Le paysage suburbain de la capitale de la steppe est remarquablement captivant et l'air y est même tellement vivifiant qu'il faille recommander le coin aux asthmatiques. Du reste, les panneaux publicitaires louant la propreté foisonnent sans doute pour vouloir mieux témoigner d'une intransigeance dans l'application de mesures de prophylaxie. Mais au grand dam de visiteurs émerveillés par ce beau site, à mesure que l'on entre dans la ville quel que soit le point cardinal emprunté, l'on ne peut s'empêcher de faire montre de sa désillusion devant l'envers du décor. En matière d'hygiène publique, en longeant l'évitement en contrebas des blocs 36 et 40, le regard de l'automobiliste est vite attiré par les berges de l'oued Mellah, transformées en réceptacle de déchets des riverains. En face, la partie boisée située sur les hauteurs de l'ex-bidonville de Chaoua est, à perte de vue, jonchée de sachets et de tessons de bouteilles, laissant planer dangereusement à tout moment un risque d'incendie probable, surtout en été. A côté, un tas de gravats hérités de démolitions anciennes continue de résister au temps comme pour indiquer, telle une épitaphe, l'existence jadis de favelas. A l'extrémité de la ville, l'état des lieux est identique dans le lit du même oued. Pis, on y jette à tour de bras, ferraille rouillée, carcasses d'animaux tués sur la route, viscères non comestibles de bêtes abattues clandestinement et autres morceaux de foin qui empestent de matières fécales d'animaux. Au centre-ville où les conditions de vie sont supposées décentes, précisément aux abords du marché couvert, c'est la stupéfaction ! D'autant plus que ces halles qui mériteraient bien la palme de la saleté ne sont situées qu'à quelques mètres de l'Hôtel de ville. Peu soucieux d'une hygiène élémentaire, certains commerçants sans vergogne ne prennent aucune peine de nettoyer leurs magasins, après la fermeture du marché, l'essentiel à fond la caisse. Cependant, le clou du spectacle est à voir le soir venu, où une ambiance malsaine est assurée par des chiens et des chats s'adonnant quotidiennement à des duels pour des restes de viandes et déchets de volailles, le tout dans un amas d'ordures aux formes exubérantes. Les cartons et les rebuts d'emballages en plastique submergent les rues adjacentes au marché, au point de ne plus différencier le trottoir de la chaussée. Côté boulevards, l'environnement s'est vite dégradé à cause de fast-foods montés à l'emporte-pièces qui déversent inconsidérément à l'extérieur leurs eaux usées chargées d'huiles brûlées et de graisses pâteuses. Autant dire que le boulevard de l'Emir Abdelkader (ex-La Grande Rue) a tout perdu de ses anciens éclats. Mais ce sont surtout les avaloirs qui posent un sacré problème, notamment dans cette avenue dont la fière allure des années 60 reste encore vivace dans la mémoire citadine. Conçues pour évacuer les eaux de pluies par gravitation, ces canalisations ont été détournées de leur destination devenant de véritables cloaques immondes d'où l'exaltation de relents pestilentiels au lieu de ces odoriférantes effluves de jasmin qui accompagnaient naguère les promeneurs du dimanche. Le boulevard de Sidi Naïl n'est pas en reste à l'instar du marché de Bengermain horrible à voir la nuit ! Hormis 2 toilettes publiques au centre-ville, le déficit en lieux d'aisance et en vespasiennes se fait durement ressentir et inutile de décrire l'état dans lequel se trouvent certaines façades. La RN1, déchet public Enfin, globalement, le constat est affligeant et l'incivisme aidant, les éboueurs s'en retrouvent submergés. Par ailleurs, rappelons que cette situation n'a pas manqué de favoriser par le passé l'apparition du rat et des moustiques, inhabituels dans la région, en particulier cet insecte diphtère nommé phlébotome à qui l'on impute plusieurs cas de leishmaniose cutanée dite aussi le clou de Biskra. Et pour aller de découvertes en surprises, à près de 10 km de Djelfa sur la route de Laghouat, les ordures ménagères, censées être enfouies dans la décharge publique plus excentrée à l'est, sont jetées au hasard de l'espace atteignant impunément les accotements de la voie routière, et quelle voie, puisqu'il s'agit de la RN 1 ! Interrogé sur l'ampleur de ce désastre écologique qui ne semble pas dater d'hier, un habitant du coin nous dira avec candeur : «Nous avons toujours pensé que cet endroit constituait un dépotoir implicitement autorisé par l'Etat car, la décharge s'en trouve saturée !» Outre ce tableau apocalyptique, en l'absence pour l'heure d'un centre d'enfouissement promis depuis belle lurette par ceux en charge de l'environnement, ces ordures sont en plus incinérées à l'air libre, ce qui favorise la composition d'épais nuages de fumée qui rendent la visibilité pratiquement nulle. Aussi, au contact de l'eau de pluies, ces détritus qui forment une masse visqueuse dégagent une odeur nauséabonde qui contraint l'usager à rouler avec les vitres remontées, parfois sur des kilomètres et par des pics de température ; une situation somme toute assez gênante. Pour la précision, Djelfa qui abrite plus de 250 000 âmes et qui s'étend sur près de 3 000 ha urbanisés est appelée selon le récent PDAU à prendre davantage d'ampleur ! Elle s'avère donc infiniment plus grande que les moyens de la commune même conjugués à ceux loués auprès du privé. Cancer, typhoïde et mystérieuses maladies Aussi, y a-t-il matière à renforcer le parc communal en engins roulants quand on sait, de surcroît, que le ministère des Collectivités locales s'est engagé désormais dans l'option de destiner le Fonds des collectivités locales (PCCL) à l'achat de moyens matériels, étant entendu que les APC doivent d'abord en exprimer le besoin. Mais tout cela ne dédouane pas le citoyen qui reste concerné au premier chef par la question de l'hygiène par delà les comités de quartiers et des différentes associations qui le représentent et qui sont censées activer pour la protection de l'environnement . En matière de salubrité publique, la situation est peu enviable et si l'on prévoit effectivement de réhabiliter les quartiers périphériques en infrastructures de base, il est pour le moins urgent de les humaniser en palliant les carences dans le domaine de la préservation de la santé humaine. L'on y note un déficit important dans le réseau d'évacuation des eaux usées, d'où le recours aux fosses d'aisances construites à l'ancienne et qui sont difficiles à vidanger. Dans le même sillage, les eaux d'oueds composés de rejets domestiques et autres déchets solides et liquides industriels soupçonnés de contenir des nitrates et même du chrome, dit-on, sont utilisées à des fins d'aspersion de plantations agricoles. Et c'est peut-être à ce niveau que se trouve l'explication à la typhoïde et à cette forte propagation de cancers dans la région.