Après l'acte, la parole. C'est aujourd'hui que le président Bouteflika, élu dans les circonstances que l'on sait, prête serment devant le Conseil constitutionnel. Pourquoi jurer alors que la viabilité du système qu'il chapeaute est supérieure à toute forme de réalité ou de justice ? Mais qu'est-ce qu'un serment ? C'est jurer de respecter la sauvegarde de l'Etat algérien, son peuple et ses aspirations. Cet exercice, auxquels tous les présidents s'adonnent, est comme son nom l'indique, un exercice. C'est d'ailleurs un exercice global puisque pendant que, devant les stupides caméras de l'ENTV, le président va prêter le serment de construire un pays, le pays va faire d'autres serments. Des opposants, épuisés et sursaturés, vont faire le serment de tout faire pour détruire ce système. Des jeunes vont faire le serment de quitter l'Algérie par tous les moyens. D'autres encore, à l'image de Rebaïne, Touati ou Hanoune, vont jurer que jamais plus, ils ne se feront avoir par un système électoral profondément tricheur. D'autres vont faire le serment d'arrêter de fumer, d'arrêter de mourir, de pleurer, de revendiquer plus de tendresse dans un monde de brutes, de ne plus manger de mayonnaise, de dénoncer la corruption, de maigrir avant l'été ou de tuer tout le monde, comme les psychotiques ou les groupes terroristes. La somme des serments individuels crée-t-elle une dynamique viable ? Oui, puisqu'une nation est une communauté de devenirs et une volonté de vivre ensemble. Peut-on concilier tous les serments ? Non, parce que des Algériens ont juré de se servir les premiers et de ne pas se sacrifier pour l'Algérie. Ils ont prêté serment et se sont retrouvés à des postes-clés de l'Etat. Après cette profession de foi, quel serment peut-il encore faire fonctionner ? Celui du désir, moteur fondamental. Vouloir tout changer pour accéder au paradis, ici même, sur terre, en Algérie.