Photo : Riad Par Smaïl Boughazi LA TRIBUNE : La branche automobile a réalisé un chiffre d'affaires s'élevant à 48% des parts de marché des assurances en Algérie. Quel est votre commentaire, à ce propos ? M. Kassali Brahim : L'augmentation de la part de la branche automobile résulte de l'accroissement du parc automobile en Algérie. Comme il y a de plus en plus de concessionnaires agréés, de toutes marques, le nombre de véhicules a augmenté. Donc, c'est la branche automobile qui explique d'une manière générale cet accroissement, mais il y a aussi les crédits auto qui permettent d'accroître la demande. Pour l'assurance, c'est un marché important qui s'accroît d'une manière exponentielle. Toujours au sujet de la branche automobile, certains responsables ont déclaré récemment que le prix de l'assurance auto augmentera de 20% d'ici à 2010. Qu'en est-il au juste ? Il y a eu une augmentation de 5% depuis janvier 2008, et elle est progressive. Une autre augmentation de 5% est aussi prévue pour juillet 2008, une autre pour le début de l'année 2009 (5%), et, enfin, je crois, une dernière pour juillet 2009 (5%). Mais, ces augmentations ne concernent que la responsabilité civile, non les risques facultatifs. Donc, c'est une augmentation progressive, les tarifs, pour rappel, n'avaient pas augmenté depuis une dizaine d'années, et il était apparu, pour la branche, que le coût des sinistres est plus cher que les primes émises, laquelle est devenue quelque peu déficitaire, c'est ce qui a incité les pouvoirs publics à augmenter les tarifs, mais d'une manière progressive et modérée. Le chiffre d'affaires du secteur des assurances a atteint, fin 2007, 53 milliards de dinars, cependant, ce chiffre reste, selon certains, faible par rapport au PIB. A quoi est-ce dû ? Effectivement, la part de la production assurantielle dans le produit brut national est encore relativement faible. Elle représente moins de 1% du PIB. Il faut dire également que la production assurantielle a, tout de même, fortement évolué ces dernières années. A la fin 2000, elle avoisinait les 20 milliards de dinars, nous en sommes maintenant, à fin 2007, à 53 milliards de dinars. C'est relativement une forte évolution, mais insuffisante par rapport à l'évolution du marché algérien et à la production d'une manière générale. Mais les compagnies d'assurances essayent de faire de grands efforts pour promouvoir davantage l'assurance. Parce que, c'est un problème culturel, en fait, beaucoup de facteurs expliquent un peu la faible production des assurances, par rapport à l'activité économique. Donc, il y a le facteur culturel, il y a également, du côté des assurances, un effort de pédagogie. Il faut qu'on soit un peu plus incisif, en matière de communication, de marketing, pour qu'on arrive à mieux faire comprendre l'assurance. Là, je crois que ce sont ces deux facteurs fondamentaux qui ont fait que le citoyen n'ait pas cette culture de l'assurance. S'assurer d'une manière facultative et non d'une manière obligatoire, cela devrait devenir un acte facultatif. Je viens assurer mes biens personnels, y compris moi-même. Petit à petit, avec beaucoup de pédagogie, des campagnes de communication, du marketing, et de l'élévation du niveau de vie, je dirais, des Algériens, pour souscrire à une assurance. Donc, il y a ces aspects financiers et culturels, et le religieux. C'est-à-dire, il faut qu'il n'y ait pas de contradiction entre le fait de s'assurer et les principes religieux. Donc, il faut aussi sensibiliser dans ce sens. Il faut de la pédagogie pour expliquer que le fait de souscrire à une assurance est une épargne, pour le citoyen, de longue durée. Si une personne est assurée, cela protège aussi ses enfants et sa famille, donc, c'est un acte de prévoyance. Après la révision, en 2006, de l'ordonnance 95-07 relative aux assurances, a-t-on eu l'effet escompté ? La nouvelle loi introduite en 2006 vise véritablement à donner un coup d'accélérateur au secteur des assurances. Il y a trois grands axes fondamentaux dans cette loi. D'abord le développement de l'assurance des personnes est très important, ensuite la diversification des produits et la meilleure qualité de service. C'est-à-dire, donner aux compagnies d'assurances la possibilité d'offrir des produits adaptés aux besoins de la clientèle, avec des conditions assouplies, comme pour l'assurance des personnes, qui permettent de développer la branche assurance de personnes. C'est notre objectif pour améliorer la qualité de service, en introduisant de nouveaux produits et de nouveaux modes pour leur distribution. La nouvelle loi a aussi introduit la bancassurance. Un nouveau mode de distribution qui permettra de rapprocher l'assurance du citoyen. Ce qui améliorera la qualité de service en créant des synergies entre l'assurance et la banque au bénéfice du citoyen. Ce dernier trouvera au niveau des banques le produit bancaire et le produit d'assurance. Une nouveauté dans ce domaine-là. La nouvelle loi a également apporté des améliorations notables en matière de gouvernance et de supervision, parce qu'il faut un contrôle dans le secteur des assurances. Elle a mis en place, de ce fait, un nouveau dispositif de contrôle, qui est la commission de supervision des assurances. Je crois que la nouvelle loi, dans le cadre de ces trois axes, est en train d'apporter des changements très importants pour le secteur, et devrait lui donner un coup d'accélérateur en le boostant. C'est dire comment faire en sorte que la production assurantielle accompagne mieux le développement économique en lui permettant d'avoir une part importante dans la production nationale. Pouvez-vous nous dresser un bref aperçu de votre compagnie ? La CAAR évolue dans un environnement marqué par l'ouverture du marché des assurances au privé… La CAAR s'insère totalement dans ce dispositif concurrentiel. Au contraire, la concurrence permet de se remettre en question, d'améliorer ses prestations, sa qualité, donc, nous sommes tout à fait dans cette vision de plus en plus rude. En ce qui nous concerne, nous faisons en sorte que notre programme de développement et notre plan d'action stratégique, justement dans cette concurrence, améliorent sensiblement la qualité pour nous remettre à niveau. Nous sommes engagés, dans ce cadre, à la formation du personnel, qui est un élément fondamental dans notre stratégie. Nous voulons avoir des commerciaux qui sachent accueillir le client, lui parler, lui offrir les produits et le conseiller. Nous avons beaucoup investi dans l'homme, dans les locaux et leur standing. Il faut que nous ayons des locaux adaptés pour recevoir les clients. Nous avons aussi investi dans les moyens, avec une informatique moderne, performante et de qualité pour que le client soit servi rapidement, et sur le produit assurantiel, ainsi que sur le 4ème axe, un élément fort de la qualité de service, le règlement des sinistres. Il faut que nous soyons en mesure de régler rapidement les sinistres. La question de règlement des sinistres revient souvent. Les citoyens parfois contestent certaines pratiques, des retards pour le règlement de leurs sinistres… Oui, c'est vrai, dans certaines agences, on enregistre peut-être des retards dans le règlement des sinistres, c'est que, parfois, il y a des sinistres simples qui ne prennent pas beaucoup de temps. Lorsque le sinistre est simple, à partir du moment où l'expertise est faite, le règlement s'effectue rapidement. Mais, il peut y avoir des sinistres qui nécessitent une expertise fine. Donc, la compagnie a besoin d'avoir tous les éléments nécessaires pour le règlement du sinistre. En cas de grands sinistres industriels ou autre, cela nécessite même l'intervention d'experts étrangers, parce que le risque est réassuré à l'étranger. Donc, cela prend un peu plus de temps. C'est à la compagnie d'expliquer au client la raison du retard, les procédures mises en place, dans un délai raisonnable, pour que le règlement intervienne. Nous, à la CAAR, nous travaillons beaucoup pour régler les sinistres dans les délais raisonnables. A partir du moment où le dossier est complet, le règlement se fait automatiquement. Et c'est là que la crédibilité d'une compagnie se mesure, dans tous ces aspects, avec surtout les délais de règlement des sinistres. Un chiffre d'affaires qui a atteint 7,5 milliards de DA en 2006. Quel est le bilan de la CAAR, ces deux dernières années ? Pour 2007, nous avons un chiffre d'affaires de 8 100 milliards de dinars, en accroissement de 8% par rapport à l'année dernière et de 100% à fin 2004. En 2004, nous avons enregistré un chiffre d'affaires de 3,9 milliards de DA. En l'espace de trois ans, nous l'avons presque doublé. Nous avons un résultat net de 84 millions de dinars. C'est dire la marge de progression sur trois ans. Nous avons, en termes de fonds propres, la solvabilité de la compagnie, qui s'est renforcée, puisque nous avons eu une augmentation du capital, passé de 5 milliards de DA à 8 milliards de DA à fin 2007. Cela veut dire, les capacités pour la CAAR, avec des fonds propres de plus de 10 milliards de dinars, étaient de 8 milliards à fin 2006. Donc, au plan des agrégats financiers, la CAAR a fortement progressé ces dernières années et nous comptons progresser davantage. Avez-vous atteint les objectifs tracés dans le cadre du plan d'action 2005-2008 ? Pratiquement, tous les objectifs inscrits pour 2005-2008 ont été atteints. Il y a deux actions structurelles en cours, parce que le plan d'action se termine cette année. Toutes les actions sont inscrites, que ce soit dans l'amélioration des services, dans la maîtrise du chiffre d'affaires, dans l'accroissement du chiffre d'affaires, dans la maîtrise des coûts, dans la rentabilité et dans la gestion des ressources humaines. Dans ces grands axes d'actions, toutes les sous-actions ont été réalisées. Et nous avons les deux actions en voie d'achèvement, la stabilisation du système d'information -un bon système d'information est l'épine dorsale de la compagnie- et la révision de la convention collective de la CAAR, en matière de primes, d'indemnités, de régimes indemnitaires pour les travailleurs. Et en ce qui concerne la bancassurance… La CAAR a déjà signé trois conventions avec trois banques publiques. La BEA (avec la CAAT), le CPA (exclusivité), et la troisième banque la BNA (on partage avec la SAA et la CAAT). On vient de signer ces conventions, une formation est préparée pour les souscripteurs banquiers pour adapter le système d'information bancaire à celui des assurances. D'ici la rentrée, cela devrait être opérationnel. La CAAR reste une compagnie spécialisée dans les grands risques. Y a-t-il des opportunités dans cette branche ? L'assurance des risques, qui est l'une de nos spécialités principales, progresse fortement, et ce, grâce à un plan de soutien à la croissance économique mis en œuvre par le gouvernement, lequel donne des opportunités aux compagnies d'assurances pour qu'elles développent la branche incendie engineering, donc celle des grands risques, puisqu'il y a de grands projets actuellement dans différents secteurs, hydraulique, transport ferroviaire, maritime, autoroutes et routes, de grandes infrastructures économiques. Au niveau de la CAAR, nous essayons de saisir toutes les opportunités d'affaires, grâce à ces grands projets. Ce contexte favorable permet donc aux compagnies d'assurances de faire évoluer la branche assurances incendies et engineering. Vous verrez dans les statistiques que cette branche a fortement progressé ces dernières années, comme la branche automobile. Quelles sont vos difficultés ? Les difficultés, je dirais, c'est tout à fait normal. Nous avons encore peut-être de petites lacunes, des insuffisances en matière de vente, de marketing. Nous devons être plus proactifs. Comment recevoir le client, être à son écoute, d'une manière générale dans les assurances, nous avons encore des insuffisances à ce niveau-là. Il faut que nous arrivions vraiment à changer la culture, pour que nos agents comprennent que, lorsqu'un client se présente, celui-ci est roi. Il faut bien l'accueillir, bien le servir, c'est là, je crois, qu'il faut encore consentir des efforts. A la CAAR, nous avons engagé un processus de formation de nos personnels, ou dans cette direction qui prendra un peu de temps. Mais, nous y allons d'une manière délibérée, volontaire, pour que, dans une année à une année et demie, tous nos agents et commerciaux soient suffisamment formés, et être valablement représentés devant un client. Un dernier mot… Un commentaire très positif, je dirais, puisque le secteur des assurances progresse, et ce, malgré le décalage existant entre la production des assurances et la production du PIB. Mais, il y a quand même une production, et des efforts qui sont consentis par les compagnies. Les chiffres sont là. Il y a la concurrence au sein du marché, avec des compagnies publiques et des compagnies privées, une bonne chose. C'est un élément incitatif pour qu'elles améliorent nos prestations. Je dirais que c'est un challenge extraordinaire, puisqu'il essaye de contribuer au développement de la culture assurantielle en Algérie. Il faut faire en sorte que l'assurance devienne un acte volontaire.