Le grand groupe irlandais de pop-rock, U2, est une vraie pile Wonder. Il ne s'use pas. La patente du temps ne semble pas avoir une quelconque incidence sur les quatre enfants terribles et de la balle de Dublin. Il est toujours là et présent. Il ne meurt pas ! Après avoir effectué des pérégrinations de l'air et du ton ambiants, des manœuvres orchestrales jusqu'à s'essayer à la techno et la dance sur l'album Zooropa et l'electronica et dance sur Pop, revient avec un nouvel opus intitulé Non line on the horizon (pas de ligne à l'horizon), sorti début mars 2009. Une assertion faisant dans la géométrie variable d'une certaine dichotomie linéaire, insulaire et interstellaire. Se voulant une vérité « générale », certes philosophique, mais une allégorie scrutant un horizon au futur compromis comme le scandaient les Sex Pistols, mais aux antipodes du fameux slogan punk agit-prop « No future ». Bref, un retour aux sources, l'âge canonique aidant de U2, et de surcroît, Bono, chanteur et leader charismatique, The Edge alias David Evans, guitariste, Adam Clayton, bassiste et Larry Mullen, batteur sont des humanistes. Ils sont amis de Nelson Mandela, Barack Obama et Wim Wenders. Ils pétitionnent pour San Suu Kyi, militent pour Fight aids and extreme poverty, Amnesty international ou encore Greenpeace. Un virage important négocié dans la carrière de U2. La bande à Bono amorce un come-back fracassant. Cela n'est pas arrivé depuis le fameux album Achtung Baby avec cet effet bœuf et puis cette fraîcheur créative. Pour ce faire, les membres de U2 se sont rendus dans un pays arabe...au Maroc, plus précisément à Fès. D'ailleurs, le groupe lui dédiera un chanson éponyme. Ainsi, c'est à Fès qu'a débuté la conception de No line on the horizon, au Riad El Yacout ( le reste de l'enregistrement s'effectuera à New York et Londres) sous les auspices de l'équipe — qui ne change pas mais qui gagne — Brian Eno, Daniel (U2 aime à l'appeler Danny) et Steve Lillywhite. Ce n'est pas la première fois que U2 « flashe » pour le Maroc. Le groupe était déjà venu pour tourner le clip de Mysterious ways en 1991, avec le réalisateur Stephane Sedanoui. Et puis, sur le titre Discothèque dans l'album pop, les enfants du « riff »(guitare) reprennent un morceau extatique des gnaoua. Pour rappel, Jimi Hendrix, Randy Weston, Jimmy Page et Robert Plant avaient été envoûtés par le Maroc et sa musique gnaouie. L'album No line on the horizon sonne comme du U2 mais avec une certaine épure de ce gros à l'écho aérien et céleste, wild (sauvage). U2, C'est « Bono » ! Un power pop (dans le jargon britannique) très juvénile et insolent. La nouveauté ! U2 décline une humilité musicale. Et pour cause ! Bono et ses alter ego, qui n'ont jamais été au conservatoire (eh oui !), exhibent la quintessence, par excellence, de la musique rock et pop avec des clins d'œil — c'est flagrant — à Jimi Hendrix, Brian May de Queen, Lou Reed, Léonard Cohen, Thin Lizzy (leurs grands frères spirituels de Dublin), Led Zeppelin (l'intro de Stand up comedy est éloquente) et puis la pop des Beatles. Et ce, à travers une direction des three pieces (trois pièces propres aux groupes de pop, guitare, basse et batterie) et puis cette approche élégante, ciselée et stylisée des lyrics (textes) soutenus par les riffs surchargés des guitares attitrées Rickenbacker, Les Paul Custom ou encore Taylor acoustique de The edge « débordant » d'ingéniosité d'un chaînage démentiel. C'est que U2 s'est amendé dans le songwriting (comme Lou Reed, David Bowie ou encore John Cougar Millencamp). Si l'on écoute et réécoute l'album, on découvre la « master-class » de U2. Dans la chanson Magnificent, Bono, sur un rythme martial et spartiate (rappelant Sunday bloody sunday) semble confier à l'endroit de son public : « Je suis né pour être avec toi/je suis né pour chanter pour toi/j'interprète n'importe quelle chanson que tu me demandes/je te rends ma voix.. » La voix de Bono est toujours là, intacte, écorchée, fraîche, vive et vivante, alive quoi ! No line on the horizon conte donc une ode à la ville de Fès. Une déclaration et une déclamation à la cité marocaine sur une tablature de six cordes panoramique et surtout cette emphase syllabique (à découvrir) de Bono : « 6h du matin/Sur l'autoroute/Le macadam et le chrome brûlants/ Baie de Cadix et un ferry accoste/l'Atlantique brise la glace/Enfin, le soleil africain.. ». U2 déclare aussi sa flamme à un autre pays arabe, le Liban, sur Cedars of Lebanon(Les cèdres du Liban). Un sorte de ballade à la Walk on the wild side de Lou Reed avec un texte intense : « Des enfants boivent de l'eau polluée au bord d'une rivière/ un soldat apporte des oranges de son tank/je contemple le coucher de soleil sur le Liban/ des nuages pas saints se réfléchissent sur un minaret/Tu es si haut au-dessus de moi, plus grand que personne/où êtes-vous parmi les cèdres du Liban ?/ choisis tes ennemis car eux, ils vont te déclarer/Ils ne sont pas là au début mais à la fin de l'histoire comme amis.. ». Et sur le titre Get on your boots, Bono réitère, on ne peut mieux, son engagement pacifiste et anti-belliqueux : « Les femmes du futur/ont de grandes révélations/j'ai un sous-marin/tu as du pétrole/je ne veux pas parler des guerres entres les nations/pas maintenant... ». Bref, No line on the horizon, renferme des fulgurances et des trouvailles d'un U2 ayant toujours cette verve et autre « pêche » jurant avec la gérontologie. Un groupe cinquantenaire, vert et alerte refilant des complexes au jeunisme. C'est que les membres de U2 veulent vieillir ensemble. Et pour preuve ! Ils n'ont pas « splitté » (la fameuse séparation des groupes de pop). Pour les reprendre, U2, ce sont les désormais Magnificent four(les quatre magnifiques) par opposition au titre Magnificent seven de Clash( inspiré du film Les sept mercenaires et...samouraïs). Aux dernières nouvelles, où se trouvait donc la formation U2 ? Et bien...à Fès, il y a quelques jours pour le tournage du clip Magnificent. Décidément, ils ont pris...Fès et...âme ! Ah ! Ces enfants du « riff » ! No line on the horizon U2/1 CD/ mars 2009 Site : www.U2.com