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La nuit, les djinn et les chevaux
Publié dans El Watan le 05 - 07 - 2007

Adam ne sait pas d'où ils sont sortis. «Les Janjawid viennent toujours en grand nombre, plus de 500 personnes. Ils pillent et revendent les biens volés. Ils ont profité de l'insécurité et des accrochages entre l'opposition et l'armée. Les autorités nous ont abandonnés», témoigne encore Adam. «Ils sont pour la plupart des Arabes. Il y a des Africains avec eux. Les Janjawid ne sont pas une tribu, ils sont des voleurs…», dit-il. Certains, ici au Darfour Sud, pensent qu'ils ressemblent à des djinn sur un cheval (jawad en arabe), d'où le nom Janjawid. Des historiens situent la première apparition des Janjawid au Tchad après la fin des affrontements avec la Libye à cause de la bande d'Aouzou. Ces milices avaient soutenu le régime de Hissan Habré contre celui de Mouamar Al Kadhafi. Hissan Habré, arrivé au pouvoir en 1982 après un coup d'Etat contre Goukouni Oueddeï, était également appuyé par Paris et Washington. Une partie de ces milices s'était retirée au Darfour soudanais avant de réapparaître après le début de la crise au nord du Darfour.
D'après Amnesty International, ONG de défense des droits de l'homme, les Janjawid ont commis des «horreurs» au Darfour et à l'Est du Tchad. En 2006, Amnesty a envoyé une lettre, consignée avec Human Rights Watch, ONG américaine de défense des droits de l'homme, et avec l'International Crisis Group, spécialisé dans l'étude des conflits, pour appeler le Conseil de sécurité de l'ONU à «assurer le déploiement urgent au Darfour d'une mission puissante et autorisée à recourir à la force pour protéger les civils». En avril 2006, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1674 qui oblige les Etats à protéger les civils en période de conflits. En mai 2007, la Cour pénale internationale (CPI) délivre un mandat d'arrêt dans le cadre de l'enquête menée sur les crimes commis au Darfour. Ahmed Haroun, ancien responsable au ministère de l'Intérieur et actuel chargé des affaires humanitaires au gouvernement, est soupçonné d'avoir «armé et organisé» les Janjawid. Hassan Tourabi, leader du Congrès national populaire (CNP, opposition), pense que Ahmed Haroun a mené des opérations au Darfour contre les rebelles. «Le gouvernement a bombardé par l'aviation des villages entiers. Il y a massacre des garçons. Des tribus arabes et sahariennes ont été entraînées et armées. Elles ont été montées contre les rebelles africains», affirme Hassan Tourabi, lors d'une rencontre avec les journalistes algériens. «Avant 2003, le terme Janjawid était inexistant. C`est un concept médiatique amplifié par la presse occidentale pour justifier l'intervention étrangère», explique Mohamed Salih, responsable des relations extérieures au gouvernement du Sud Darfour, basé à Nyala.
Mohamed Ali Al Mardhi, ministre de la Justice, dément que le gouvernement ait armé les Janjawid et les ait monté contre les tribus africaines du Darfour. «Les Janjawid ne sont que des brigands, des hors-la-loi. On a développé toute une propagande autour d'eux. Il y a des mensonges…», estime-t-il. Il accuse les organisations internationales de confondre entre les Janjawid et les forces auxiliaires (la défense populaire). «Ces forces ont été créées par un texte qui date de 1970», précise-t-il. Le département d'Etat américain estime que le Darfour a connu un génocide. Chose que démentKhartoum qui ne reconnaît pas le chiffre de 200 000 morts depuis le début du conflit au Darfour. Le Sudanese Media Center (SMC, organisme officiel) a, dans un document intitulé «Le livre noir des mouvements armés au Darfour», rapporté que des actes de pillage et des faux barrages sont dressés sur les routes. «Les réfugiés sont également ciblés par ces rebelles. Comme le sont les organisations humanitaires. Les rebelles utilisent les enfants dans les combats», est-il écrit dans ce document. La CPI poursuit également Ali Kouchaïb, un des chefs de la Défense populaire. Haroun et Kouchaïb sont poursuivis pour une cinquantaine de chefs d'accusation (meurtres, viols, tortures…). Khartoum estime que la CPI n'a «aucune compétence» pour juger des responsables soudanais.


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