Les rapports mentionnent invariablement que ces taux traduisent une augmentation des prix de biens alimentaires (+4,4% en 2006 et 4,0% en 2005) en ajoutant que les autres produits se caractérisent notamment par une relative stagnation, mais en réalité des services autres que les produits de consommation tels que le loyer, la santé, le transport, l'énergie (électricité, gaz…), l'eau dont les coûts demeurent en constante hausse ne sont pas pris en compte dans la détermination du taux d'inflation. – Les éléments de base de calcul de l'IPC (indice des prix à la consommation) faussent le calcul En Algérie, les fluctuations des prix des produits alimentaires — qui représentent approximativement la moitié du panier de référence pris par l'ONS pour le calcul de l'IPC (indice des prix à la consommation) — conditionnent sans nul doute l'évolution du taux d'inflation ; et compte tenu du fait que ces produits subissent constamment les effets néfastes des paramètres tels que les conditions climatiques, les prix à l'importation, le taux de change du dinar par rapport aux autres devises, et même le comportement des importateurs et producteurs, celui-ci (l'IPC) évolue à la hausse d'une façon continuelle. En outre, contrairement aux chiffres avancés par l'ONS, il n'y a pas seulement les prix des produits alimentaires qui ont connu un accroissement sensible ces deux dernières années. Un simple examen du niveau général des prix à la consommation dans notre pays nous montre que ce sont les hausses constantes des prix de catégories autres que les biens alimentaires, à savoir l'eau, l'électricité, le gaz, les télécommunications, la santé, le loyer… qui témoignent de la véracité de l'inflation ; et ces composantes du budget familial exercent incontestablement tout leur poids sur la cherté de la vie du citoyen. Les éléments de base pris en considération dans le calcul de l'IPC (indice des prix à la consommation) faussent les évaluations du taux d'inflation. Nous pouvons illustrer par quelques exemples de catégories de services suivantes dont nous connaissons les coûts : l'eau, le gaz et l'électricité, et voir leurs évolutions à la même période, c'est-à-dire entre décembre 2005 et décembre 2006. II est évident que de simples constatations au vu de quelques factures que chacun de nous reçoit nous montrent, comme l'indique le tableau suivant, que ces tarifs ont connu une poussée significative. Ainsi, ces chiffres réels comparés indiquent clairement que toutes ces catégories ont connu une majoration sensible en fin d'année 2006, par rapport à la même période de l'année 2005. Que dire des autres prestations telles que la santé, le transport, le loyer… dont les coûts ne cessent de se multiplier ? L'inflation est, en fait, partout présente sauf dans les chiffres de l'indice des prix à la consommation de l'Office national des statistiques. La hausse des prix dans notre pays n'est pas liée simplement à un phénomène monétaire, c'est malheureusement une réalité vécue par les ménages et c'est le panier de la ménagère qui détermine le taux d'inflation sur la base d'un ensemble de biens alimentaires auxquels il faut inclure toutes les autres catégories de services. Et particulièrement, dans notre pays, les causes de l'inflation sont dues essentiellement à la rigidité de l'offre qui provient de 1'insuffisance des capacités de production en dépit de leur ampleur, les investissements publics ont été contrecarrés par l'effet négatif dû aux transformations des tissus de production publics en entreprises privées et ouvertes sur l'extérieur (2). Mais elles incarnent aussi le comportement inexplicable des importateurs et producteurs d'ailleurs, les récentes augmentations spontanées des produits agricoles et alimentaires sont simplement la conséquence de 1'augmentation des salaires des fonctionnaires. – Au-delà des chiffres, le ciblage de l'inflation est-il un bon choix de la politique monétaire en Algérie ? L'histoire de l'économie politique a montré que l'inflation monétaire n'était pas nécessairement un frein à la croissance comme le prouvent les exemples des pays actuellement développés, en particulier ceux de l'Europe grâce à l'appui considérable d'or et d'argent recouvrés de leurs colonies durant les XVIe et XVIIe siècles. Certes le contexte était différent mais même de nos jours, il existe des exemples de pays qui connaissent des périodes de forte croissance conjuguée à une forte inflation comme ceux du Sud-Est asiatique ou la Chine dont le taux moyen d'évolution du PIB (produit intérieur brut) durant la période 1979-1996 était de 9,92% correspondant à un taux d'inflation de 7,84% avec des pics respectifs de 11,3% et 18,8% en 1988 et 12,6% et 24,1% en 1994 (source : China Statistical Yearbook, éditions 2001-2002). Même des études économiques — qu'il est inutile d'exposer ici car ce n'est pas l'objet de cet article — sur les liens entre taux de croissance et taux d'inflation ont montré qu'il existait trois situations d'économie ou de corrélations entre ces deux indicateurs économiques et que généralement la plus répandue est celle dans laquelle il n'y a pas de croissance sans inflation : c'est l'exemple particulier du Japon, puisque ce pays connaît tour à tour depuis une dizaine d'années cette situation. La politique monétaire en Algérie, notamment durant les dernières années a eu pour objectif final la stabilité des prix à la hausse par une décélération de la croissance monétaire. C'est est une stratégie par laquelle la Banque d'Algérie, en fixant un taux d'inflation comme objectif, oriente son action sur le maintien de l'inflation proche de cet objectif ; lorsqu'elle s'écarte de celui-ci, la Banque d'Algérie intervient en utilisant ses instruments de politique monétaire tels que les réserves obligatoires ou les résorptions de liquidités et appels d'offres hebdomadaires auprès des banques… pour l'aligner de nouveau. Les économistes appellent cela le ciblage de l'inflation, une technique pour lutter contre la croissance des prix, qui a été adoptée par un nombre de pays industrialisés et émergents mais qui ne semble pas avantageuse pour notre pays pour deux raisons essentielles : – 1 Les modestes chiffres réalisés en Algérie confirment encore une fois l'échec des expériences des pays en voie de déveloopement L'expérience a montré que seuls quelques pays industrialisés, de la zone euro, les Etats-Unis, Nouvelle Zélande, la Suède, la Grande-Bretagne et exceptionnellement l'Afrique du Sud, qui avaient adopté cette stratégie dans les années 90 et qui avaient fait du contrôle de l'inflation un moyen de politique économique — et non une fin en soi ont réussi à maintenir la croissance mais surtout l'emploi à long terme. Ce n'est pas le cas des pays en voie de développement. La communauté des Etats indépendants (CEI) regroupant les anciens pays de l'Est et la Russie qui ont adopté comme priorité la lutte contre l'inflation et le renforcement d'un taux de change stable dans des conditions presque similaires à celles de notre pays aujourd'hui en vue de soutenir une économie de marché par la privatisation et stimuler l'investissement par l'apport des capitaux étrangers ont obtenu une perte de production importante qui s'est répercutée sur la croissance. Ou encore, dans la même voie, les pays de l'Amérique latine ont favorisé, pendant les années 90, un programme anti-inflationniste qui a conduit à une progression ralentie du PIB par habitant, ce qui pousse les gouvernements à opter alors en faveur d'autres mesures pour stimuler la croissance. Dans notre pays on se presse à tout moment d'afficher les résultats de l'inflation pendant que le pays connaît encore d'énormes problèmes économiques : retard en matière d'ajustement structurel de l'économie, faiblesse de la production hors hydrocarbures, le retard de l'économie algérienne par rapport à celles des pays voisins et par rapport à ses objectifs (adhésion à l'OMC…) mais surtout un chômage endémique et une croissance faible. Le taux de chômage qui avoisinait les 30% en 1994 n'a pas connu une baisse significative. Le tableau ci-dessous nous montre que ce taux de 23,7% de l'ONS en 2003 et de 25,4% en 2004 selon les estimations de l'OCDE ou de la Dree/minefi (direction des relations économiques extérieures, ministères de l'Economie, des Finances et de l'Industrie) Trésor – France, demeure aussi important qu'il l'était en 2001 : 27,30%. Le chiffre de 17,7% pour l'année 2004 publié par l'ONS ne peut être crédible, car comment expliquer que le taux de croissance du PIB (produit intérieur brut) qui était de 6,9% en 2003 correspondait à un taux de chômage au moins égal à 23,7% et qu'un taux de croissance, de surcroît inférieur à 1 point (5,9%) en 2004 — une année plus tard — selon toujours les chiffres de l'ONS, pourrait engendrer une décrue aussi remarquable du niveau de chômage le réduisant à 17,7%. C'est une situation paradoxale. La même interrogation concerne les taux de 15,3% en 2005 et 12,3% en 2006 puisque durant ces années-mêmes les taux de croissance officiels respectivement de 5,1% (CNES) et 4,8%(2 ) restent faibles et l'impact demeure toujours insuffisant : le taux de croissance nécessaire pour une diminution du chômage est estimé par le CNES à 7/8% par an. Le ralentissement de la croissance s'est traduit notamment par : – la faiblesse de l'accroissement du PIB par habitant puisque celui-ci passe de 1779 USD en 2001 à 1916 USD en 2003 et 1981 USD en 2004 (source FMI). En rapprochement avec celui de l'année 1995 qui représentait 1405 USD, nous pouvons déduire que le produit intérieur brut par habitant a, en une période dix années, progressé seulement de 29%. Les chiffres de 3109 USD pour l'année 2005 et 3443 USD pour 2006 publiés par le CNES son également improbables, car compte tenu de la conjoncture économique, on se demande comment cet indicateur économique, après avoir longtemps évolué à un rythme très faible, peut connaître un tel bond en un espace de temps aussi court. – 2 Le ciblage de l'inflation n'est pas indiqué pour les pays non crédibles sujets aux chocs externes, tels que l'évolution défavorable du taux de change ou la volatilité des prix des hydrocarbures En raison de ces difficultés le Fonds monétaire international avait lui-même dissuadé les pays émergents d'opter pour cette méthode. Un économiste en chef à la Banque mondiale citait en 1999 dans la revue du FMI que «la fixation sur l'inflation peut non seulement fausser les politiques économiques mais conduire aussi à des dispositions institutionnelles qui réduisent les flexibilités économiques sans gain important sur le plan de la croissance». A ce titre, nous pouvons faire un rapprochement avec notre pays et remarquer que le faible essor de la croissance entre 2001 et 2006 est essentiellement le produit du secteur des hydrocarbures dans un contexte favorable de prix mondiaux, et également le fait du resserrement des finances publiques alors que l'impact de l'investissement public demeure insuffisant, malgré l'effort important, à cause de l'effet négatif dû aux transformations des tissus de production publics en entreprises privées. Un simple retour à une conjoncture défavorable du marché pétrolier peut être sérieux pour l'économie de notre pays. Même l'évolution positive de l'excédent budgétaire durant la période 2001 à 2005 : 3,4% en 2001, +4,6% en 2003 selon les chiffres de la Banque mondiale, +7,4% en 2004, et 14,57% en 2005 selon la Banque d'Algérie, témoignant de la volonté d'austérité économique et du resserrement des dépenses publiques au-delà de la norme tolérée par le FMI (3,5% du PIB) n'a pas permis d'entrevoir des résultats encourageants sur la courbe du chômage ni même sur celle du taux d'inflation. Ce paramètre n'a pas connu, du reste, une variation favorable durant la même période puisque les chiffres de l'inflation sont restés réellement stables en moyenne autour de 30% et ce en dépit de 1'importance de l'excédent budgétaire. – Conclusion Le ciblage de l'inflation ne doit pas être une priorité économique pour notre pays malgré la volonté politique de bien faire et pour cause les modestes chiffres des indicateurs économiques enregistrés à ce jour, mais surtout les expériences des pays émergents cités plus haut qui ont connu les revers de cette technique. Le maintien à tout prix d'un taux d'inflation réduit à travers une politique de restriction monétaire menée par la Banque d'Algérie n'a pas abouti concrètement à un niveau de croissance économique favorable. Une croissance économique limitée signifie que l'économie ne progresse pas. Pour rappel, c'est l'accroissement du PIB réel (produit intérieur brut) exprimant la valeur des biens et services produits par une économie, en tenant compte de la variation des prix qui témoigne de la bonne santé d'une économie. Le gouvernement, dont la tâche n'est certes pas aisée à accomplir maîtriser les paramètres de stabilité économique sans pour cela risquer la croissance du PIB devra penser à prévenir une fois de plus les échecs vécus par les pays émergents qui ont adopté cette stratégie. Sources : – Revue finance et développement,statistiques du fmi dans juin 2003 – Publications de l'office national des statistiques (ONS) – Rapports de la Banque d'Algérie (BA) 2003-2204-2005 – Statistiques du Fonds monétaire international (FMI) – revue finances et développement juin 1998 – Statistiques de la Banque mondiale – MINEFI DREE/Trésor France, ministère de l'Economie et des Finances, direction des études économiques – Publications du Conseil national économique et social (CNES) – Organisation pour le commerce et le développement économique – ocde/baid : perspectives économiques en Afrique 2004/2005 – Algérie. L'auteur est Diplômé de l'université d'Oran, cadre au Trésor public