« Le problème des mères célibataires est d'abord social avant d'être financier. » Selon Nassera Merah, chercheure universitaire féministe, l'annonce du ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, de verser une aide à toute mère biologique qui viendrait récupérer son enfant ne règlera pas le problème des enfants illégitimes. « Certaines de ces mères travaillent et pourraient très bien élever leurs enfants alors que d'autres, mariées, ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins. Existe-t-il pour autant une aide pour ces dernières ? Non. » D'après le ministère, 3000 enfants naîtraient hors mariage chaque année. « Un chiffre en deçà de la réalité, commente Nassera. Car on ne recense que les femmes qui accouchent dans les hôpitaux. » Pour la sociologue, « il faudrait d'abord que ces mères soient prises en charge psychologiquement. Car, en plus de l'abus dont elles ont été victimes, elles vivent un réel traumatisme : l'avortement leur est interdit, elles seront moralement brutalisées lors de l'accouchement, leur enfant va être déclaré illégitime, et elles culpabiliseront de l'abandonner. Contrairement à ce que la société veut nous faire croire, ce ne sont pas des dévergondées ou des prostituées. La plupart du temps mineures, elles sont victimes de viols incestueux. Ou se sont faites avoir par un homme qui leur a promis le mariage. » L'universitaire préconise ensuite une reconnaissance juridique et administrative « à ces enfants qui n'existent pas ». Pour elle, si la société créait autrefois les conditions – en cachant la grossesse de la future mère, en la faisant accoucher secrètement puis en déclarant une adoption – pour protéger les enfants, plus rien ne les met aujourd'hui à l'abri. « Mais ce sont les politiques volontaristes qui font bouger les choses dans ce domaine. » Faut-il voir dans les déclarations du ministre sur « l'importance du travail pédagogique et psychologique dans le recul des tabous sur ce phénomène », un début de cette politique volontariste ? « C'est peut-être un début, admet-elle. Mais nous devons sortir de l'hypocrisie sociale et institutionnelle : la plupart des mères célibataires n'ont pas choisi de l'être. »