Le Chef du gouvernement doit remettre en ordre de marche une équipe, gagnée par l'immobilisme, pour créer les conditions politiques idéales à la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un troisième mandat. Attendu depuis fort longtemps, le changement de gouvernement a fini par être acté lundi. La première surprise vient du fait que le Chef de ce gouvernement soit la première “victime” de ce remaniement, alors que dans ses dernières déclarations à la presse, il affichait une force tranquille, assurant qu'il n'était pas partant. D'où la question de se demander si vraiment Belkhadem n'était pas au courant de “ce qui bouillait dans la marmite” à El-Mouradia. En tout cas, le départ de Abdelaziz Belkhadem sonne d'abord comme l'échec personnel de l'homme qui n'aura pas réussi à manager une équipe avec laquelle il n'était pas du tout en cohérence. À sa décharge, il était le premier à s'en plaindre. Il est vrai qu'en arrivant en 2006, il n'avait fait que prendre en marche le train d'un Exécutif qu'il n'avait pas choisi lui-même. D'où la difficulté de le faire marcher. En effet, le gouvernement Belkhadem dégageait cette impression d'une équipe en panne dont la seule performance, ces derniers temps, est la cacophonie qu'affichaient ses membres. Un ministre qui dit une chose pour être démenti dans la minute qui suit par un autre a fini par ne plus surprendre les observateurs. Cette dissonance est en quelque sorte l'ultime “rendement” visible d'un gouvernement qui a collectionné des déboires, en dépit d'une embellie financière. Politiquement, les deux rendez-vous électoraux qu'il avait organisés, à savoir les législatives et les locales, se sont soldés par des échecs patents, mesurés à l'aune du faible taux de participation. Une véritable claque significative d'un désaveu populaire que Belkhadem ne voulait comprendre comme tel, préférant sans doute des lectures qui le placent au-dessus de tout soupçon. L'échec est surtout mesurable au plan social. L'envolée des prix des produits de large consommation a fini par porter l'ultime coup de grâce au pouvoir d'achat d'une très large frange de la société qui a basculé dans la précarité. Et les augmentations des salaires, devenues effectives depuis le mois de janvier 2008, étaient déjà phagocytées par le niveau de l'inflation. L'émigration clandestine, jusque-là marginale, a pris ces dernières années les dimensions d'un véritable phénomène de société. Le pire est que le gouvernement n'a pas trouvé de parade, si ce n'est un traitement judiciaire qui consiste à envoyer devant le procureur de la République les harragas qui ont eu la chance d'être interceptés avant de prendre le large. Et les émeutes qui ont éclaté dans certaines régions du pays apparaissent au final comme l'expression de ce malaise social profond. Sur le plan économique, la panne est aussi patente. Les réformes structurelles au niveau des banques, des entreprises, qui devaient servir de préalable pour la passage à l'économie de marché sont bloquées. Alors que les économistes affirment tous que l'aisance financière du pays est une aubaine pour amortir les effets sociaux de ces réformes. Passe pour les grands chantiers, comme le million de logements, le projet du métro, l'autoroute Est-Ouest, le plan du développement du Sud... C'est ce contexte de blocage qui a rendu le retour d'Ouyahia sur la scène indispensable. Pragmatique qui ne croit qu'à la vertu des chiffres, il aura pour défi de remobiliser une équipe gouvernementale qu'il connaît bien pour l'avoir choisie. Objectif : faire redémarrer la machine économique. Et en plus de l'obligation des résultats, Ouyahia doit jouer contre la montre. C'est-à-dire rendre le changement visible en l'espace de dix mois (juillet/avril) pour permettre au président Bouteflika de postuler à un troisième mandat avec un bilan. N. Sebti