La bruine qui tombait toute la matinée d'hier, dimanche 19 avril 2009, sur Alger n'a pas empêché les plus frileux de sortir de chez eux. Les habitués des grasses matinées ont dû se réveiller tôt. Que l'on soit cadre supérieur de l'Etat, député, ministre ou tout simplement partisan de la réélection du chef de l'Etat, tout ceux qui ont eu la chance d'être invités se sont pressés de joindre la côte ouest d'Alger pour assister à la prestation de serment de Abdelaziz Bouteflika pour commencer un troisième mandat.Il y avait grand monde au palais des Nations du Club des Pins. Le hall de la somptueuse bâtisse au style hispano-mauresque grouillait dès les premières heures de la journée, alors que la cérémonie républicaine ne devait commencer qu'en milieu de matinée. L'enjeu en valait la chandelle, pas pour les fonctionnaires et cadres de l'Etat qui, protocole oblige, sont parfois contraints de se déplacer. Mais plutôt pour d'autres convives. Ceux qui, des semaines durant, ou parfois des mois, ont jeté leurs forces pour soutenir celui qui vient d'être réélu à une majorité plus qu'écrasante. Dans la cafétéria et les couloirs tapissés du palais, on a croisé des hommes d'affaires qui ont le vent en poupe, à l'image de Ali Haddad de l'ETRHB (bâtiment et travaux publics) ou d'Arezki Idjerouidene d'Aigle Azur, ou ceux ayant disparu un moment, comme Hakim Charfaoui, patron du groupe Blanky. Ces derniers côtoyaient des hommes politiques, notamment ceux ayant fait partie de la direction de campagne du candidat. Il y avait également des parlementaires. Pas seulement ceux de l'Alliance présidentielle.Puisque, en plus des élus indépendants, on pouvait, par exemple, distinguer un transfuge du RCD, Djamel Fardjallah, alors que les parlementaires appartenant au parti de Saïd Sadi ont brillé par leur absence. Tout comme les députés du PT, ayant visiblement suivi le geste de leur candidate malheureuse, Louisa Hanoune, qui a choisi de laisser son banc vide. A côté de deux sièges vides, à l'intérieur de la grande salle du palais, de Mme Hanoune et de Ali Fawzi Rebaïne, trois autres candidats malheureux étaient présents : Moussa Touati engage une discussion à bâtons rompus, tandis que Djahid Younsi, un peu en retrait, était obligé de se muer dans le silence faute d'interlocuteur. Plus loin, des généraux à la retraite (Lamari, Attailia, Betchine et Touati), inhabituellement habillés en civil, s'échangeaient quelques phrases furtives. Ils sont rejoints par le toujours souriant Abdelmalek Sellal qui n'est pas assis parmi les ministres. Pas loin de ces «anciens», des fauteuils sont réservés, au premier rang, à d'illustres invités, trois anciens chefs d'Etat, à savoir Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Ali Kafi, sont de la partie. Au même titre d'ailleurs que la majorité écrasante des directeurs des médias nationaux, privés et publics, aux derniers rangs de l'imposante salle des congrès. Et comme le veut le protocole, le corps diplomatique accrédité à Alger était aussi invité. En attendant l'arrivée du chef de l'Etat, la salle était animée par des discussions à tout rompre. Par petits groupes, ils spéculaient sur un éventuel nouveau gouvernement avec des blagues «dernier cri». Tout passe. L'essentiel étant de tuer le temps.10h10. Abdelaziz Bouteflika, qui s'était déjà rendu dans son bureau présidentiel au palais d'El Mouradia, arrive enfin au palais des Nations. Il passe en revue un détachement de la Garde présidentielle, puis ceux des trois corps de l'Armée nationale populaire. Il est accueilli, ensuite, par les présidents des deux chambres du Parlement, le Premier ministre et le président du Conseil constitutionnel. Les trois anciens présidents de la Républiques invités (Ben Bella, Bendjedid et Kafi) se joignent au groupe. L'aréopage pénètre dans le salon d'honneur du palais pour une pause d'une dizaine de minutes. Un temps nécessaire pour apporter de petits changements au protocole, puisque Abdelaziz Bouteflika avait décidé, à la dernière minute, que ses prédécesseurs se mettent à ses côtés à la tribune officielle. Le président de la République, accompagné de ses trois invités –le Premier ministre et les ministres d'Etat ayant déjà rejoint leur place- sont montés à la tribune à 10h40. S'ensuit alors le rituel de la récitation des versets coraniques, effectué par le vainqueur de la première édition des cavaliers du Coran, Yacine Amrane. Quelques minutes plus tard, dans un silence de cathédrale, Kaddour Beradja, premier président de la Cour suprême, a récité les termes du serment que Abdelaziz Bouteflika répète mot à mot : «Fidèle au sacrifice suprême et à la mémoire sacrée de nos martyrs, ainsi qu'aux idéaux de la révolution de novembre éternelle, je jure par Dieu Tout-Puissant de respecter et de glorifier la religion islamique, de défendre la Constitution, de veiller à la continuité de l'Etat, de réunir les conditions nécessaires au fonctionnement normal des institutions et de l'ordre constitutionnel, d'œuvrer au renforcement du processus démocratique, de respecter le libre choix du peuple, ainsi que les institutions et lois de la République, de préserver l'intégrité du territoire national, l'unité du peuple et de la nation, de protéger les libertés et les droits fondamentaux de l'homme et du citoyen, de travailler sans relâche au développement et à la prospérité du peuple et d'œuvrer, de toutes mes forces, à la réalisation des grands idéaux de justice, de liberté et de paix dans le monde. Dieu en est témoin». Suite à la prestation de serment, le premier président de la Cour suprême atteste que «Abdelaziz Bouteflika a prêté serment comme président de la République algérienne démocratique et populaire». Après l'exécution intégrale de l'hymne national et le discours à la nation du président de la République (il a duré 18 minutes), il est 11h10. La cérémonie est terminée. Les invités se sont séparés dans une ambiance bon enfant. Et le chef de l'Etat entame ainsi son troisième mandat en se rendant immédiatement au cimetière El Alia où il s'est recueilli à la mémoire des martyrs de la révolution. En début d'après-midi, Abdelaziz Bouteflika rentre dans son bureau qu'il occupera pour cinq ans encore. A. B.