Le tableau de bord mi-clair mi-obscur sur l'état de la nation, dressé par le président Bouteflika, mardi, devant les cadres de la nation, a laissé les citoyens sur leur faim. Le Président a déversé sa bile en étalant devant l'opinion ce qu'il avait sur le cœur, avec ses petites phrases coup de poing puisées du terroir, mais il n'a pas tout dit. Il n'a pas révélé quelles décisions il a prises ou qu'il compte prendre dans les prochains jours pour améliorer la gouvernance dans tous les segments de la vie nationale. A bien comprendre les messages délivrés par Bouteflika au cours de cette nouvelle intervention publique– la troisième en moins d'un mois– l'Algérie va à la fois bien et mal. Les voyants de l'économie sont au vert, répète-t-il à l'envi, s'appuyant notamment sur cette corne d'abondance des réserves de change qui n'en finit pas de s'auto-alimenter par la grâce du prix du baril de pétrole et les bienfaits que le pays en a retiré sur le remboursement par anticipation de sa dette extérieure. Mais d'un autre côté, et c'est là où réside le paradoxe, le Président n'est pas satisfait ou si peu de la conduite des affaires du pays qui n'évolue pas selon lui avec le rythme, l'efficacité et les performances attendus. Les ministres, les walis, les cadres supérieurs de la nation sont accusés sans ménagement par Bouteflika d'incompétence, de mauvaise gestion, d'incurie... Il s'est délecté à interpeller dans la salle certains d'entre eux pour montrer qu'il suit bien tous les dossiers, grands et petits. Ce constat du président de la République qui n'est pas nouveau au demeurant appelle deux remarques. La première, c'est de savoir par quel miracle un pays qui est mal gouverné ou mal géré– c'est le Président qui l'affirme – arrive à générer de la croissance dans un contexte économique mondial en crise, au moment où des pays développés ont les starters de leurs croissances bloqués. La seconde observation consiste à se demander qu'est-ce qui empêche donc le président de la République qui jouit de larges prérogatives constitutionnelles à joindre l'acte à la parole en apportant, en temps opportun, les changements appropriés au niveau des responsables pour dépasser le stade du constat qui est une constante de tous les responsables hiérarchiques : du président de la République jusqu'au dernier chef de service. Parce que le système algérien a toujours fonctionné selon la règle sacro-sainte de la cooptation, de la préservation des « équilibres nationaux » et non les critères de compétence dans les nominations aux hautes fonctions de responsabilité, le pouvoir de nomination se dilue et perd tout son sens. Faudrait-il qu'un ministre, un wali ou un quelconque haut cadre de l'Etat ait maille à partir avec la justice, soit mêlé dans des scandales pour le voir quitter son poste ?