La Cour pénale internationale (CPI) envisage de lancer un mandat d'arrêt contre Omar El Bachir, président du Soudan. L'annonce n'est pas faite par la CPI mais par le département d'Etat américain. Le fait est curieux pour une raison simple : les Etats-Unis ne reconnaissent pas la CPI ! Sean McCormack, porte-parole de ce département, a déclaré hier, repris par les agences de presse, que le procureur de la CPI a l'intention de se rendre devant un panel de juges « pour présenter des informations et réclamer un mandat d'arrêt ». Il serait reproché au président soudanais des « crimes de guerre » et des « crimes contre l'humanité » dans la région du Darfour, aux prises avec l'instabilité depuis cinq ans. « S'il y a une décision concernant le président Bachir, cela peut détruire le processus de paix. Dans cette situation, le Soudan ne coopérera jamais avec la CPI », a protesté Al Samani al Wasila, ministre soudanais des Affaires étrangères. Lundi 14 juillet à La Haye (Pays-bas), le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, présentera aux juges de la Chambre préliminaire « les éléments de preuve dont il dispose à propos des crimes commis ces cinq dernières années sur l'ensemble du Darfour ». Après dépôt de la requête, le procureur, accompagné du procureur-adjoint, Mme Fatou Bensouda, tiendra une conférence de presse et annoncera les noms des personnes qui seront poursuivies. Hier, Mme Bensouda était à Addis-Abeba pour informer les membres de Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et le président de la commission africaine, Jean Ping, de l'évolution du dossier du Darfour. La CPI et Khartoum, c'est déjà une longue histoire. Il y a plus d'une année, la CPI avait lancé deux mandats d'arrêt internationaux à l'encontre d'Ahmed Haroun, ministre en charge des Questions humanitaires, et Ali Kouchib, chef de la Défense populaire, soupçonnés d'avoir commis des violations de droits humains. Il est, notamment, reproché à Ahmed Haroun d'avoir « organisé et armé » les janjawid, milices accusées d'avoir commis des exactions au Darfour. Les autorités soudanaises estiment que la CPI n'a aucun droit de juger des citoyens soudanais. « En tant que pays membre de l'ONU, nous ne reconnaissons que la Cour de justice internationale », relèvent-elles. Le Soudan, qui a signé le Traité de Rome portant création de la CPI, mais qui ne l'a pas ratifié, a refusé de répondre au double mandat d'arrêt contre Haroun et Kouchib. « Tant que nous n'avons pas ratifié, nous n'avons aucune obligation vis-à-vis de la CPI. Cette juridiction n'intervient en fin de compte qu'en complément des tribunaux nationaux », ont précisé les responsables soudanais, qui ont rejeté l'existence « d'un génocide » au Darfour. L'opposition, elle, a accusé le gouvernement d'avoir armé des tribus arabes contre des tribus africaines. C'est, entre autres, le point de vue de Hassan Abdallah Al Tourabi, leader du Congrès national populaire (CNP, islamiste), qui a défendu la thèse de l'existence « d'une certaine forme de génocide » au Darfour. Accusation que rejette Khartoum. Hassan Abdallah Al Tourabi a pointé du doigt le gouvernement lui reprochant d'avoir accordé l'impunité aux responsables « coupables d'exactions ». Les autorités ont répliqué disant que des commissions d'enquête ont été constituées et que des « dossiers ont été transférés » à la justice. Selon des informations d'organisations internationales, 200 000 personnes auraient été tuées au Darfour et 2,5 millions forcées au déplacement. Chiffres contestés par le gouvernement soudanais. Cette région, limitrophe du Tchad, vit une profonde crise humanitaire, aggravée par le manque d'assistance et d'engagement de la communauté internationale. Permanente, la CPI, créée par un traité signé par 106 pays, juge, en dernier recours, les personnes accusées de « génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre ». La cour n'intervient pas lorsque l'affaire est jugée localement, « sauf si ces procédures ne sont pas menées de bonne foi ; par exemple, si elles ont été engagées uniquement pour soustraire une personne à sa responsabilité pénale », est-il précisé. Si le mandat d'arrêt est confirmé, l'acte sera inédit. C'est la première fois qu'un chef d'Etat en exercice est poursuivi par la CPI. Cela risque bien de faire jurisprudence...