Dans les milieux du cinéma, il suffisait de dire Pontecorvo pour qu'on évoque aussitôt La Bataille d'Alger, sur lequel le réalisateur italien a eu pour proches collaborateurs Yacef Saâdi, France Solinas (scénario), Marcello Gatti (photo), Ennio Morricone (musique). La Bataille d'Alger a décroché le Lion d'or de la Mostra de Venise (1966). La même année aussi : trois nominations aux Oscars. Interdit en France, le film a fait le tour du monde. Tout le monde a cru que c'était un documentaire d'actualités en raison de son très puissant réalisme des images tournées caméra sur l'épaule et les dialogues. Gillo Pontecorvo racontait qu'à Los Angeles, quand il est allé présenter le film, beaucoup est de gens lui ont dit de mettre sur l'affiche : «Dans ce film, il n'y a pas un mètre de pellicule provenant de document d'actualité.» Sinon, les Américains verraient le contraire. Ce film est devenu un «film-culte». En 1964, Yacef Saâdi, héros de La Bataille d'Alger, monte sa compagnie Casbah-films. Il écrit ses souvenirs. Il contacte Francesco Rosi, Luchino Visconti et Gillo Pontecorvo pour voir si l'un d'eux est intéressé par une coproduction algéro-italienne. Pontecorvo, Solinas et Morricone se sont finalement montrés intéressés. C'est le début d'une grande aventure…dans laquelle, Yacef Saâdi jouera son propre rôle, Brahim Hadjadj, le célèbre Ali La pointe et Jean Martin, un grand acteur français, signataire du fameux Manifeste des 121, sera chef des paras. Surprise, en 2003, quand les Etats-Unis envahissent l'Irak, le Pentagone montre La Bataille d'Alger à ses généraux. En Irak, en effet, les Américains font face à une résistance très vive, une vraie insurrection. Le Pentagone cherchait à étudier les méthodes de la guérilla urbaine du FLN à Alger. Le 7 septembre 2003, The New York Times écrit : «Ce film donne une vison historique de la conduite des opérations de l'armée française et sa présentation au Pentagone vise à provoquer une discussion informée sur les défis auxquels les Français ont dû faire face.» En 2004, Yacef Saâdi accompagne le film aux Etats-Unis, où sa sortie triomphale (copie restaurée) dans les plus grandes villes a rapporté plus de 500 000 dollars de recettes. Mort à 87 ans, Gillo Pontecorvo est l'auteur aussi de fictions remarquées pour leurs thèmes politiques et historiques : Kapo, Queimada (avec Marlon Brando), Ogro… Ce n'est qu'en 2004 qu'on a autorisée la sortie du film en France, après sa projection au Festival de Canne, quarante ans après son tournage.