du projet. «On a évité de mettre l'accent sur le fondamentalisme ou de montrer des pièces archéologiques de la civilisation musulmane. Nous nous sommes plutôt demandé comment l'Islam est vécu par de jeunes musulmans vivant sur différents continents ? Notre but est de montrer un Islam vif, jeune et urbain.» Résultat : l'accrochage montre surtout un Islam interactif et simple à comprendre à travers le quotidien de jeunes musulmans en Suisse, en Turquie, au Maroc, au Sénégal et au Surinam. Une traversée des apparences pour explorer une religion à la fois une et multiple : 1,3 milliard de musulmans, 1 Islam, 1,3 milliard de manières de vivre cette croyance et 6,5 milliards de points de vue sur cette religion. Musulmans-fondu Du haut d'une tribune, le regard se porte sur le film documentaire du cinéaste bâlois Alain Godet. Des musulmans, vivant à Bâle, Zurich et Genève,décrivent leur rapport à l'Islam. Mervé, Aladin, Saïd sont helvètes : «Quand je dis que je suis musulman, j'ai l'impression que mon interlocuteur se retire intérieurement», raconte l'un d'eux. «J'adhère à la religion de ma famille, que je sois en Afrique ou en Suisse.» «Parce que je porte le foulard, je ne suis pas seulement Mervé, je représente tous les musulmans.» Les témoignages illustrent la diversité des concepts de vie des musulmans. Tous sont d'accord pour dire que leur avenir c'est ici, en Suisse, qu'ils le voient. Ils font partie de la génération «musulmans-fondu». Vivre sa spiritualité en Suisse signifie forger son identité à l'aide d'un vaste éventail d'influences. Il y a la prière à la mosquée, le hip-hop, le Coran, l'Internet, la raclette et le kebab… Influence de l'Occident Loin du brouillard zurichois, à Marrakech, Hanan, un fichu sur la tête, ne veut pas ressembler à la femme occidentale. A l'école marocaine, elle a appris dans son manuel scolaire que «l'Occidentale est une femme objet. Les agences de pub ont fait de son corps un produit commercial». Cette étudiante marocaine a décidé de mettre le foulard et raconte sa décision dans son journal intime. Elle pense qu'elle ne change rien à sa vie sauf les vêtements. Le doute s'installe: «J'ai peur de faillir. J'ai peur de cette promesse à Dieu que j'ai donnée pour toujours.» La religion du hip-hop Hanan décrit comment elle perçoit les différents modes de vie islamiques dans sa ville. Elle est prise en sandwich entre l'Islam conservateur et la modernité. Elle aime autant le télécoraniste égyptien Amr Khaled que l'acteur américain Brad Pitt. Mais être moderne pour Hanan va-t-il plus loin que de porter un foulard à la mode ? Comme Hanan, Farina du Surinam est partagée entre sa foi musulmane et son mode de vie occidental. «Le Coran nous interdit de nous maquiller. En tout cas, moi j'aime me maquiller, et je ne m'en prive pas. Par contre, je ne vais pas en discothèque. Cela n'a rien à voir avec l'Islam. Je n'en ressens pas tellement le besoin», souligne dans un néerlandais parfait cette belle Indienne de Paramaribo. Au Sénégal, l'Islam se vit à la discothèque plus qu'à la mosquée. Impossible de dissocier la religion du hip-hop. Alioune sait de quoi il parle, lui qui vend dans les rues de Dakar ses cassettes de chants de sa confrérie muride.I – «Urban Islam», Musée des cultures à Bâle, du mardi au dimanche de 10 à 17 h jusqu'au 2 juillet 2006.