Est-ce le cas? Le Hezbollah est un parti politique libanais qui a deux ministres au gouvernement. Il est dès lors légitime de considérer la branche armée du parti de Dieu comme un organe de fait de l'Etat libanais. Il en résulte que nous sommes en présence d'un conflit armé international, c'est-à-dire entre deux Etats. Ceci signifie que le droit applicable est le droit international humanitaire des quatre Conventions de Genève de 1949 et du premier Protocole additionnel de 1977. Lors d'un conflit armé, les parties en présence se doivent de respecter certaines obligations quant à leur manière de combattre, ce sont les règles sur la conduite des hostilités. Ces règles sont parmi les plus anciennes du droit international humanitaire et elles sont résumées dans les Protocoles additionnels de 1977. Il est important de noter que le droit international humanitaire n'est pas soumis au principe de réciprocité, ce n'est pas parce que son adversaire viole les dispositions de ce droit que le belligérant peut faire de même. Bien au contraire, le droit international humanitaire doit être respecté par les parties au conflit «en toutes circonstances» (article 1er commun aux quatre Conventions de Genève de 1949). L'une des règles fondamentales du Droit international humanitaire (DIH) est le principe de distinction entre civils et combattants et entre biens civils et objectifs militaires. C'est même l'un des principes cardinaux du DIH, selon la Cour internationale de justice. Il est donc formellement interdit de prendre pour cible les civils lors d'un conflit armé. Toutefois, dès lors qu'un civil prend les armes pour combattre, il n'est plus protégé par cette norme et il peut être légitimement pris pour cible pour être mis hors de combat. Le DIH interdit également de s'attaquer à des biens à caractère civil. Ces derniers sont définis négativement, c'est-à-dire que tout ce qui n'est pas un objectif militaire est un bien civil. Selon le DIH, un objectif militaire est un bien qui par sa nature, son utilisation ou sa destination apporte une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction, la capture ou la neutralisation offre un avantage militaire précis (article 53 et 2 du premier Protocole additionnel). De plus, en cas de doute le belligérant doit considérer que le bien est à caractère civil. Une autre règle de base du DIH est la précaution dans l'attaque. On peut définir ce principe comme suit : les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile et les biens à caractère civil. Le principe de proportionnalité est sa résultante directe. Selon ce principe, lancer une attaque qui pourrait causer incidemment des pertes dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens à caractère civil ou une combinaison de ces pertes et de ces dommages qui serait excessive par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu est interdit. Le militaire qui doit lancer ce type d'attaque doit toujours mettre en balance l'avantage militaire attendu et les pertes civiles qui pourraient en résulter. Si le commandant considère qu'il n'y a pas disproportion, il doit avertir, dans la mesure du possible, la population civile de toute attaque ou opération qui peut l'affecter. Autrement dit, il ne suffit pas de prévenir les civils qu'on va bombarder leur ville, il faut également que ce bombardement procure un avantage militaire précis. Ces obligations (principe de distinction, principe de précaution, principe de proportionnalité) font partie du droit international coutumier, c'est-à-dire que les Etats sont obligés de s'y conformer même s'ils n'ont pas signé et ratifié un traité en ce sens. On a également parlé depuis le début des hostilités de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocides. Afin d'éviter que certains de ces termes soient galvaudés et vidés de leur substance, de leur sens, il faut bien les définir. Un crime de guerre est un crime qui ne peut avoir lieu qu'en temps de guerre, que ce soit un conflit armé international ou un conflit armé interne. Les crimes de guerre sont des infractions graves au DIH et leur violation entraîne la responsabilité pénale de ceux qui les commettent (1). Les Conventions de Genève qualifient d'atteintes graves au DIH les actes suivants perpétrés contre des personnes protégées par lesdites conventions (malades, blessés, naufragés, prisonniers de guerre, civils) : «L'homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé, la destruction et l'appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire» (article commun 50/51/130/147). En outre, selon le premier Protocole additionnel de 1977, les violations des principes de distinction, de précaution ou de proportionnalité sont considérées comme des crimes de guerre.Le crime contre l'humanité peut exister en temps de guerre comme en temps de paix. La première définition conventionnelle de ces crimes nous la retrouvons dans le Statut du Tribunal de Nuremberg institué pour juger les criminels nazis après la Seconde Guerre mondiale. Un crime contre l'humanité est un acte commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque. Ces crimes comprennent le meurtre, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou transfert forcé de populations, la torture, les disparitions forcées, l'apartheid, l'emprisonnement arbitraire, le viol et toute forme de violence sexuelle de gravité comparable, les persécutions pour motifs politiques, raciaux, sexuels, religieux, ethniques, nationaux, culturels ou sexistes et «tout autre acte inhumain de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale» (article 7 et 1, k). Deux éléments constitutifs de ces crimes sont importants : ils doivent être exécutés dans le cadre d'un plan concerté, dans la poursuite d'une politique d'un Etat ou d'une organisation, mais il faut aussi que ceux qui perpètrent ces crimes sachent et aient eu l'intention de les commettre dans ces buts précis. Autrement dit, il suffit que l'auteur du crime ait connaissance de l'attaque généralisée ou systématique et qu'il ait entendu y participer par son acte. Le génocide est encore différent. Il y a une gradation dans l'horreur et c'est à juste titre que l'on parle de «crime des crimes». Comme pour le crime contre l'humanité, ce crime peut être perpétré en période de guerre comme en période de paix. C'est en 1948 avec la Convention pour prévention et la répression du génocide qu'on a eu la première définition de ce crime (qui depuis fait partie du droit coutumier). Le crime de génocide doit avoir été commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel. Il comprend le meurtre de membres du groupe visé, l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe (viol ou torture), la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe et les transferts forcés d'enfants du groupe à un autre groupe. Ici aussi l'élément intentionnel, l'élément moral est primordial. L'auteur du crime doit avoir eu l'intention spécifique de détruire le groupe, que ce soit totalement ou en partie. Par exemple, un seul meurtre peut être qualifié de crime de génocide s'il est prouvé que son auteur voulait détruire le groupe dont sa victime faisait partie. Nous le voyons à la lumière du conflit au Liban, certains de ces crimes sont perpétrés tous les jours par les belligérants alors qu'il faut être plus circonspect concernant la qualification de crimes contre l'humanité et de crime de génocide. 1- Abi-Saâb (G.), Abi-Saâb (M.), Les Crimes de guerre, in Ascencio (E.), Decaux (.), Pellet (A.), Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 278.