Pourriez-vous nous présenter succinctement la confrérie Alawiya et son fondateur le cheikh Ahmed El Alawi ? Tout d'abord, il convient de préciser qu'il s'agit de la tariqa Chadhiliya Darkaouia El Alawiya. Le mot confrérie est un terme occidental et il est préférable de parler de « voie soufie », tariqa. Comme je le disais, il faut toujours revenir aux origines de la tariqa qui dérive de la Chadhiliya-Darkaouia parce que le maître de cheikh El Alawi, Sidi Mohamed Bouzidi, était Darkaoui. El le cheikh Larbi Derkaoui, sa tariqa était Chadhiliya. Et comme toute voie porte le nom de son maître spirituel, le cheikh El Alawi a donné son nom à la tariqa, car c'est un novateur. Il a vivifié cette voie soufie. Qu'a-t-il apporté de nouveau à la Chadhiliya ? Cheikh Alawi a reçu son investiture en 1909, soit au début du XXe siècle. Il a apporté une nouvelle méthode à la tariqa, que ce soit en ce qui concerne l'éducation spirituelle ou les questions organisationnelles, la manière de s'habiller ou même sur le plan économique. Ainsi, il avait exhorté ses adeptes à ouvrir des boulangeries, car le peuple algérien était pauvre. Le cheikh avait également défendu l'idée d'une école moderne pour sortir de l'enseignement traditionnel. Il avait ainsi créé une école moderne à Alger dont le directeur était Mustapha Hafid. Il avait aussi créé une imprimerie, ce qui était révolutionnaire à l'époque. C'est un peu comme l'informatique aujourd'hui. Il avait fondé des journaux. Le premier, c'était Lissan Al Dîn (La Voix de la religion). Cette publication n'a pas duré en raison de son ton dur contre les autorités coloniales. Le second, c'était Al Balagh Al Djazaïri qui a été fondé en 1926. Pouvez-vous nous parler du cheminement spirituel du cheikh El Alawi ? Il est né en 1869 à Mostaganem. Quand il était enfant, il était engagé dans une quête spirituelle. Il avait un besoin intérieur (ihtiyadj batini). Dès son jeune âge, il fréquentait les connaisseurs et suivait les leçons des maîtres de l'époque dispensées au sein de la grande mosquée de Mostaganem. Mais cela lui paraissait artificiel. La tariqa Aïsaouia était célèbre, à Mostaganem, alors il a intégré cette voie soufie. Cela dura jusqu'au jour où il rencontra Sidi Mohamed Bouzidi et prit l'attachement (al ahd) de lui. A partir de là, Sidi Bouzidi lui a confié des adhkar. Son maître lui conseilla d'écrire. Le cheikh composa alors un traité intitulé : « Miftah echouhoud fi madhaher el woudjoud » (La clé des signes sur l'apparence des choses). Dans ce traité, il parlait d'astronomie, du système solaire, des galaxies, des trous noirs, de la formation de l'univers. Sidi Hamou Cheikh comme on l'appelle ici, c'est-à-dire Sidi Bouzidi, était au Maroc chez Mohamed Kaddour El Wakili, chez qui il est resté presque 20 ans, il cherchait à diffuser sa tariqa. Mais il butait sur des obstacles. Il en était peiné. Une nuit, le Prophète le visita dans un songe et le rassura en lui disant qu'un homme allait venir et propagerait son enseignement. En effet, quand le cheikh El Alawi a pris la tariqa de son maître, les choses commencèrent à changer et son message se propagea. Le cheikh El Alawi a-t-il voyagé dans d'autres pays pour quérir le savoir ésotérique ? Oui, il avait conçu le projet de partir. Il ne voulait pas rester sous le joug d'un pouvoir non musulman, en l'occurrence les autorités coloniales, aussi résolut-il de partir à Istanbul, siège du califat musulman, en se disant que là-bas, il sera sous l'autorité de l'Islam. La semaine où il devait partir, il envoya sa femme à Tlemcen faire ses adieux à sa famille. Il reçut un télégramme de Tlemcen lui annonçant qua sa femme était très malade. Arrivé à Tlemcen, elle rendit l'âme. Il n'était pas revenu de ses émotions qu'on lui annonça que son maître était à l'article de la mort. Il revint à Mostaganem et son maître décéda à son tour. La question de la succession se posa et on le désigna à l'unanimité comme successeur du cheikh.