Des espèces en voie de disparition en pâtissent fréquemment, prises de surcroît dans des pièges pour le moins cruels. Le plus commun d'entre eux reste le collet (ch'raki), une sorte de nœud coulant, très résistant, conçu au moyen de câbles de frein, dont l'efficacité est absolument redoutable. Un support, que d'aucuns assimilent, au demeurant, à une arme, parce que «non sélectif dans son principe de fonctionnement», dénonce Karim, un habitant du village de Fénaïa, révolté par les proportions prises par ce phénomène, étendu quasiment à tout l'espace, regroupant Fénaïa, Tifra et Taourirt-Ighil. «Des chiens, des agnelets, des chevreaux et même des bergers en ont déjà fait les frais» se lamente Ahmed, visiblement échaudé, par la réminiscence d'un vieux souvenir, celui d'un marcassin, retrouvé agonisant dans son piège, avec un membre presque sectionné à force de se débattre. Pour l'heure, aucun drame n'a été signalé. La gendarmerie, du moins, n'a pas eu à traiter de cas de personnes ayant été victimes d'une trappe. En revanche, l'unité de conservation et de développement de la flore et de la faune de Béjaïa (UCD) reste préoccupée par l'expansion de cette pratique qui ne cesse de diversifier ses techniques et qui attire de plus en plus d'adeptes. De la glu posée sur les arbres et les rameaux aux filets, nasses et assommoirs, on en est passé à des modes cynégétiques plus néfastes, dont les pièges à mâchoires ou à lacets, réputés faire plus de dégâts. Résultat, selon l'UCD, une dizaine d'espèces est menacée dont l'étourneau unicolore, qui a littéralement disparu, le chardonneret, dont on ne voit la trace que dans les marchés clandestins d'oiseaux à l'exemple de celui des Babors, au centre-ville de Béjaïa, la tortue terrestre et le milan noir. Le porc-épic et l'hérisson sont logés à la même enseigne de prédation, étant devenus, de plus, des symboles de bravoures d'une catégorie de «chasseurs» qui, pour frimer, n'hésitent pas à s'adonner à des parades publiques avec leur prise. «Le spectacle est fréquent à El Kseur», se désole M. Amara, ingénieur à l'UCD, visiblement frustré de ne pas disposer de moyens (légaux et matériels) pour stopper cette frénésie insouciante, car, précisera-t-il, «la plupart des piégeurs ne connaissent pas la loi, encore moins la valeur de leur prise. Ils agissent par ignorance.» Quelle parade alors ? Manifestement, en dehors des instruments juridiques existants, notamment la loi du 14 août, relative à la chasse, qui punit d'amendes (10 000 à 100 000 DA) et d'emprisonnement (2 à 6 mois), seule la réouverture de la chasse est en mesure de mettre de l'ordre, selon un avis unanime. «Les animaux les plus couramment ciblés sont le sanglier, le lapin et la perdrix. Beaucoup de pièges disparaîtront par eux-mêmes si on venait à relancer la chasse au fusil», dira, un ancien chasseur, à l'évidence pressé de retrouver son loisir. La direction des forêts, engagée en premier chef, au- delà de son action quotidienne mais seulement diurne, consistant en la destruction systématique des pièges, «s'efforce surtout d'éduquer les ‘'chasseurs-piégeurs'' et de leur imposer des règles», indique un de ses responsables, M. Houari, qui mise sur un «sursaut de conscience» des mis en cause. «Des conférences et des campagnes de sensibilisation sont régulièrement organisées pour inciter les chasseurs à un changement d'attitude», précisera-t-il.