Industrie pharmaceutique : Ghrieb ordonne le traitement en urgence des dossiers d'investissement en suspens    Le Moudjahid Ismaïl Mahfoud inhumé au cimetière d'Aïn Naâdja    Tour national de cyclisme des Ziban 2025: victoire d'Oussama-Abdallah Mimouni    La Caravane "Jeunesse et mémoire nationale" fait une halte à Tissemsilt    Grève des huit jours: la caravane nationale historique fait escale à Oran    Foot: l'Algérien Djamel Haimoudi nommé superviseur général de l'arbitrage en Tunisie    Décès de la journaliste Hizia Tlamsi: la DG de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    Soudan: le Conseil de sécurité condamne les attaques des FSR à El Fasher    Constantine: 80 exposants attendus à la 5e édition du Salon international Builtec    Garantie des Marchés publics: la CGMP a connu une "avancée très importante" en 2024    Belmehdi préside l'ouverture d'une conférence nationale des cadres du secteur des affaires religieuses    Hidaoui reçoit des représentants de la Grande Mosquée de Paris    AGO de la FAF: adoption à l'unanimité des bilans moral et financier de l'exercice 2024    Décès de l'ancien président allemand Horst Koehler    Oran: décès de la journaliste Hizia Tlamsi    Saihi se réunit avec les membres du syndicat SNPSSP    Pluies orageuses et chutes de grêles sur plusieurs wilayas à partir de samedi    L'investissement durable dans la préservation de la biodiversité    Cessez-le-feu à Ghaza: nouvel échange de prisonniers entre le Hamas et l'entité sioniste    Journée d'étude, le 13 février à Adrar, sur les explosions nucléaires    Ligue 1 Mobilis : Djezzy signe une convention de sponsoring avec l'USB    Non, ce n'est pas ça le football !    Delort prêté à Montpellier pour six mois    Un régime de copains et de coquins ; une putrescence qui s'étend, altérant la France et aliénant les Français ! (Partie I)    Etats-Unis : Washington suspend l'aide étrangère américaine    Crise humanitaire : l'ONU tire la sonnette d'alarme    Deux cambrioleurs arrêtés après un braquage audacieux    Deux conducteurs de bus arrêtés    Des dizaines de locaux commerciaux sont abandonnés à Ouled Yaïch    Le rôle des jeunes dans le développement des régions frontalières souligné    L'Etat accorde un grand intérêt aux projets de télécommunications pour désenclaver les régions    Quelles perspectives pour l'Accord d'association entre l'Algérie et l'Europe ?    Sur les traces des « novembristes »    Ouverture des candidatures pour la 3e édition    Une séance de travail consacrée au Plan blanc    Signature d'un protocole de coopération en matière de formation policière        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Littérature et stratégie. Tarzan et Hirsi
Publié dans El Watan le 12 - 07 - 2007

Ou encore, l'équation entre la colonisation et la colonisabilité que Frantz Fanon et Malek Bennabi ont, chacun à sa manière, éloquemment formulée. Deux exemples peuvent réaffirmer ce postulat. Le premier montrera que même si la littérature se distingue des controverses qui la secondent verbalement et qu'orchestrent des institutions avec opportunisme, la charge doctrinale est, néanmoins, semblable dans les deux cas.
Dans son roman Le Retour de Tarzan, Edgar Rice Burroughs (1875-1950) situe l'action à Sidi Aïssa, en Algérie. Dans un lieu, donc, où les prescriptions culturelles sont à tous les points de vue étrangères aux siennes. Elles sont exogènes ou, plus exactement, exotiques. Ainsi, dans le chapitre sept, Burroughs utilise avec condescendance le mot arabe douze fois au singulier et neuf fois au pluriel. Un peu comme Albert Camus qui s'en est aussi servi dans son œuvre, Burroughs utilise ce mot génériquement pour maintenir les Arabes sous les tentes d'un désert chimérique où leur langue, leur religion et leurs coutumes ne peuvent refléter aucune identité sinon, par intermittences, celle des stéréotypes préromantiques que Jean-Jacques Rousseau consacra contre la société civile avec le mythe du bon sauvage, et dont Rudyard Kipling, deux siècles plus tard, se servira aussi, mais pour décréter que civiliser l'indigène est la responsabilité de l'homme blanc.(1)
Bien que Ayaân Ali Hirsi (voir encadré), née en 1969, émergea dans un cadre géographiquement, historiquement et socialement étranger à celui de Burroughs et de la littérature exotique des Antilles françaises et anglaises, et bien qu'elle ne soit pas blanche, ce qu'elle raconte dans Infidel est thématiquement proche des mythes de l'homme blanc et du bon sauvage. Hirsi rejoint les tableaux peints par les esclaves fugitifs de la Martinique et de la Guadeloupe. C'est, obliquement, le récit d'une acclimatation à une symbolique loin de la socialisation primaire de Hirsi en Somalie, parce qu'elle s'y regarde avec les yeux de l'homme blanc et, comme Caliban, elle parle aussi la langue de Prospéro. L'homme blanc l'accueille à bras ouverts parce qu'il a sillonné avant elle les steppes d'où elle s'est exilée. Il en connaît les richesses et rêve d'un prétexte pour y retourner, revivre d'autres safaris et en finir une fois pour toutes avec les traits de l'ennemi caché qui l'obsède : le nègre, l'Arabe, l'Indien, l'Islam…
Hirsi est aussi devenue fugitive. Sur l'autre rive, d'où William Shakespeare et Burroughs ont exporté Prospéro et Tarzan vers les colonies, elle reste cependant un segment de l'ennemi caché. Les lecteurs occidentaux auxquels elle s'adresse ne regardent pas son infidélité, ou plutôt son acculturation, comme l'aliénation endogène que leur décrit leur «coreligionnaire», l'écrivaine française Marie Darrieussecq dans Truismes (1996), par exemple, où l'exclusion, l'excision, la castration et des douleurs comparables sont également présentes, même si elles ne sont que symboliques.
Plusieurs passages d'Infidel traduisent d'une manière aussi convaincante l'impuissance, l'émotion d'une destinée tributaire de diktats, l'absurdité, l'indifférence et l'isolation sociale. Toutefois, l'autre obstacle c'est qu'elle n'impute cette aliénation qu'à l'Islam sans paraître se douter un instant que cela n'explique pas pourquoi les éminents penseurs de l'Occident, entre les XIXe et le XXe siècles, tels Emile Durkheim, Ferdinand Tönnies, Max Weber et Georg Simmel, l'ont pour leur part plus persuasivement affiliée au protestantisme et au capitalisme alors que leurs successeurs, Herbert Marcuse, Erich Fromm, Georges Friedmann et Henri Lefebvre l'ont, quant à eux, mesurée comme une réaction normative propre à toutes les personnes sociales.
Pourquoi donc, malgré ces manques, l'AEI (American Enterprise Institute. Voir encadré) commandite-t-elle Infidel à l'extérieur de ses normes «littéraires» avec tant de véhémence ? La NASA demande-t-elle à des prêtres et à des imams d'expliquer comment les gaz se dissipent à travers les crevasses que sa dernière sonde a identifiées sur le sol de Mars ? Non ! Pourquoi donc l'AEI choisit-elle une athée pour expliquer l'Islam? La réponse que beaucoup donneraient volontiers aujourd'hui à cette question serait sans doute que les prêtres et les imams ne peuvent pas expliquer les découvertes scientifiques rationnellement, à cause de leurs préjugés créationnistes, alors que les sécularistes, les agnostiques et les athées peuvent le faire plus facilement avec des faits vérifiables empiriquement. Néanmoins, de fervents croyants comme William Phillips, qui reçut le prix Nobel de physique en 1997, Arthur Eddington, l'astrophysicien qui anticipa les recherches d'Albert Einstein sur la relativité (2), ou encore Georges Lemaître, l'initiateur de la théorie du «Big Bang», montrent clairement les insuffisances de cette réplique. Citer Ibn Sina et Ibn Rochd pour la contrepartie islamique n'est pas vraiment nécessaire ici, parce que beaucoup a déjà été écrit à propos de l'alliance incomparable que leurs œuvres ont créée entre l'Islam et l'esprit scientifique. Utiliser l'infidélité et l'exil volontaire de Hirsi pour se dédier à la liberté et au débat ouvert que prétend l'AEI dans son manifeste de 1943 est donc loin de la vérité. Que ce soit à Sidi Aïssa, à Washington ou ailleurs, Tarzan, Hirsi, et d'autres sont, donc, utilisés pour mettre le nègre, l'Arabe, l'Indien, l'Islam et d'autres ennemis hypothétiques sur le pan d'une balance de raisonnement simpliste qui les pèse contre un pan opposé où l'homme blanc et le sécularisme bénéficient malhonnêtement du poids additionnel de la science, du modernisme et de l'utilitarisme. Tarzan a servi la fable coloniale dans la lignée de Kipling. Hirsi l'alourdit, aujourd'hui, aussi frauduleusement, dans celle de Salman Rushdie.
1) Avec son fameux «Take up the White Man's burden//Send forth the best ye breed//Go, bind your sons to exile//To serve your captives' need» dans The White Man's Burden (1899).
2) Robert L. Weber, dans More Random Walks in Science (1982), lui attribue la phrase suivante : «La science est une chose, la sagesse une autre. C'est un instrument tranchant avec lequel les hommes jouent comme des enfants et se coupent les doigts.» (Traduit par nous).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.