Les pouvoirs publics ont engagé ces dernières années d'importantes réformes du secteur des assurances à l'instar des autres secteurs. De nouvelles dispositions ont été introduites visant : ” à renforcer le caractère ouvert du marché ” à stimuler l'activité d'assurance en introduisant notamment de nouveaux canaux de distribution des produits d'assurance et en prévoyant un nouveau dispositif institutionnel pour la promotion des souscriptions en assurances de personnes. ” à réorganiser la mission de contrôle sur les Sociétés d'assurance en introduisant de nouveaux outils. ” au renforcement de la sécurité financière et de la gouvernance des Entreprises En effet, la Loi promulguée en février 2006 peut être considérée comme étant le produit d'un état des lieux réalisé par rapport aux pratiques ayant caractérisé l'activité d'assurance sous l'empire de l'ordonnance 95/07. Cet ensemble de mesures tient compte en fait des insuffisances constatées tant par les assurés que par les opérateurs, voire même par les autorités, et auxquelles il était impératif d'y remédier. La mise en concurrence des Sociétés d'assurances dès 1995 par la libéralisation du marché avait pour objectif d'en finir avec les monopoles et d'ouvrir l'activité à de nouveaux intervenants à l'effet de mettre à la disposition des consommateurs d'assurance des prestations de qualité. Malheureusement, et il faut le dire, les insuffisances ainsi que les aspects négatifs liés à cette ouverture ont pris le dessus sur les retombées positives attendues. La concurrence s'est faite quasi essentiellement sur les tarifs ; chacun des intervenants voulant préserver sa part de marché ou en conquérir de nouveaux clients. Pour se faire, la sous-tarification des risques était devenue l'unique moyen. Cette pratique a eu pour conséquence directe la baisse des marges techniques enregistrées quand elles n'étaient pas négatives. La chute drastique de rémunération des placements financiers a encore aggravé la situation des Sociétés d'assurances qui commençaient à afficher des taux de rémunération du capital inférieurs à 3%. Après douze années d'activité dans un contexte d'ouverture, le secteur des assurances en Algérie continue à souffrir d'insuffisances structurelles qui le mettent en inadéquation avec les résultats escomptés. On connaît son faible taux de pénétration dans l'économie (moins de 2%, alors que la moyenne mondiale est d'environ 8%), ainsi que le taux moyen de cotisation annuelle par habitant, soit moins de 16 dollars US ; c'est-à-dire 3 fois moins qu'au Maroc et 4 fois moins qu'en Tunisie, pays voisins. Les assurances de capitalisation, notamment les produits d'assurance vie, pourvoyeurs d'épargne restent très peu développés (moins de 8% du chiffre d'affaires global du secteur) Manque de formation L'autre constat relève du manque de formation dans le secteur. En effet, il n'existe aucune structure nationale de formation à même de dispenser un enseignement dans la spécialité assurance, à l'exception de quelques formations ponctuelles auprès d'instituts qui ont souvent du mal à trouver des enseignants dans la filière. Le marché des assurances en Algérie a enregistré en 2005 environ 42 milliards de DA. Ce chiffre d'affaires ne représente en fait que 0,6 % du produit intérieur brut. Ce rapport, exprimant le taux de pénétration de l'assurance, est d'environ 8 % en Europe et se situe entre 2 et 3% au Maghreb. Cette faiblesse de couverture, en dépit des énormes potentialités que recèle l'économie nationale en termes de patrimoine assurable, peut être expliquée par trois raisons essentielles : – Faiblesse de la monnaie nationale par rapport aux monnaies fortes telles que le dollar ou l'euro ; – Sous estimation volontaire ou involontaire des valeurs des biens en assurances dommages – Manque, voire absence de communication et de vulgarisation des produits d'assurance offerts part les compagnies d'assurance ; – Faiblesse du rôle de conseil que devrait jouer les assureurs et surtout les intermédiaires, notamment les courtiers. Il y a lieu d'espérer qu'à la faveur des dispositions de la nouvelle Loi sur les assurances, promulguée en Février 2006, un accroissement de la demande d'assurance, d'autant que la multiplication prévisible des opérateurs va développer la demande de prise en charge des besoins en assurances, notamment les assurances vie. Avec un réseau de 700 agences (dont 400 Agents Généraux et 17 courtiers), les opérateurs actuels sont en faible nombre par rapport à la demande potentielle. Les sociétés d'assurances publiques s'accaparent aujourd'hui plus de 70% marché, il n'y a que très peu de capitaux étrangers (3 Compagnies à capitaux étrangers majoritaires et 4 Compagnies à capitaux privés nationaux). La possibilité donnée désormais aux Sociétés d'assurances étrangères de créer des succursales en Algérie ne manquera pas d'insuffler à la profession une nouvelle dynamique par le transfert du savoir faire et surtout de la façon de manager dont notre activité a fortement besoin. Néanmoins ces Sociétés vont elles venir s'installer seules ou en recherchant des partenaires locaux à travers des prises de participations ? La réponse à la question semble difficile dans le contexte actuel. L'hypothèse de voir les assureurs étrangers se bousculer pour s'établir en Algérie à l'image de ce qui s'est fait dans le domaine bancaire semble peu probable, du moins dans l'immédiat. Notre marché a d'abord besoin d'un assainissement par : ” Le retour à l'orthodoxie de l'assurance et la réhabilitation d'une conduite fondée sur la prudence ; ” La multiplication des actions de formation et la création d'école spécialisées dans les métiers de l'assurance, de l'actuariat et du management ; ” La mise en œuvre d'actions visant à créer les conditions du retour à l'équilibre de la branche automobile; ” La promotion d'une concurrence saine basée sur la qualité de service et le professionnalisme ; ” Le règlement, dans des délais raisonnables, des indemnités d'assurance ” L'innovation en matière de solutions assurantielles au profit des industriels, ménages, etc..… Un autre aspect est relevé dans la faiblesse des résultats. Il s'agit des déficits techniques enregistrés notamment dans l'ensemble des branches et plus particulièrement dans la branche automobile, qui représente à elle seule près de 62% des dettes techniques du secteur. La cadence moyenne fait ressortir que sur 5 dossiers sinistres déclarés dans l'année seulement 3 sont réglés durant le même exercice. Un nombre effarant de dossiers sinistres restent encore en instance de règlement. Etant un produit de large consommation, doublé d'une obligation d'assurance, les assureurs le considèrent comme un produit d'appel à d'autres produits et développent ainsi une concurrence acharnée allant jusqu'à proposer des prix de prédation défiant toute concurrence, alors même que la prime fixée par l'Autorité sur l'assurance automobile obligatoire ne dépasse guère en moyenne 10 à 12 euros. En Tunisie par exemple, elle est de 60 Euros. Les assureurs devraient s'organiser rapidement dans le cadre de leur Association afin de prendre les mesures nécessaires pour rééquilibrer cette branche et d'éviter ainsi un risque systémique préjudiciable à l'ensemble du secteur. Par ailleurs, il est à signaler que le chiffre d'affaires du secteur enregistre depuis 10 ans une augmentation annuelle régulière moyenne de + 15%. Cette augmentation ne reflète malheureusement pas la bonne santé du secteur mais plutôt due, d'une part, à l'augmentation significative des émissions de la branche automobile suite à l'introduction de nouveaux véhicules – plus de 150.000 véhicules par an en moyenne ces 4 dernières années- soit le même niveau que le Portugal par exemple, et, d'autre part à la forte hausse des primes d'assurance dans le secteur de l'énergie, branche fortement tributaire de la réassurance internationale. Les primes générées par les assurances obligatoires restent également très conséquentes comparativement à celles qui proviennent des assurances facultatives. Faiblesse de la branche assurance- vie Le chiffre d'affaires développé dans la branche vie est insignifiant. Les raisons de cette faiblesse sont d'ordre aussi bien juridique que socio-économique. Les Sociétés d'assurances concentrent leurs activités sur les branches non-vie parce que relevant pour la plupart des assurances obligatoires. C'est la raison pour laquelle la Loi introduit la séparation des deux types d'activités d'assurances (assurances personnes et autres assurances de toutes natures). Ces deux activités ne peuvent plus être exercées concomitamment par la même société. Il reste à espérer que les assurances de personnes connaîtront une évolution substantielle. A cet effet les aménagements introduits par la nouvelle Loi visent à favoriser la diversité des produits d'assurance vie. Il est prévu entre autres: ” L'extension du champ de l'assurance groupe aux autres communautés que les travailleurs des Entreprises ” L'insertion de l'assurance de capitalisation au nombre des assurances de personnes ” La permission dans les contrats individuels en assurance vie de la souscription sur la tête d'une tierce personne ” La séparation juridique des assurances de personnes et des assurances de dommages. Ces nouvelles mesures, très attendues, ne manqueront pas de se traduire par une meilleure couverture des besoins des assurables et le retour à la profitabilité. L'ensemble de ces insuffisances a rendu nécessaire l'élaboration d'une réforme du secteur que la Loi précitée introduit. On retiendra à la lecture de cette Loi les principes directeurs suivants : ” La diversification des produits d'assurances et l'encouragement des assurances des personnes ” Le renforcement des fonctions de supervision et de contrôle ” La libération, dés le départ, du capital des sociétés d'assurances ” Le renforcement du réseau de distribution des sociétés d'assurances, en y intégrant aussi les banques et les établissements financiers (développement de la bancassurance) ” La possibilité ouverte aux sociétés d'assurances étrangères d'ouvrir des succursales en Algérie ” Des dispositions opératoires qui témoignent de la volonté de développer le secteur des assurances, en y introduisant des professionnels : ” Une pénalité, basée sur le taux de réescompte, en cas de retard dans le versement des indemnités d'assurances aux assurés bénéficiaires ” La création d'une centrale des risques, à laquelle les sociétés d'assurances et succursales étrangères sont tenues de fournir des informations. ” La création du produit Assurance Caution, sécurisant le remboursement des créances, en cas d'insolvabilité du débiteur ” La séparation de deux types d'activités d'assurances (assurances personnes et autres assurances de toutes natures ” La nomination des membres du Conseil d'Administration des Sociétés d'assurances et de leurs gestionnaires sera soumise à autorisation de la Commission de Supervision des assurances ” La nécessité d'une autorisation de la Commission de Supervision des assurances préalablement à toute prise de participation supérieure à 20 % ” La création de deux associations générales avec adhésion obligatoire, à savoir : ” L'Association des sociétés d'assurances ” L'Association des Agents généraux et courtiers ” La création d'un fonds de garantie des assurés Par ailleurs, le retard enregistré dans la mise en place de progiciels de gestion est en passe d'être résorbé. Le secteur gagnerait à finaliser dans les délais les plus courts la mécanisation des activités pour une meilleure maîtrise des coûts et une fiabilité des informations. Contrôle des sociétés d'assurances Le nouveau dispositif institutionnel relatif au contrôle des Sociétés d'assurances introduit le concept de la distinction entre l'autorité de régulation, qui est généralement l'autorité politique et l'autorité de contrôle qui est plus ou moins autonome. L'efficacité du contrôle est ainsi garantie par cette séparation des fonctions. Ce contrôle s'exerce principalement sur l'accès à la profession, le respect des règles prudentielles ainsi que sur les documents liés à l'activité. Etant un métier réglementé, l'activité d'assurance obéit à un certain nombre de critères dont le but essentiel reste la préservation des intérêts des détenteurs de contrats d'assurance. En effet, l'inversion du cycle de production qui consiste pour les assureurs à percevoir les primes et à régler à posteriori les sinistres s'ils venaient à survenir, constitue le fondement même du contrôle exercé par l'autorité. Les pouvoirs publics interviennent à travers un arsenal réglementaire pour faire en sorte que les assureurs soient toujours en situation de tenir leurs engagements. Ce contrôle se fait sur la base de paramètre d'équilibre et de solvabilité imposée par la réglementation. Autrement dit, le contrôle prudentiel constitue un élément essentiel dans la supervision des Sociétés d'assurances en vue de s'assurer de leur solvabilité et prévenir, par la même, le risque de défaillance de ces institutions. Ce contrôle est basé sur l'obligation, pour les Sociétés d'assurances, à respecter un certain nombre de ratios visant à ce que celles-ci ne prennent pas de risques disproportionnés par rapport à leur capacités financières et à les inciter également à gérer avec le maximum de prudence leurs actifs financiers. En conclusion, ces nouveaux instruments vont certainement apporter un nouveau souffle au secteur qui est appelé à connaître une expansion significative et une vision plus transparente des activités. Des efforts restent à faire dans le versement des indemnités d'assurance aux assurés bénéficiaires pour une plus grande crédibilité de ces institutions. La convention IDA est très peu développée et son application rencontre quelques réticences. Il y a lieu de la dynamiser pour permettre une réduction des stocks de dossiers sans cesse en augmentation. La cadence moyenne fait ressortir que sur 5 dossiers sinistres déclarés dans l'année seulement 3 sont réglés durant le même exercice. Ce qui est loin des normes admises. Enfin, des efforts doivent être entrepris pour la confection de produits d'assurance adaptés aux besoins des assurables, de même que des actions d'information en direction du public seront nécessaires. L'auteur : Ancien Cadre supérieur du secteur des assurances