La banlieue sud de Beyrouth, à majorité chiite, présentait vendredi un spectacle de désolation, après les violents raids israéliens de la nuit et qui se sont poursuivis hier jusqu'en fin de journée. Un acte de terrorisme d'Etat commis par Israël, au nom du «droit à l'autodéfense» ; ce même droit qu'elle a dénié pourtant au peuple palestinien livré, depuis des mois, à une terreur jamais égalée, marquée par bombardements aériens et terrestres quotidiens ayant coûté la vie à des centaines d'innocents. Les premiers raids de l'aviation israélienne ont visé dans la nuit du mercredi dernier le pont sur la rivière Awali, qui commande l'entrée de Saida, principale ville du Liban Sud, située à 43 km au sud de Beyrouth. Les tirs nourris des batteries antiaériennes des soldats libanais en poste dans la région n'ont pu faire reculer les chasseurs-bombardiers israéliens, lesquels intensifiaient de plus en plus leurs raids au-dessus de Saida et des camps de réfugiés palestiniens qu'elle abrite. Quelques heures plutôt, la même aviation avait bombardé un pont sur la rivière Damour, sur le littoral, à une quinzaine de kilomètres au sud de Beyrouth, qui a été partiellement détruit. En réaction à ces actions, le Hezbollah, mouvement de la résistance libanaise, en tirant une salve de roquettes sur les renforts israéliens, qui avaient pénétré la région de Aïta Al Chaab, située en territoire libanais, à la frontière israélo-libanaise, tuant trois soldats israéliens avant de capturer deux autres. Durant la même soirée, les chaînes de télévision israéliennes ont annoncé que Ehud Olmert, Premier ministre israélien, a ordonné des actions militaires au Liban, à la suite d'une réunion d'urgence de son cabinet. «Israël va y réagir de façon adéquate, car il est évident pour tout le monde que la responsabilité de cette affaire est du ressort du gouvernement libanais», a-t-il affirmé aux journalistes. Ces propos sont intervenus au moment où le Hezbollah annonçait sur les ondes de sa chaîne de télévision Al Manar qu'il veut échanger les deux soldats qu'il a capturés contre des prisonniers et des détenus en Israël. Le lendemain, la riposte d'Israël a été sanglante. Onze Palestiniens, dont sept enfants, ont été tués dans un bombardement aérien mené contre la maison d'un responsable du Hamas à Ghaza et lors d'un raid aérien à Khan Younès, la localité la plus visée par les agressions israéliennes, puis celle de Deir Al Ballah, portant le nombre de victimes de ces agressions criminelles à 85 morts et 300 blessés, morts en quelques jours seulement. Jeudi matin, c'est le Liban qui se réveille sur les sons assourdissants de bombardements intensifs visant l'aéroport international de Beyrouth, la route internationale menant vers la Syrie et les villes du sud Liban, tuant 61 civils, parmi lesquels deux Koweïtiens, quatre Brésiliens et une Asiatique. Un couple et leurs huit enfants ont péri dans leur maison à Doueir, de même que sept membres d'une même famille chez eux à Baflay, dans le Sud. Dans la banlieue sud de Beyrouth se trouve le siège du commandement du Hezbollah, qui a riposté en lançant des roquettes sur la ville de Haifa, troisième ville d'Israël. L'aviation israélienne est revenue à la charge pour bombarder une seconde fois l'aéroport de Beyrouth fermé pour une durée indéterminée, prenant pour cible les réservoirs de carburant, après avoir visé les deux principales pistes. Au total, 21 ponts, la plupart reliant les différentes régions du Liban sud ainsi que le Liban sud au reste du pays, ont été bombardés par Israël, plongeant le Liban dans un blocus aérien, maritime et terrestre. L'aéroport international de Beyrouth ciblé à deux reprises par les raids de l'aviation a été fermé au trafic, alors que des bâtiments de la marine israélienne avaient fait leur apparition dans les eaux territoriales libanaises. Par cet acte de guerre, Israël venait d'ouvrir un nouveau front à sa frontière avec le Liban. Ce dernier a vite demandé la convocation urgente d'une réunion du Conseil de Sécurité de l'ONU pour examiner la situation et surtout exiger l'arrêt immédiat de l'agression commise par Israël, qui tue des civils et détruit les infrastructures d'un pays souverain. Hier, Ehud Olmert a déclaré publiquement avoir autorisé son armée à poursuivre son opération et à frapper plus d'objectifs au Liban pour briser le Hezbollah. Les raids israéliens contre la banlieue sud chiite de Beyrouth ont fait, selon la police libanaise, au moins cinquante blessés civils, dont la majorité a été touchée sur le pont de l'autoroute menant à l'aéroport international de Beyrouth. Au total, les raids israéliens ont fait 61 tués, dont 46 jeudi, et 150 blessés parmi la population civile en l'espace de moins de 48 heures. En fin de journée, Ehud Olmert a dévoilé ses véritables visées et montré que l'enlèvement des soldats israéliens n'était en fait qu'un prétexte. Il a clairement conditionné le cessez-le-feu au Liban à la libération de deux soldats enlevés, l'arrêt des tirs de roquettes et surtout à l'application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité relative à la demande du retrait des troupes étrangères du Liban, (sans Israël) et le désarmement du Hezbollah. C'est en fait, cette finalité à laquelle Israël veut arriver à n'importe quel prix, même si c'est au prix de l'extermination de milliers d'innocents. A l'issue d'une réunion tenue en fin de journée avec son chef d'état-major, Ehud Olmert a exprimé d'ailleurs sa volonté de poursuivre, dans les prochains jours, l'agression meurtrière contre les positions du Hezbollah et sa détermination à l'éloigner de la frontière d'Israël. Ces déclarations sont intervenues au moment où les bombardements, auxquels ont pris part également les navires de guerre, amarrés au large de Beyrouth, ont repris ciblant pour la troisième fois l'aéroport international et les quartiers sud de la capitale libanaise.