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La magie. Auxiliaire de la conquête coloniale
Publié dans El Watan le 24 - 05 - 2007

Après une carrière qui l'avait propulsé en haut de l'affiche du spectacle en France et en Europe, il aurait voulu se reposer un peu auprès de son épouse. C'était en 1854. «Me voilà donc arrivé au bout de toutes mes espérances : j'ai dit adieu pour toujours à ma vie d'artiste…», écrit-il dans ses mémoires. Mais le colonel Neveu, chef du Bureau politique à Alger, le priait de «venir dans notre colonie, pour y donner des représentations devant les principaux chefs des tribu arabes». Il refusa à plusieurs reprises, mais au bout de deux ans d'insistance, en septembre 1856, le magicien cède et s'embarque pour Alger.
Dans sa biographie que les éditions Omnibus (Paris) viennent de rééditer, il consacre quelques pages à ce périple édifiant. La lecture de l'essai démontre comment l'armée coloniale l'a utilisé pour manipuler les Algériens. Il s'agissait de le présenter comme un grand sorcier, dont la puissance allait bien au-delà de celle des marabouts. Il faut dire que Robert-Houdin, dont le nom a traversé les âges jusqu'à notre siècle, était le plus grand des magiciens. Inventeur prolifique, il avait mis sa passion de la mécanique et sa fantaisie au service de la prestidigitation qu'il rénova d'une manière inégalée grâce à sa maîtrise des phénomènes physiques. «L'art de la prestidigitation tire ses artifices de l'adresse des mains, des subtilités de l'esprit et de tous les faits merveilleux que produisent les sciences exactes», disait-il. C'est cette connaissance des forces de la nature qu'il avait toujours mise en avant. Il l'utilisera encore en Algérie. Il arrive dans la capitale le «jour où devaient commencer les grandes fêtes que la capitale de l'Algérie offre annuellement à tous les Arabes».
Très vite, il avoue comprendre que la mission, pour laquelle on l'appelait en Algérie avait «un caractère quasi politique…». Mais il ne s'agit pas d'une réserve puisqu'il précise en adhérant aux objectifs qu'on lui assigne : «On n'ignore pas que le plus grand nombre de révoltes qu'on a eu à réprimer en Algérie ont été suscitées par des intrigants qui se disent inspirés par le prophète, et qui sont regardés par les Arabes comme des envoyés de Dieu sur Terre, pour les délivrer de l'oppression des roumis (chrétiens). Or, ces faux prophètes, ces saints marabouts qui, en résumé, ne sont pas plus sorciers que moi, et qui le sont encore moins, parviennent cependant à enflammer le fanatisme de leurs coreligionnaires à l'aide de tours de passe-passe aussi primitifs que les spectateurs devant lesquels ils sont présentés». Tout est dit. Il se devait de se surpasser pour montrer aux «primitifs» qu'il était le maître incontesté. «On comptait sur moi pour cela. On espérait, avec raison, faire comprendre aux Arabes, à l'aide de mes séances, que les tours de leurs marabouts ne sont que des enfantillages et ne peuvent plus, en raison de leur naïveté, représenter les miracles d'un envoyé du Très Haut, ce qui nous conduisait, tout naturellement, à leur montrer que nous sommes supérieurs en toute chose et que, en fait de sorcier, il n'y a rien de tel que les Français». Un joli tour de charme et d'envoûtement au service de la conquête. On sait que la colonisation est passée par la spoliation des terres, l'accaparement des biens et les massacres. Robert-Houdin prouve avec sa participation à cette opération de sortilège, qu'il s'agissait aussi de spoliation, voire de meurtrissure des esprits. Le colonel Neveu lui dit d'ailleurs sans demi-mot : «En donnant des représentations à Alger pendant l'expédition de Kabylie, vous nous rendez un grand service. – Lequel colonel ? – En occupant l'imagination des Algériens, nous les empêchons de se livrer, sur les éventualités de la campagne, à d'absurdes suppositions, qui pourraient être préjudiciables au gouvernement.»
Avant de débuter ses spectacles, Robert-Houdin fait du tourisme. Sa description d'Alger vaut le détour. Surtout pour les poètes qui étouffent dans l'Alger d'aujourd'hui : «Merveilleux hippodrome, placé entre la mer, le riant coteau de Mustapha, la blanche ville d'Alger et la plaine d'Hussein Dey que dominent au loin de sombres montagnes».
Les spectacles se déroulèrent au théâtre de Bab Azzoun, explique-t-il, soit sur l'emplacement de l'actuel Théâtre national algérien. «Les Arabes y vinrent en petit nombre. Ces hommes de nature indolente et sensuelle mettent bien au-dessus du plaisir d'un spectacle, le bonheur de s'étendre sur une natte et d'y fumer en paix. Aussi le gouverneur, guidé par une connaissance approfondie qu'il avait de leur caractère, ne les invitait-il jamais à une fête ; il les y convoquait militairement. On envoya des émissaires dans les différents points de la colonie, et au jour fixé, les chefs de tribu accompagnés d'une suite nombreuse, se trouvèrent en face au maréchal gouverneur Randon». On ne va pas rentrer ici dans les coups merveilleux de l'artiste (malle impossible à soulever, balle de fusil arrêtée par une pomme, etc.). Tous sont explicables par des lois simples de la physique ou de la chimie. Le but de Robert-Houdin est d'impressionner ! «J'ai joué devant de brillantes assemblées, mais jamais devant aucune qui m'ait aussi vivement impressionné. Il ne me suffisait pas d'amuser mes spectateurs, il fallait aussi, pour remplir le but de ma mission, les étonner, les effrayer même par l'apparence d'un pouvoir surnaturel. Mes batteries étaient dressées en conséquence ; j'avais gardé pour la fin de la séance trois trucs qui devaient achever d'établir ma réputation de sorcier».
La mission est en partie remplie, croit pouvoir dire l'artiste de la manipulation : «Un Arabe disait encore en sortant d'une de mes séances : «Il faudra maintenant que nos marabouts fassent des miracles bien forts pour nous étonner.» Et un autre, chef kabyle soumis à la France, dit au colonel : «Au lieu de faire tuer tes soldats pour soumettre les Kabyles, dit-il, envoie ton marabout aux plus rebelles et avant quinze jours, il te les amènera ici.» Robert-Houdin fit effectivement le tour de quelques tribus, mais celles-ci soumises : «Quoique mes représentations fussent terminées, je ne me pressai pas cependant de rentrer en France. J'étais curieux d'assister, à mon tour, à quelques scènes d'escamotage exécutées par des marabouts ou par d'autres jongleurs indigènes.»
«J'avais promis à plusieurs chefs arabes d'aller les visiter dans leur douar. Je voulais me procurer ce double plaisir.» Par un curieux retour de l'histoire, Robert-Houdin, né en 1805, est décédé en 1871, année de la première secousse contre l'emprise coloniale par les tribus d'El Mokrani. Et là, la magie n'y pouvait plus rien ! Comme elle ne put pas, cent ans plus tard, empêcher le déclenchement de la guerre d'indépendance.
Robert-Houdin Comment on devient sorcier. Edition Omnibus, Paris.


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