Depuis plus de trois ans, et à partir de la mi-mars, c'est la ruée vers le greffage dans la région de Sidi-Aïch. Ils sont nombreux ceux qui s'échinent à faire renaître leur patrimoine oléicole d'avant les années 80. Appauvries par le feu et le manque d'entretien, les oliveraies ne donnent, ces derniers temps, qu'un rendement médiocre. Sachant la valeur de l'huile et la place qu'elle occupe dans les foyers kabyles, on peut facilement imaginer le désarroi des paysans. Devant la cherté de la vie et la flambée des prix des produits de large consommation, plusieurs foyers ne voient d'issue que le retour à la terre qui a été pendant des siècles l'unique source de subsistance. « Nous méritons ce qui nous arrive. On ressemble fort bien à cet âne chargé d'avoine mais qui finit pourtant par mourir de faim. Nous aussi, nous avons une richesse providentielle à portée de main, mais nous ne savons pas en tirer profit » nous a déclaré Dda Mouhand Cherif, un fellah chagriné par l'abandon qui caractérise les terrains agricoles. En effet, rares sont aujourd'hui les champs qui sont travaillés, essartés, labourés, hersés, semés…. Tout est presque laissé en jachère, à la merci des herbes folles. Le travail de la terre est perçu par beaucoup comme un sot métier. Mais la réalité sociale finit toujours par réveiller ceux qui se sont laissés bercer et berner par les chants des sirènes. On s'aperçoit finalement que le retour se fait alors avec empressement sinon religieusement. S'il existe des paysans qui ont opté, dans plusieurs villages de la daïra de Sidi Aïch, pour la plantation de plants d'oliviers, la majorité préfère le greffage pour les facilités qu'il offre (entretien, arrosage, résistance…). Cette opération se fait encore, chez beaucoup de paysans, selon des rites que les jeunes générations regardent d'un mauvais œil. D'ailleurs chez ces nouvelles générations, les interdits et autres recommandations des anciens concernant le greffage ne sont plus respectés. On donne foi de plus en plus à la science qu'à l'expérience acquise par les ancêtres. C'est vrai que pour l'instant, l'on ne s'adonne pas encore aux cultures vivrières, à l'arboriculture, mais l'engouement pour le greffage de l'olivier est prémice de lendemains prometteurs pour l'agriculture de montagne. Ce retour à la terre, même tardif, augure déjà de bons jours pour la région en matière de culture oléicole. Rien que dans la région de Tifra, les oléastres greffés, ces deux dernières années, se comptent par milliers. Que dire alors de toute la région de Sidi-Aïch. Selon les prévisions de certains agriculteurs, la filière oléicole est partie pour une véritable revalorisation.