C'était prévisible que l'administration sorte la grosse artillerie, mais l'on ne savait pas qu'elle pouvait être aussi agressive. Au-delà de la confiscation flagrante des médias publics, le pouvoir a voulu étouffer toute voix discordante capable de le mettre à mal en influant sur le taux de participation et d'encourager l'abstention qui l'empêche de dormir. Dès le coup d'envoi de la campagne électorale, le ton a été donné pour faire taire l'opposition démocratique, et c'est le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales qui a ouvert les hostilités par la déclaration suivante, qui a été reprise à l'époque par notre confrère El Khabar : « Seules les activités qui s'inscrivent dans la campagne seront autorisées », disait-il, avant de se raviser en mettant au défi de trouver un auditoire les partis d'opposition, entre autres le FFS. Mais si Nourredine Zerhouni a tenté de rectifier le tir, c'est parce que cela passait mal, mais la réalité a prouvé le contraire, l'interdiction a été bel et bien maintenue. La formation de Hocine Aït Ahmed a même été empêchée de faire campagne. Elle s'est vu refuser des salles pour tenir ses meetings. Le FFS réussira tout de même à briser le mur du silence en imposant trois marches populaires à Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa, et ce, au lendemain de la visite du président-candidat dans la région. Mais si de telles manifestations étaient possibles en Kabylie, dans les autres régions du pays, la chape de plomb n'a pas été levée. La preuve : le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui a essayé deux jours durant de briser cette chape de plomb a été sévèrement réprimé. Ses militants, à leur tête le président du parti, Saïd Sadi, ont été empêchés de sortir des sièges du RCD à El Biar et à Didouche Mourad. Pourtant aucune loi n'interdit à un parti politique de faire campagne pour le boycott quand bien même on peut faire valoir l'interdiction qui frappe l'organisation des marches dans la capitale, dont rien d'ailleurs, ne justifie le maintien. L'important déploiement des forces de répression contre une activité d'un parti politique légal montre à quel point peut aller l'entêtement d'un pouvoir décidé à faire table rase des acquis démocratiques. Donc, parallèlement à la fermeture des médias lourds, surtout à l'expression plurielle, le pouvoir a jugé utile de serrer les vis autour des activités politiques de proximité. Il manquait juste un pas à franchir pour remettre en cause l'existence même des partis d'opposition. Seules les formations qui apportent leur caution au candidat-président sont tolérées. En réalité, la campagne électorale, qui s'est achevée hier, est la plus féroce depuis l'avènement du pluralisme politique en Algérie. La plus fermée aussi. La compétition n'a pas opposé entre eux des concurrents au strapontin d'El Mouradia, mais entre élire un président qui a garanti un troisième mandat en révisant la Constitution le 12 novembre dernier, et qui est à la recherche d'un fort taux de participation, et l'abstention. C'est le spectre de cette abstention qui fait tant peur au pouvoir au point de le rendre frileux et allergique à toute manifestation de l'opposition.