A la faveur de la politique volontariste des pouvoirs publics pour promouvoir l'économie de marché, l'Algérie a adopté l'arbitrage international en instituant un cadre juridique adéquat en la matière. Ce cadre juridique est constitué notamment par le décret législatif n°93-09 du 25 avril 1993, modifiant et complétant le code de procédure civile. Un nouveau chapitre y a été inséré, intitulé «Des dispositions particulières à l'arbitrage commercial international». Ces dispositions font l'objet des articles 458 bis à 458 bis 28 du code précité. – Approche d'une définition L'arbitrage international connaît des différends se rapportant à des intérêts du commerce international. Une des parties au moins, personne physique ou morale, doit avoir son domicile ou son siège à l'étranger. Cette définition, consacrée par le législateur algérien et qui s'apparente à celle retenue par les pays ayant adopté ce mode de règlement des litiges depuis longtemps, notamment la Suisse et la France, se base sur l'existence d'un contrat mettant en jeu des intérêts inhérents au commerce international, d'où l'application de deux critères : le critère géographique et le critère économique. Ces deux critères supposent respectivement l'existence de relations commerciales entre opérateurs de deux pays différents et les intérêts y découlant doivent se rapporter au commerce international. La convention d'arbitrage se distingue du compromis. En effet, si ce dernier intervient postérieurement à la naissance d'un litige entre des parties signataires d'un contrat commercial, la convention d'arbitrage, elle, est souvent négociée et insérée dans ce contrat sous forme d'une clause compromissoire. En vertu de cette clause, les parties s'engagent à soumettre leurs litiges éventuels, découlant de l'interprétation des clauses du contrat commercial les liant, à l'arbitrage. Bien qu'insérée dans le contrat international, la clause compromissoire ou le contrat d'arbitrage jouit d'une autonomie. Les dispositions de l'article 458 bis I du code de procédure civile prévoit expressément la forme écrite de la convention d'arbitrage. Quant aux conditions de fond, le législateur algérien les considère réunies dès lors que la convention est conforme aux règles posées par le droit choisi par les parties, le droit régissant l'objet du litige ou le droit algérien. Il est donc clair que le droit algérien laisse la liberté aux parties de choisir les règles juridiques en vertu desquelles doit être appréciée la convention d'arbitrage, adoptant ainsi le principe universel de l'autonomie de la volonté. En effet, l'application du droit régissant l'objet du litige, notamment celui applicable au contrat principal, où le droit algérien, n'est qu'une solution alternative. Cependant, il est difficile de faire application du droit algérien quand l'instance arbitrale se tient à l'étranger. Aussi, la solution qui consiste à adopter l'application de la législation algérienne comme alternative est contestable dans la mesure où elle atténue le principe de liberté qui caractérise la convention d'arbitrage. En signant la convention, les parties peuvent opter pour l'une ou l'autre des formes d'arbitrage : l'arbitrage ad hoc ou l'arbitrage institutionnel. L'arbitrage ad hoc consiste pour les parties à organiser elles-même la constitution et l'organisation du tribunal arbitral qui aura à trancher le litige et déterminer les modalités de délibération et d'exécution de la sentence arbitrale. Quant à l'arbitrage institutionnel, il se déroule selon les modalités d'organisation du centre de règlement choisi, qui peut être le centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), la Chambre de commerce international, etc. – Domaine d'application de l'arbitrage international L'article 1er du décret législatif du 25 avril 1993 précité, abrogeant et remplaçant l'article 442 du code de procédure civile, définit le domaine d'application des conventions d'arbitrage. Les personnes physiques ou morales peuvent compromettre sur tous les biens dont elles ont la disposition. Sont exclus les obligations alimentaires, les droits successoraux, de logements, l'état et la capacité des personnes ainsi que les questions d'ordre public. – Les juridictions étatiques et le tribunal arbitral A la lumière des dispositions de l'article 458 bis 8, alinéa 2 du code de procédure civile, il apparaît que la convention a pour effet de dessaisir le tribunal étatique uniquement quand une des parties a saisi le ou les arbitres désignés par la clause compromissoire, ou engagé la procédure de constitution du tribunal arbitral. L'incompétence du tribunal étatique n'est cependant pas subordonnée à l'engagement de la procédure devant le tribunal arbitral. En effet, le juge étatique saisi doit renvoyer les parties à mieux se pourvoir, donc à l'arbitrage, en présence d'une convention. C'est ce qui ressort de l'article 2-3 de la convention de New York du 10 juin 1988 à laquelle l'Algérie a adhéré. En application du principe de la prééminence des conventions internationales sur le droit interne, il est permis d'affirmer que le juge étatique doit se dessaisir en faveur du tribunal arbitral dans tous les cas. Si le juge étatique ne se dessaisit pas, il appartiendra alors à la partie défenderesse de soulever son incompétence à titre in limine litis, c'est-à-dire avant toute défense au fond. A défaut, cette partie sera considérée comme ayant approuvé la compétence du tribunal étatique et renoncé à la convention d'arbitrage. Le rôle du tribunal étatique n'est cependant pas insignifiant en matière d'arbitrage international. En effet, il peut intervenir pour régler les difficultés liées à la constitution du tribunal arbitral, prendre des mesures conservatoires d'urgence ou apporter son concours à l'administration de la preuve ou encore à l'exécution de la sentence arbitrale – La constitution du tribunal arbitral La constitution de la juridiction arbitrale peut s'effectuer par la désignation d'un seul arbitre comme d'un collège arbitral. Mais compte tenu des intérêts en jeu, les parties favorisent souvent la collégialité qui leur permet de désigner chacune un arbitre. Ces arbitres doivent bien entendu avoir une bonne connaissance des règles de droit applicables au fond du litige. Pour éviter un conflit d'intérêts, les arbitres ne doivent pas avoir avec l'une ou l'autre des parties des liens économiques directs ou par personnes interposées. Ces arbitres doivent accepter de manière expresse leur désignation. L'article 458 bis 2 alinéa 1er laisse l'entière liberté aux parties de désigner les arbitres si elles optent pour l'arbitrage ad hoc. Dans la mesure où elles optent pour l'arbitrage institutionnel, la désignation se fera selon le règlement de l'institution permanente. Les parties ont cependant la liberté de recruter les arbitres hors des listes constituées par cette institution, le Centre international de règlement des différends internationaux (CIRDI), les Chambres de commerce franco-arabes, etc. C'est en effet en l'absence d'accord entre les parties que les institutions saisies du litige procèdent à la désignation des arbitres selon les règles les régissant. Il arrive parfois qu'interviennent des désaccords liés à la constitution ou au fonctionnement de la juridiction arbitrale. En pareil cas, l'article 458 bis 2 alinéa 2 permet aux parties de solliciter le juge étatique compétent. Cette faculté n'est cependant possible que lorsqu'elles ont convenu d'un arbitrage ad hoc. Cette intervention supplétive du juge étatique n'est donc pas permise si les parties ont opté dans leur convention à l'arbitrage institutionnel. – Droit applicable à la procédure arbitrale et au fond du litige et déroulement de l'instance Dès la saisine du ou des arbitres désignés dans la convention ou l'engagement de la procédure de constitution du tribunal arbitral, on est en présence d'une instance arbitrale. Se posent alors les questions de savoir quel est le droit applicable à la procédure et au fond du litige. Le droit procédural applicable résulte du choix des parties. Il peut être déterminé par le tribunal arbitral, à défaut de convention entre ces dernières. Le législateur laisse également la liberté aux parties de choisir le droit applicable au fond du litige. Le tribunal arbitral intervient de manière supplétive quand ce choix n'a pas été effectué par les signataires de la convention. Le déroulement de l'instance arbitrale est prévu notamment par les dispositions de l'article 458 bis 9 et 10 du code de procédure civile. Il en est ainsi de l'administration de la preuve et des mesures conservatoires pouvant être prises par le tribunal arbitral. Cette juridiction peut solliciter l'intervention du juge étatique pour les difficultés relatives au déroulement de l'instance. – La sentence arbitrale La dernière étape de la procédure est la sentence arbitrale. A défaut de convention en la matière, la sentence arbitrale est rendue soit par le juge unique soit à la majorité, lorsque le tribunal arbitral est constitué de plusieurs arbitres. Même si cette majorité suffit à la sentence pour produire ses effets, le tribunal arbitral recherche souvent l'unanimité pour faciliter son exécution. La sentence est définitive, dès lors que le litige est solutionné au fond. Elle acquiert ainsi l'autorité de la chose jugée. Dans la mesure où la sentence règle seulement les questions des mesures d'instruction ou provisoires et d'exception de compétence, elle a un caractère préliminaire. On utilise pour qualifier cette catégorie de sentences, les notions de sentences interlocutoires ou provisoires, partielles, etc. L'article 458 bis 12 du code de procédure civile prévoit également la sentence d'accord-parties. Cet accord a pour finalité de confirmer une transaction sur le fond du différend. La sentence arbitrale doit évidemment répondre à l'exigence de motivation. Elle doit être écrite et signée par les parties. Une fois rendue, la sentence arbitrale est exécutoire à l'égard des parties. S'agissant d'une sentence approuvée en général par ces dernières, son exécution s'effectue de manière volontaire. A défaut, elle peut être ordonnée dans le cadre de la procédure de l'exequatur, et ce en vertu de l'article 458 bis 17 du code de procédure civile. Le juge de l'exequatur compétent est celui du ressort duquel la décision a été rendue. En d'autres termes, la compétence de ce juge est appréciée en prenant en considération le lieu de situs du tribunal arbitral. – Les voies de recours à l'égard des sentences arbitrales La décision qui accorde l'exécution de la sentence est susceptible d'appel dans certains cas prévus par l'article 458 bis, 23 du code de procédure civile. Ainsi en est-il, lorsque le tribunal s'est déclaré à tort compétent ou incompétent, prononcé sans convention ou sur convention nulle, irrégularités constatées dans la constitution du tribunal arbitral ou de l'arbitre unique, sentence non motivée ou insuffisamment motivée et reconnaissance ou exécution non conforme à l'ordre public international. De plus, la sentence peut faire l'objet d'un recours en annulation dans les cas précités. Le recours exercé dans le délai est suspensif. En outre, les décisions rendues sur demande en annulation de la sentence arbitrale sont susceptibles d'un pourvoi en cassation. Ce mode de règlement des différends liés au commerce international a donc été consacré pour la première fois en Algérie par le décret législatif n°93-09 du 25 avril 1993. Cette consécration est le fruit d'une évolution positive dans la perception des problèmes liés au commerce international. En effet, la promotion de l'investissement et des échanges commerciaux avec les partenaires étrangers ne peut pas se concevoir sans un cadre juridique adéquat, permettant à ces derniers de faire valoir leurs droits en cas de litiges. L'ordonnance du 20 août 2001 relative au développement de l'investissement, modifiée et complétée par celle du 15 juillet 2006 prévoit d'ailleurs qu'en présence d'une convention bilatérale ou multilatérale relative à l'arbitrage, la juridiction compétente pour trancher le différend est celle désignée par les clauses y afférentes. En outre, les accords relatifs à la promotion et à la protection des investissements étrangers conclus avec certains pays ont conforté ce procédé de règlement des différends. Sur le plan du droit conventionnel multilatéral, il convient de signaler également que l'Algérie a ratifié la convention de New York du 10 juin 1988 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères et approuvé la convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le centre de règlement des différends en matière d'investissements. L'élaboration d'une convention d'arbitrage n'est cependant pas une fin en soi. La pratique de ce procédé de règlement des litiges montre parfois que les conventions y afférentes recèlent des imperfections graves au point où l'on parle de «clauses compromissoires pathologiques». Le choix judicieux des négociateurs du contrat commercial, de la convention d'arbitrage et du ou des arbitres est à ce titre primordial. SELARL BOZETINE, AMNACHE, HALLAL Avocats au Barreau de Paris