La mise en exploitation courant juillet 2004 du barrage d'El Agrem dans la commune de Kaous (wilaya de Jijel) avait suscité un réel espoir chez les populations des communes desservies (Jijel, Emir Abdelkader et Kaous) de voir enfin une meilleure disponibilité de l'eau. Il n'aura suffi que de quelques mois pour que les citoyens commencent à suspecter la qualité de cette eau qui a un goût désagréable. Un goût dont la responsabilité incombe à la présence de bactéries anaérobies. Outre les perturbations dans l'approvisionnement en eau, cette situation a fait la part belle aux multiples camions-citernes privés qui vendent une eau de qualité bien meilleure à 50 centimes le litre. D'une capacité de 38 millions de mètres cubes pour un volume régularisé de 21 millions de mètres cubes, le barrage d'El Agrem était initialement destiné exclusivement à l'irrigation des plaines côtières entre Jijel et Taher sur une superficie de 4558 ha. Avec la crise persistante dans l'approvisionnement en eau, notamment du chef-lieu de wilaya, il avait été décidé d'exploiter 6 millions de mètres cubes/an pour l'alimentation en eau potable (AEP). Cette deuxième vocation du barrage d'El Agrem, à savoir l'AEP, ne semble pas avoir été prise en compte puisque aucune modification n'a été apportée au schéma de la prise d'eau, prévue initialement dans l'étude. Or, avec une prise d'eau destinée pour l'irrigation, sa profondeur à une trentaine de mètres provoque un phénomène d'eutrophisation, cause d'une multiplication excessive de micro-organismes qui absorbent l'oxygène dissous dans l'eau au détriment des autres organismes qui dépérissent. Autre problème relevé notamment lors des crues du barrage avec la forte pluviométrie caractéristique de la région, une turbidité de l'eau qui a fait chuter le régime de la station de pompage d'une capacité de 200l/s à moins de la moitié de son volume habituel. Ainsi associée à la pernicieuse prolifération phytoplanctonique du fait du déficit en oxygène, cette situation, que des techniciens considèrent qu'elle sera en constante évolution, induit un retour à la case départ pour les populations qui sont alimentées essentiellement au moyen de forages. Seulement, ces forages en majorité se trouvent dans les nappes de oued Nil et oued Djendjen qui sont fortement exploitées. En plus, certains forages situés en aval de ces oueds sont désaffectés du fait que les nappes sont partiellement polluées à cause de l'activité agricole (déversement d'engrais et de pesticides). Si pour l'instant, on invoque une solution palliative provisoire à ce problème, il reste que même le plus profane des citoyens s'interroge sur la non-programmation en 2005 du barrage de Kissir, un projet soulevé à l'époque coloniale, et destiné à une population estimée à 250 000 habitants, soit tout le couloir se trouvant dans l'axe El Aouana-Taher en passant par Jijel. Pour revenir à El Agrem, il est souhaité qu'une prise d'eau flottante soit mise en place pour continuer à puiser de l'eau destinée à l'AEP, autrement, dans un avenir proche, il ne sera plus possible d'alimenter les populations à partir de ce barrage. Quant au barrage de Kissir sur lequel reposent désormais tous les espoirs des citoyens d'un avenir bien arrosé, le site se trouve à la limite des communes de Jijel et El Aouana (9 km à l'ouest de Jijel). Doté d'un bassin hydrographique d'une superficie de 107 km2, il aura une capacité de 68 hm3 pour un volume régularisé de 48 hm3 dont 36 hm3/an seront destinés à l'AEP et 12 hm3/an à l'irrigation. Haut de 48 m, le barrage de Kissir nécessite une enveloppe de près de 430 milliards de centimes. Il convient de souligner que l'opération de levée des contraintes a été lancée en 1998. Elle a consisté en le déplacement des infrastructures hydrauliques et des lignes électriques, le déboisement de la cuvette et la déviation du chemin vicinal 7 vers Hamza. Ces opérations étant achevées, il ne reste qu'à finaliser l'opération d'expropriation et d'indemnisation des expropriés qui connaît un taux d'avancement de 78 %. L'agence nationale des barrages (ANB), a, à cet effet, construit un joli siège à proximité du site de Kissir, mais une bonne partie du personnel qui y était affecté a été réaffecté vers d'autres wilayas, suscitant moult interrogations tant chez des élus que chez des citoyens. D'aucuns craignent qu'il y ait de la part des responsables de l'ANB une mise au placard de ce qu'on considère à Jijel comme solution finale au problème de l'eau.