Le volume des IDE captés par l'Algérie a baissé de 38% en 2008, selon les chiffres de l'observatoire des investissements en Méditerranée ANIMA-MIPO. Quelle lecture faites-vous ? La baisse des IDE en direction de l'Algérie peut s'expliquer par des raisons structurelles et d'autres plus conjoncturelles. Le contexte structurel : les investissements étrangers dans les années 1960 et 1970 furent motivés par la recherche de faibles coûts des facteurs de production en l'occurrence une main-d'œuvre moins chère qu'en Europe et aux Etats-Unis et une présence de matières premières en abondance. Les crises systémiques des années 1980 ont changé la donne ; les firmes multinationales cherchent plutôt des marchés à fort potentiel de consommateurs. C'est pourquoi la principale destination des IDE fut et demeure les pays industrialisés. La France et le Royaume-Uni sont les principaux bénéficiaires des investissements étrangers. Dans une stratégie de recherche d'une production délocalisée en vue de la réexportation, l'Algérie ne présente pas un intérêt aux yeux des entreprises étrangères. J'en ai fait moi-même l'expérience en conduisant des projets de délocalisation de PME françaises vers l'Algérie dans les secteurs aussi variés que la mécanique de précision, l'électronique, le matériel agricole et plus généralement les industries agro-alimentaires. Les obstacles majeurs sont la faible productivité du facteur travail, un faible niveau de formation notamment technique, des prix du foncier prohibitifs et un tissu de PME-PMI insuffisamment doté de moyens humains qualifiés et peu soutenu par une stratégie globale cohérente sous l'impulsion de ce que Abdelhak Lamiri, PDG de l'Insim, appelle un cerveau ; c'est-à-dire un outil capable de mener une politique industrielle basée sur une vision à long terme à l'image du MITI au Japon ou du commissariat au plan en France. Les raisons conjoncturelles sont liées à la crise mondiale qui incitent les entreprises transnationales à ralentir leurs projets d'expansion au-delà de leurs bases initiales. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a déjà mis en place un chapelet de mesures pour « cadrer » l'investissement étranger en Algérie. Des milieux d'affaires redoutent un retour brusque du protectionnisme. Pensez-vous que ces mesures sont pour quelque chose dans ce recul du flux des IDE ? Il est légitime pour un pays comme l'Algérie de chercher à optimiser l'utilisation des capitaux qui pénètrent sur son sol et surtout à empêcher des sociétés qui cherchent à placer 500 millions de dollars afin de transférer 20 milliards de dollars sur 10 ans sans apporter le moindre transfert de technologies ni de Know How (savoir-faire). Néanmoins, il convient de faire preuve de discernement dans l'accueil des IDE. Prendre des mesures à l'aveuglette et punir tous les investisseurs étrangers peut faire perdre confiance dans la stabilité réglementaire et juridique dans un contexte où tous les pays cherchent à attirer des financements extérieurs privés en se dotant d'instruments favorables aux investisseurs et en déployant des organisations entièrement dédiées à cette fin. Si on prend comme critère quant à l'accueil des investissements étrangers l'impact positif sur la balance commerciale et par-là même sur la balance des paiements, il serait vain de chercher à implanter des industries à fort potentiel d'exportation à court terme tant qu'une politique de remise à niveau des entreprises publiques et une dynamisation du tissu des PME n'est pas menée à son terme. Par contre, il convient de privilégier les industries de substitution aux importations. Encourager les industries agro-alimentaires, pharmaceutiques, des biens intermédiaires et produits semi-finis ainsi que les produits de large consommation importés consoliderait le développement économique local et fera l'économie de devises. Le tourisme est souvent générateur de ressources en devises, car l'entrée de touristes étrangers stimule des activités domestiques (commerce, hôtellerie, artisanat, services). La Cnuced a révélé que les IDE mondiaux ont enregistré une baisse de 22% en 2008, de moins de 17% dans la région méditerranéenne et devraient encore chuter en 2009. Ceci n'est-il pas un mauvais présage pour les économies rentières comme celle dont dispose l'Algérie ? L'Algérie cumule deux tares en même temps, une économie rentière mono-exportatrice et un modèle économique administré que j'ai qualifié de soviétique dont le pays ne parvient pas à en sortir. J'ai conduit des missions d'études et d'approche des marchés des pays de l'est de l'Europe à la fin des années 1980 et pendant les années 1990. Ceux qui ont mené à bien leur transition vers l'économie de marché comme la Hongrie, les républiques tchèque et slovaque ainsi que la Slovénie ont emprunté la voie de la rupture en attirant des partenaires étrangers (allemands, français, américains, italiens) vers des secteurs productifs. Le parachèvement de cette stratégie s'est accompagné de mesures en faveur de l'innovation et la formation.