La stratégie industrielle semble s'appuyer sur une démarche pragmatique qui s'appuie sur une approche par filière et sur «une politique d'encouragement des industries de substitution à l'importation, avec en parallèle le développement d'une industrie orientée vers l'exportation», dit-on (1). En d'autres termes, nous pouvons constater la rupture avec les modèles volontaristes qui ont trouvé un champ d'application et d'expérimentation dans les pays en voie de développement, dont l'Algérie, lors de la décennie 1970 et qui ont été soldés par des échecs. Aujourd'hui, il semble que la politique de développement économique s'appuie sur une démarche pragmatique qui tient compte des spécificités et des caractéristiques économiques, sociales et naturelles, mais aussi des caractéristiques de l'économie à l'échelle mondiale. Une démarche qui s'appuie sur des diagnostics détaillés, mais aussi sur des logiques marchandes qui permettent de mettre la lumière sur les points forts et les points faibles ouvrant la voie à l'identification des créneaux à promouvoir ou à encourager pour s'imposer sur le marché et garantir des résultats. Cependant, la bataille du développement ne s'arrête pas à l'élaboration de la stratégie, mais devra se poursuivre par la mise en œuvre et le suivi, qui font généralement défaut dans les pays en voie de développement, et qu'il faudra améliorer par une meilleure performance de la composante humaine, qui se charge de la mise en application de ces stratégies sur le terrain. Mais qu'en est-il de la démarche adoptée pour concrétiser la stratégie de développement agricole ? Tout d'abord, il faut rappeler que l'agriculture algérienne a été, depuis l'indépendance, instrumentalisée à des fins idéologiques, politiques, sinon, elle a évolué sous la contrainte des institutions financières internationales dans une conjoncture particulièrement délicate et difficile. Ou encore, une politique de développement agricole motivée et argumentée par le problème de l'exode rural et agricole engendré par une situation sécuritaire défavorable. Cette dernière politique a tout de même fait un bond qualitatif dans le sens d'une démarche qui ne tient plus compte du statut juridique et qui met l'exploitation au centre des préoccupations. Cependant, cette démarche a montré tout de même des limites, même si des résultats positifs ont été enregistrés. Aujourd'hui, il semble indispensable de rajouter à la stratégie du développement agricole la question de la composante humaine qui doit se placer au centre des préoccupations. Mis à part la question de la qualification, il est incontournable désormais de distinguer définitivement l'exploitant du propriétaire foncier, mais aussi, il faut se positionner clairement sur la situation ambiguë, -il faut le dire- des attributaires qui se transforment en rentiers sur une terre qui appartient au peuple. Une démarche organisationnelle au service d'une stratégie qui vise une amélioration des interventions publiques, par des subventions notamment. Cette démarche pourra conduire à l'amélioration de la performance, privilégiant le critère de la professionnalisation, la modernisation des techniques et l'ambition pour des exportations de plus en plus importantes. Autant de facteurs qui ne sont pas faciles à concrétiser, mais qui consolident l'agriculture dans sa composante humaine et dans le sens d'un développement agricole durable. Par ailleurs, si nous devons penser la relation entre la stratégie de développement industriel et agricole, nous devons dire que le développement industriel ne doit ni se substituer ni concurrencer le développement agricole. L'Algérie est un pays foncièrement agricole et penser le contraire serait inadéquat et étrange dans la mesure où la logique ne peut sacrifier une économie répondant à un besoin fondamental de l'homme, l'alimentation par une économie répondant à des besoins utiles peut-être, ou pas souvent, à des aspirations nouvelles, mais qui se situent sans aucun doute loin derrière le besoin vital qui est celui de l'alimentation. Nous ne pouvons sacrifier le bon sens par l'envie ou la volonté d'évoluer dans un sens qui ne tient pas compte de notre réalité et de nos vulnérabilités. Il faut rappeler cependant que les pays industrialisés sont généralement de grands pays agricoles, à titre d'exemple les Etats-Unis et la France, et que les pays industrialisés les moins développés en agriculture sont tout simplement limités par des contraintes naturelles, climatiques ou édaphiques (liés au sol), tels que le Japon, l'Angleterre ou l'Allemagne. Il faut aussi rappeler que ces mêmes pays ont pu asseoir dans le passé une industrie à partir du surplus dégagé par l'agriculture, qui a joué le rôle moteur dans le développement économique et social. Par ailleurs, en Algérie, le modèle des industries industrialisantes a été certes conçu pour permettre, dans une phase ultérieure, la modernisation du secteur agricole, mais en réalité, celui-ci s'est faite à son détriment, engendrant des effets négatifs aussi bien dans la consommation des terres agricoles les plus fertiles que par rapport à l'exode rural et agricole qui a laissé des séquelles et des plaies ouvertes dans ce secteur, portant préjudice à l'équilibre économique et social. Cependant, l'Algérie dispose aujourd'hui d'une expérience précieuse en matière de développement qu'il faut exploiter avec raison et intelligence pour donner plus de chances de succès aux nouvelles politiques. L'auteur est : Enseignant universitaire (1) El Watan, 11 octobre 2006 : Nouvelle stratégie industrielle algérienne