Plusieurs chantiers sont en souffrance, à l'instar du programme du million de logements promis par le président, l'autoroute Est-Ouest..., alors que la machine économique est en panne sèche. El Tarf, Chlef, Guelma, Tizi Ouzou, Berriane… sont autant de haltes marquées du feu rouge. Les émeutes et la protestation de rue reprennent dangereusement dans une quasi-nonchalance des autorités. Sitôt réinstallé confortablement sur son fauteuil présidentiel, Abdelaziz Bouteflika donne cette impression de s'être offert un repos bien « mérité ». La situation générale du pays n'est pourtant pas rassurante comme il l'a si bien reconnu dans son discours d'investiture. Au-delà de la crise financière qui frappe immanquablement à nos portes, l'Algérie fait face à un sérieux désarroi social étouffé le temps d'une campagne présidentielle. Or, il semble bien que le président ne soit pas aussi pressé que ces citoyens qui lui envoient des signes de détresse des quatre coins du pays. Au chaudron de Berriane qui se rallume incroyablement après une « réconciliation présidentielle » scellée et négociée, le gouvernement réagit par la bonne vieille recette de la commission d'enquête… Doit-on comprendre que les autorités ne connaissent pas encore l'origine et les acteurs de ces affrontements si récurrents ? Pourquoi l'Etat est aussi impuissant pour régler définitivement un problème que le ministre de l'Intérieur a même relégué à une simple dispute de quartier ? Ces questions méritent d'être posées quand on observe ce feuilleton à rebondissements. En Kabylie, les partisans de l'autonomie sous la férule du MAK se sont eux aussi fait entendre. La foule appréciable qu'ils ont rassemblée prouve au moins que l'option gagne de plus en plus d'adeptes parmi une jeunesse laissée à quai par une gouvernance aux insondables perspectives. Mais ces démonstrations de force, qui s'apparentent à une désobéissance pacifique à l'ordre établi, sont visiblement loin d'empêcher nos responsables de dormir. Le président Bouteflika prend même tout son temps avant de nommer un nouveau Premier ministre et son équipe ou de prendre les mêmes et recommencer… Trois jours après son investiture, l'opinion publique ne sait même pas si Ouyahia a remis sa démission, comme le veut la tradition d'usage au lendemain d'un scrutin présidentiel. On ne sait pas non plus si le Premier ministre sera reconduit ou non. Il va falloir attendre, comme toujours, que l'oracle soit rendu par le patron du Palais. Pendant ce temps, l'équipe des exécutants, conformément à la nouvelle Constitution, attend comme nous tous, le communiqué de la présidence lu dans le journal de 20h pour connaître son sort. C'est cela le style de Bouteflika. Qu'est ce qui pourrait bien justifier cette attente à éconduire ou reconduire une équipe alors que le président lui-même invite les Algériens à retrousser les manches face à des lendemains difficiles ? C'est d'autant plus vrai que Bouteflika était sûr, au moins depuis le 12 novembre dernier, qu'il allait jouer et gagner la joute présidentielle. Il y a aussi un argument économique qui n'autorise pas l'attente, à savoir ces chantiers en souffrance comme l'autoroute Est-Ouest, le métro d'Alger, le million de logements, mais surtout ces trois millions d'emplois que le président promet de créer alors que la machine économique est en panne sèche de stratégie. On est bien dans la posture bizarre d'un pays où la rue gronde, tandis que les autorités, à leur tête le président de la République, imperturbables, répondent par le silence. Qu'il vente ou qu'il neige la République reste sereine…Bouteflika adore, par-dessus tout, que les regards soient braqués sur lui et que les Algériens restent suspendus à ses lèvres. Faisant du suspense une pratique presque cultuelle, il finit souvent par dérouter son monde avec des décisions sans commune mesure avec les attentes. Ceux qui attendent un vrai changement de gouvernement et même de chef, risquent d'être déçus par un léger lifting de l'équipe actuelle, voire une possible reconduction de la même équipe. Ce serait une partie de la réponse à ceux, en Kabylie, à Chlef, à El Tarf et à Berriane qui crient leur désarroi.