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Le paludisme, cette autre maladie réémergente
Publié dans El Watan le 24 - 08 - 2006

Les trois premiers sont responsables de la fièvre tierce qui survient tous les deux jours, le dernier est responsable de la fièvre quarte qui survient tous les trois jours. Ces accès de fièvre correspondent à la spoliation des globules rouges par le parasite. L'humanité paye un très lourd tribut à cette pandémie, surtout l'enfance de moins de 4 ans.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime entre 300 à 500 000 000 le nombre de malades dans le monde, dont 90% pour la seule Afrique subsaharienne, où il en meurt 1 enfant toutes les trois secondes (1 000 000 de décès par an). Seules l'Amérique du Nord et l'Europe en sont indemnes.
De nombreux pays d'Amérique latine, d'Afrique de l'Est, la péninsule indo-pakistanaise et l'Asie du Sud-Est sont en butte à un paludisme, résistant à la chloroquine.
L'histoire de la maladie remonte à l'antiquité, Grecs et Romains en parlaient déjà comme de la maladie des marécages, d'où son nom tiré du nom latin palus (marais). Hippocrate la décrivait comme une fièvre sévissant dans les lieux humides et marécageux, on la rattachait à cette époque déjà aux étangs. Elle prenait ensuite le nom de malaria (mauvais air) encore usité. C'est grâce aux Amérindiens précolombiens que l'ancêtre du médicament a été découvert. Il s'agit de l'écorce de quinquina, que les Indiens impaludés mâchaient pour ce traiter. En 1640, les jésuites importaient en Europe la poudre de l'écorce, appelée alors «poudre des jésuites». En 1820, deux pharmaciens français en tirent le principe actif qui prend, depuis lors, le nom de quinine. Le médecin militaire Clément Maillot codifie son emploi et sa posologie dans les fièvres intermittentes et continues. Le médicament est désormais administré à titre préventif et curatif. Plus tard, des produits de synthèse vont venir renforcer l'arsenal thérapeutique, spécifique à la lutte antipaludique. Le médecin français Alphonse Laveran avance l'hypothèse d'une transmission vectorielle de la maladie par le moustique. L'Italien Giovanni Grassi confirme l'hypothèse et démontre que les moustiques impliqués dans la transmission du parasite à l'homme sont les femelles du genre anophèles. Seules 70 espèces sur les 600 recensées par les entomologistes transmettent le paludisme. Le mâle de cette espèce ne pique jamais, il se nourrit de sucs de végétaux, la femelle, quant à elle, est hématophage. Elle se nourrit de sang humain, nécessaire à la ponte des œufs. Celle-ci a lieu tous les deux à trois jours. La connaissance des mœurs du moustique permet son extermination.
Il a été ainsi observé, qu'après le siphonnage du sang sur l'être humain par piqûre, le moustique se pose sur une paroi murale. Cette pause lui permet de digérer son repas. Infesté par le parasite, il contaminera l'individu sain qui, à son tour, va constituer une nouvelle source de contamination. Ingéré par le moustique, le parasite subira un cycle biologique obligatoire et ira dans les glandes salivaires pour une prochaine infestation humaine ou animale. Le moustique femelle fécondé dépose ses œufs sur une surface d'eau, les larves qui en éclosent sont subaquatiques, elles respirent grâce à un siphon. Cette particularité permet leur destruction par épandage de matières grasses, moins denses que l'eau dont le fuel, pour les asphyxier.(1) Jusqu'au lendemain du recouvrement de la souveraineté nationale, notre pays subissait les affres de la maladie. Nos parents et même les enfants postindépendance subissaient les accès de la fièvre palustre. Ils appelaient la maladie par le vocable «la fièvre de trois jours».
La quinine était un médicament courant dans les foyers. Ce n'est qu'en 1968 que le programme de lutte antipaludique est lancé. Appuyé par l'OMS, ce programme constitué de 3 phases intitulées respectivement : phase d'attaque, de consolidation et d'entretien, devait mettre en branle des moyens logistiques relativement conséquents. Les collectivités locales mises à contribution fournissaient la main-d'œuvre sans qualification et les moyens de locomotion. Elles assuraient, en outre, l'information de la population. La section spécialisée de l'Institut national de santé publique (INSP) était chargée de la stratégie, de la formation, de la supervision et de l'évaluation des opérations. La phase d'attaque consistait en la destruction des gîtes du moustique et le traitement de ses espaces d'évolution. Sur le terrain, les directions de santé, à travers les équipes mobiles d'actions sanitaires de masse (Emdasm), procédaient au recensement des habitations en zones rurales et établissaient la cartographie des lieux à traiter. Cette opération était précédée de l'information par l'accolage d'une affiche, sur laquelle était imprimée la figurine d'un manœuvre, portant sur son dos un appareil d'aspersion d'insecticide à effet rémanent. La validité du produit durait six mois sur les murs aspergés. La mention «Mon ami l'aspergeur» était inscrite sur l'affiche.
Elle facilitait l'accès de cet agent dans les foyers pour l'opération d'aspersion. Les techniciens entomologistes, quant à eux, établissaient la cartographie des gîtes larvaires après identification des espèces, pour la localisation des peuplements d'anophèles. Ce corps technique intégré en 1980 dans celui des infirmiers diplômés d'Etat a été, malheureusement, presque éteint. Ce technicien est beaucoup plus proche de l'ingénieur sanitaire que du technicien paramédical.
Le ministère de l'Aménagement du territoire et del'Environnement devrait, si ce n'est déjà fait, ressusciter la formation de ce corps professionnel, dont le besoin devient de plus en plus pressant. Les menaces encourues quotidiennement par le milieu environnemental doivent être endiguées par des avis autorisés et des mains expertes. Le bricolage n'a que trop duré ! Le sondage hématologique nécessaire à la surveillance épidémiologique de la maladie était assuré, quant à lui, par des agents aides paramédicaux, pour la plupart formés sur le tas. Ils étaient chargés de prélever une goutte de sang sur la pulpe du doigt de tout fiévreux se présentant à la consultation. Le suspect recevait un traitement présomptif à la chloroquine. La lame de verre sur laquelle on étalait la goutte de sang était dûment identifiée par un numéro tracé à l'aide d'un crayon d'acier et enregistré sur un carnet ad hoc.
Elle faisait l'objet d'analyse au niveau d'un laboratoire idoine, abrité par la direction de la santé de wilaya. On prélevait un quota annuel correspondant à 10% de la population. Le dépistage passif, mené à grande échelle, débusquait de moins en moins de cas. L'opération connaissait un franc succès, la bataille du paludisme allait être remportée par les petits aides soignants et notre ami l'aspergeur.
L'Algérie devait faire prévaloir l'absence de paludisme sur tout son territoire en 1985 et, par conséquent, obtenir de l'organisation onusienne en charge de la santé, son certificat d'éradication. C'était compter sans les nouveaux messies. La désintégration de l'Emdasm, équipe itinérante habituée aux profondeurs rurales et pastorales et la création du secteur sanitaire en 1973, immature encore pour des actions de masse, ont porté un coup d'arrêt à l'opération. La surveillance épidémiologique de la phase d'entretien était allégrement sabordée par le corps médical coopérant ou national naissant, qui ne saisissait pas la portée socio-économique et sanitaire du programme.
considérait que le geste de dépistage hématologique relevait de la seule prescription médicale, dont il s'en prévalait jalousement et de manière excessivement chatouilleuse. Cette attitude, somme toute attendue, a été aussi observée dans la lutte antituberculeuse. Ce dépistage permettait de localiser les cas pathologiques et d'enclencher des actions ponctuelles et limitées d'aspersion d'insecticide intradomiciliaire.
Connaissant les néfastes résultats de l'utilisation des insecticides sur l'environnement, il était envisagé d'autres moyens, tels la lutte physique par l'assèchement ou le drainage des plans d'eau et la lutte biologique par ensemencement de gambuse (poisson larvivore). Ce dernier prédateur de larves était ramené du barrage du Hamiz. Il y eut par essaimage d'autres sites aquatiques, tels ceux d'El Ménia et de Ouargla. L'endémie palustre de notre pays, autochtone autrefois, était quasiment due au plasmodium vivax. Notre environnement encore vierge par son enfermement dû au fait colonial, la vulnérabilité du moustique aux agents chimiques usuels et l'absence de résistance aux drogues thérapeutiques du parasite ont fait que la campagne d'éradication menée tambour battant avait toutes les chances de réussir. A l'heure actuelle, la donne n'est plus la même et le danger plus périlleux. La résistance du vecteur et du parasite à l'arsenal chimique, observée sous d'autres latitudes et l'ouverture du pays sur l'Afrique subsaharienne, peuvent présager de situations épidémiologiques plus complexes. Les espaces désertiques qui nous prémunissaient du «péril» se sont peu à peu rétrécis, sous l'effet de la permissivité du territoire national rendue possible, par les multiples moyens et voies de communication. Cet état de fait devra nous contraindre à développer des mécanismes opérationnels de réaction rapide aux risques induits. A ce propos, le dernier foyer épidémique dans une importante agglomération du Sud, qui, par chance, a été vite circonscrit, constitue tout de même un coup de semonce et un rappel à l'ordre. Pressenti dès 1998 par les quelques cas enregistrés, il n'a pas bénéficié de toute la vigilance requise en matière de veille sanitaire. La partie en charge de cette veille affirmait mordicus qu'il n'existait pas d'anophèle femelle sur tout le territoire de compétence, tout autant que le phlébotome vecteur des leishmanioses, en dépit de la proximité d'une wilaya voisine hautement infestée.
Le temps et les événements ultérieurs lui ont opposé un cinglant désaveu. On se gargarisait du qualificatif «cas importés» quand il arrivait de dépister un ou deux cas. Pourtant, les 3 cas notifiés en 1998, précurseurs de la grande épidémie de 2001 ou 2002, n'ont jamais quitté leur résidence familiale. Les faubourgs de certaines villes du Sud sont connus pour leurs diverses relations avec les pays du Sahel africain. Les citernes et autres contenants sont éminemment indiqués pour ramener des larves d'anophèle. Il suffit parfois d'une petite flaque d'eau pour abriter et maturer les larves et nymphes de moustique.
Les services de santé d'une autre cité du Sud, qui a connu une petite flambée l'année dernière, devraient se prémunir de telles assertions. S'il n'y pas une notion de voyage récent en zone d'endémicité, il n'y a pas lieu d'invoquer l'importation de cas. Cette propension à montrer du doigt le voisin entame la vigilance et conduit inéluctablement à un leurre de sécurisation sanitaire, dont les conséquences ne peuvent être que dommageables. Ce sont parfois la suffisance professionnelle et l'absence d'humilité qui nous mènent droit à la débâcle. On aura toujours le beau rôle en jetant l'anathème, sur d'autres parties en lice ou en stigmatisant le comportement incivique du citoyen. Ce citoyen informé ne pourra que mieux se comporter devant la maladie, tout comme devant toute calamité naturelle, aussi ravageuse soit-elle ! Selon les experts en la matière, le monde devra faire face dorénavant, non seulement au paludisme, mais à la tuberculose et au VIH/sida. Ce dernier syndrome participe activement à la destruction des barrières immunologiques naturelles contre les premières citées et bien d'autres maladies encore.
(*)Coordinateur principal du programme GFATM Algérie *
GFATM : Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
(1) Le paludisme Encarta Microsoft page 11/ paludisme.


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