Les “onze” ont conditionné leur participation éventuelle à la présidentielle par la satisfaction d'une liste d'exigences parmi lesquelles le départ du gouvernement Ouyahia et le contrôle du scrutin par une instance indépendante. C'est une déclaration sous forme de mise en garde. Le texte, adopté, hier, par onze personnalités politiques algériennes, se lit d'abord comme un procès contre le pouvoir absolu incarné depuis presque cinq années par Abdelaziz Bouteflika. Ensuite, comme une feuille de route pour l'organisation d'une élection présidentielle propre et transparente. Réunir un tel panel autour de deux idées forces, dénoncer les abus d'une équipe au pouvoir et proposer des mécanismes pour une transition démocratique sont à l'évidence une première dans les annales de la politique en Algérie. On sait maintenant que le consensus a été laborieux. Très laborieux dans la mesure où il ne fallait pas donner l'impression de s'attaquer à la personne de l'actuel chef de l'Etat. Il fallait donc mettre en pointillé et en exergue les carences de la gestion de Bouteflika. Cinq constats accablent le mandat de ce dernier : transgression des principes constitutionnels, instrumentation de la justice, vassalisation de l'administration, atteinte au pluralisme politique et confiscation des médias audiovisuels. Le procès contre Bouteflika est sans appel. Mais au-delà de la mise en accusation, les “onze” personnalités proposent et surtout posent leurs conditions. Trois conditions essentielles pour garantir un scrutin libre, transparent et honnête. Il est impératif que le gouvernement d'Ahmed Ouyahia cède la place à un “cabinet intérimaire consensuel”. Ici réside sans doute la clé du scrutin. À maintes reprises, par la voix du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, l'équipe au pouvoir a fait savoir qu'elle ne veut absolument pas céder à une telle exigence. C'est le gouvernement encore en exercice qui aura à gérer le vote, soutient-elle. Dans la bouche de Zerhouni, la phrase est claire et nette : “Au soir du scrutin, je me vois mal annonçant la victoire de quelqu'un d'autre que Bouteflika”, avait-il déclaré il y a quelques semaines. Le parti pris est flagrant. Trop flagrant pour laisser indifférent. L'opposition n'allait pas tarder à se faire entendre. Non seulement l'Exécutif d'Ouyahia doit être mis en touche mais il est plus que nécessaire de créer une instance neutre pour superviser le déroulement et le contrôle du vote. Sans cela, point de garantie contre la fraude déjà annoncée. Cela suffira-t-il à empêcher que l'équipe de Bouteflika ne traficote les résultats ? Là intervient le troisième garde-fou réclamé par les “onze”. Il faut, disent-ils, protéger les “acteurs politiques et sociaux” ainsi que les “cadres qui refusent l'allégeance” contre les abus de l'administration. Tout compte fait, ce que proposent les “onze” n'est rien d'autre qu'une charte qui plaide pour le choix libre et souverain des citoyens. Cette déclaration ne consiste donc pas en l'énumération de dispositions purement techniques à même d'assurer une élection mais elle propose des balises. Celles qui garantissent l'alternance au pouvoir. Une charte sous forme de mode d'emploi de la bonne gouvernance. Reste à savoir deux choses fondamentales. L'attitude du chef de l'Etat face à cette initiative et la position de l'armée. Une chose est sûre : Bouteflika veut arracher coûte que coûte un second mandat. À voir de quelle manière il entreprend ses tournées à l'intérieur du pays, et plus que cela, sa propension à vouloir à tout prix asservir les institutions de la République, il y a fort à parier qu'il ne tiendra pas compte de cette initiative. Normal : une telle charte est assurément incompatible avec son attachement viscéral au pouvoir personnel. Quid des militaires ? Neutres ? Ou neutralisés ? Les jours à venir nous le diront. F. A.